Je te jure que c'était lui ! Un navire immense, avec un équipage mi-homme, mi-molusque !

Mais non, t'as juste un peu trop forcé sur le rhum Barbe Courte !


Un rire gras et bruyant se fit entendre au fond de la salle. Je tendis l'oreille, avec ma choppe de boisson non alcoolisée. Je m'étais bien fait foutre de ma gueule par le tenancier pour ça d'ailleurs. Les deux hommes semblaient être des pirates, ou peut-être simplement qu'ils s'inventaient une vie, on était jamais sûr de rien à Tortuga. Cependant, plus la conversation avançait, plus leur sujet m'intéressait. Je décidais donc de me rapprocher d'eux et de m'asseoir à leur table.

Bonjour messieurs, je me présente, Arley « Smiling » Théodore. Je vous ai entendu parler de quelque chose qui m'a quelque peu interloqué. De grands pirates tels que vous pourraient peut-être m'éclairer ?


Mais t'es qui toi ? Fous nous la paix ! T'as rien à foutre ici, dégage de notre table !


Ôla mes amis, calmez vous. J'ai entendu que vous aviez un problème de... navire à l'équipage douteux. C'est bien ça ?

On te racontera rien à propos du Hollandais Volant mon p'tit gars, barre toi !

Ah, très bien, le Hollandais Volant. Et donc, qu'est-ce ?


T'es bouché sale gamin ? Barre toi !

Il tapa du poing sur la table tellement fort que nos choppes se renversèrent. Cependant, une démonstration de force en pleine taverne à Tortuga était une très très mauvaise idée, et je parle par expérience.


Calme vous, bon sang. Je ne cherche qu'à vous aider. Dîtes moi ce que vous savez du Hollandais Volant. Un grand pirate telle que Barbe Courte devrait être capable de me donner quelques informations.


Puisqu'on se débarrassera pas de toi... Ressers nous les choppes que j'viens d'renverser et on pourra discuter !

Un signe au barman suffit pour qu'il s'attèle a la préparation de nos boissons. Il ne tarda pas a nous les faire apporter par une jolie serveuse dont le visage était marqué par la fatigue.


Hé patron ! La p'tite après le service, elle fait quoi ?

De nouveau, des rires gras résonnèrent dans la salle. La jeune serveuse nous apporta nos choppes, la tête baissée, évitant au possible de croiser le regard de la demi centaine de pirates ivres.

Excusez moi, quel est votre nom chère amie ?

Elle releva la tête pour croiser mon regard, et timidement me répondit « Maddie ». Elle déposa les verres sur notre table et repartit, non sans subir d'autres agressions verbales pleines de poésie et de mains mal placées.

Cette fille m'intriguait. Mais ici, je devais rester calme. Si je pétais un plomb c'était fini, ça allait partir en émeute, et je pouvais m'asseoir sur mes précieux renseignements.
Alors, cet Hollandais Volant ?


Petit, ce que je vais te dire là va te glacer le sang, mais il faut que tu gardes en tête que c'est la vérité !

Allez y, je vous écoute, dis-je portant la choppe à ma bouche. Je bus le précieux nectar avant de me rendre compte que le tenancier s'était complètement gouré ! C'était archi-fort, mais si je toussais maintenant, je pouvais dire adieu a toute crédibilité... Je souffris donc en silence.

Le Hollandais Volant est un navire fantôme ! On dit de lui qu'il est le plus rapide de tout les bateaux, impossible à rattraper lorsqu'il est à pleine vitesse. Mais le pire dans tout ça, c'est son équipage !


Barbe-courte prit une pause, comme pour ponctuer son récit. Il descendit sa coupe à la moitié avant de la reposer lourdement sur la table.


Son équipage, petit, est composé des victimes de la mer ! On dit qu'ils sont mi-homme, mi-mollusques, et qu'ils sont prisonniers de l'équipage. Le Capitaine du Hollandais Volant, lui, se nomme Davy Jones !

Silence dans la salle. A ce moment je me suis dit que ça faisait vraiment cliché, mais tous regardaient dans notre direction avec un soupçon de peur dans le regard. Puis les uns après les autres, il se remirent à leurs verres, et à brailler le plus fort possible.

Ce capitaine est le plus craint de toutes les mers. On raconte de lui qu'il commanderait le Kraken ! Une créature cauchemardesque capable d'anéantir n'importe quel navire, l'engloutissant dans les profondeurs et ne laissant derrière lui que des planches flottantes à la surface.

J'avais pas perdu mon temps avec ces gars là, je tenais un bon tuyau. Je repris donc ma choppe et la portais une nouvelle fois a ma bouche, sans toutefois en boire le contenu. Lorsque le liquide rentra en contact avec mes lèvres, une désagréable sensation de cuisson me prit, et rapidement, je reposai la choppe, m'essuyant la bouche avec ma manche.

Mais ce capitaine aurait une faiblesse ! On dit de lui que son cœur fut brisé par la déesse des mers, et que pour ne pas souffrir, il se l'arracha de la poitrine. Il le cacha ensuite en lieu sûr, et seul le capitaine lui-même sait où il se cache. La personne qui transpercerait ce cœur deviendrait donc le nouveau capitaine du Hollandais Volant !


Et où le trouve t-on ce Hollandais Volant ?

Ce n'est pas toi qui le trouveras, Théodore. Ce sera lui qui viendra te trouver.

Et il se mit à rire une nouvelle fois, avec son collègue donc je ne connaissais toujours pas le nom.

Peut-être que si tu étais en possession d'âmes, il viendrait à toi. Mais fais attention, il s'agit de quelqu'un de très fourbe !

Je vous remercie de ces renseignements messieurs. Vous m'avez donné beaucoup plus que je pensais avoir ! La petite Maddie... Vous intéresserait-elle ?

Ah ça, p'tit gars, tu fais mouche !

Laissez moi vous offrir un petit peu de temps avec elle, dans ce cas. Ce serait la moindre des choses.

Nous attendîmes donc l'heure où les serveuses commençaient leur second emploi, et je m'approchais du barman pour me payer les services de cette « Maddie ». Nous montâmes avec Barbe Courte, et son collègue donc je ne connaissais toujours pas le nom, à l'étage, et prîmes une chambre. La joli Maddie nous rejoignit quelques minutes plus tard, après s'être vêtue d'une jolie robe de dentelle rouge et blanche.

J'eus un peu de peine en la voyant ainsi, la mine vide, fatiguée de la sorte, à subir jour après jour les mêmes traitements des clients. Elle restait à l'entrée de la pièce, silencieuse, regardant ses pieds chaussés de petites chaussures à talons élégante.


Je lui dis de s'approcher. Je sentais les deux pirates a coté de moi respirer de plus en plus fort. Lorsqu'elle fut proche du lit, elle s'y assied et commença à retirer ses chaussures. Sans les regarder, je les imaginais saliver comme des bêtes. L'un d'eux s'approcha d'elle et lui saisit l'arrière de la tête, par les cheveux.

Maddie... Depuis le temps que j'attends ça.... Tu sais ce qu'il te reste à faire !


Le sclère de ses yeux était rougi, et quelques secondes de plus auraient suffit à y voir apparaître une larme...

Mais, non, c'était trop. C'est parti tout seul, voilà, une bonne grosse pêche dans la tête du premier pour l'assommer, un bond sur le deuxième pour lui faire manger le bois de lit, et une main sur la bouche pour étouffer d’éventuels cris de la donzelle.

Aucun bruit, propre, efficace. Du Roxas quoi.

Je ne vous veux aucun mal, Maddie. Soyez en sûre. Ce soir était la dernière fois où vous aviez a vivre ceci. Écoutez, je vais retirer ma main de votre bouche, et vous allez respirer lentement, calmement et vous détendre. Je vais vous tirer de là.

Je retirai ma main de sa bouche comme convenu, et elle se leva et me pris dans ses bras, relâchant sûrement toute la détresse qu'elle avait accumulé pendant des semaines, peut-être des mois ? Elle fondit en larmes ce qui alerta l'un des maquereaux dans le couloir.

Tu vas fermer ta gueule ? On est pas payés pour que tu chouines, salope !

Mais elle continua et l'homme ne tarda pas a faire irruption dans la pièce.

Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Oh !

Et il sortit un pistolet à silex, et c'est là que ça a commencer a puer sévère. Décidément... Maddie, qui avait arrêté de pleurer et qui regardait fixement le mec, devait se dire un truc genre « Ma vie est pourrie ».

Je lui jetai un regard genre « t'inquiètes, ça va aller, j'ai l'habitude » avant de me placer entre elle et le potentiel tireur. Rush, coup de tronche, assommé. Fin de l'alerte.

Je récupérai son pistolet ainsi que ses munitions et les tendis à Maddie.


C'est pour te défendre. Dis moi quand tu es prête a y aller ! Tu peux courir ?


Elle me fit oui de la tête et me dit que le plus vite nous aurions quitté « cet enfer » mieux ce serait. Je balançais les corps par la fenêtre, sortis par là, et invitais la rescapée à sauter. Elle le fit, non sans hésiter, et je la rattrapais comme une princesse. Gentleman avant tout !

Puis, nous nous mîmes en route vers mon vaisseau, elle et moi. Je chargeais les mecs assommés et nous partîmes direction Pays Imaginaire !

Pourquoi ?

Là-bas, de l'une de mes précédentes missions se trouvait un bateau à l'abandon. Je chargeais les mecs dans la cale et réhabilitais le bateau avec un équipage de similis. Maddie était restée au vaisseau, elle n'avait nullement besoin de voir ça. Le bateau abandonné servait donc de prison de fortune. Et de toute façon, ils ne pouvaient pas s'enfuir, mes similis s'occupant de la sécurité du bateau.

Je retrouvais finalement Maddie au vaisseau. Elle s'était endormie. Sa longue chevelure rousse s'entremêlait sur son front et sa nuque et lorsque je tentais d'entrapercevoir ses yeux couleurs d'améthyste, je ne vis que ses paupières bordées de longs cils de cuivre. Je la laissais prisonnière du monde des rêves et repartis vers d'autres horizons.