Au coeur des ténèbres

Le sifflet du maître de gare se faisait entendre dans la station Shin’Ra, l’homme à la stature forte appelait les derniers passagers à embarquer dans le transport en direction du Château de la Bête. Il y avait beaucoup de monde dans la station, et à l’appel de l’agent, peu quittèrent leurs sièges afin de se diriger vers les portes d’embarcation. Seul un petit groupe d’individu encapuchonné d’une épaisse cape brune se risquèrent à entrer dans le vaisseau de la compagnie. Nous pouvions en compter quatre, mais impossible de discerner leurs visages dans l’ombre de leurs manteaux. Ils entrèrent calmement et s’installèrent ensemble sur une banquette, attendant le départ. L’appareil se mit en branle, décollant avec légèreté avant de quitter le Domaine Enchanté pour rejoindre les voies spatiales privatisées par la compagnie.

Il n’y avait aucune bruit dans la cabine, seul le vrombissement du moteur comblait le silence. Il fallut attendre plusieurs minutes avant d’entendre la porte s’ouvrir et découvrir le contrôleur, pointeuse à la main, s’approchant du groupe d’inconnu.

Vos tickets, je vous prie.
Les quatre personnes s’exécutèrent et tendirent tour à tour leurs propres billets de transport, dévoilant des mains gantées de cuir. Le bruit mécanique du petit appareil résonnait dans la cabine, perforant le papier avant d’être rendue. L’homme grommela un merci avant de se retourner et d’emprunter le même accès par lequel il était venu, le vomissement du moteur reprenait ses droits dans la cabine. Les minutes passèrent et finalement, l’un des quatre passagers relevait sa capuche, dévoilant le visage d’un homme âgé, la barbe et les cheveux grisonnant.

Bien, maintenant dans le vaisseau… Allez-vous nous donner nos ordres Commandantes ?
La personne en face de l’homme ayant pris la parole ôta-t-elle aussi sa capuche, dévoilant un visage aux traits féminins mais barré d’une cicatrice. D’un regard, elle invita les deux autres à faire de même, un jeune homme blond et une femme aux cheveux de feu.

Exceptionnellement, vous avez l’autorisation de m’appeler Cassandra pendant le déroulement de cette mission.
Les regards s’échangèrent un instant, choqué. La Commandante avait pour habitude de refuser catégoriquement d’être appelée par son prénom, préférant son grade ou le nom de sa famille.

- Le Primarque nous envoie établir un avant-poste dans le bois aux loups.
- Rien que nous quatre ?
- Et sans armes ?! C’est une blague.
- Nous devons rester aussi discrets que possible, la raison de notre accoutrement ainsi que de notre façon d’avoir quitté le pays. Nos ennemis doivent ignorer que des Templiers se rendent dans un territoire de Royaume Noir.
- Mais… Pourquoi ?!
Pentaghast fixait la jeune femme de son regard noir, pour ensuite soupirer un instant et reprendre la parole.

- N’oubliez pas qu’ils détiennent la Princesse Aurore. Si toute l’armée du Sanctum s’amoncelle à leurs portes, ils n’attendront pas longtemps avant de l’exécuter et d’exhiber sa tête au sommet d’une pique pour nous narguer.
- Vous pensez vraiment que…?
- Ils n’hésitent pas torturer et tuer, vous pensez qu’il ne réserve pas le même sort à la Princesse si nous attaquons ?
- Nous avons une chance de la libérer, nous allons dans leur monde et ils ignorent notre présence… Tentons notre chance et…
- Il suffit…!
La Commandante frappait du poing sur la table de leur banquette, calmant les ardeurs de l’homme assis en face d’elle. Elle releva ensuite lentement son poing et désignait de son doigt le Templier.

- Les ordres sont d’établir un avant-poste, et non de libérer la Princesse.
- Mais…
- Je tiens autant à elle qu’à notre Déesse, mais je ne risquerais pas sa vie en fonçant tête baissée dans l’antre d’Ariez. Me suis-je bien fait comprendre ?!
- Oui.
- Oui.
- C’est stupide.

Suite à la remarque de doyen du groupe, Pentaghast se releva et gifla l’homme avec violence, laissant échappé un cri de surprise des lèvres de la jeune femme à ses côtés avant de laisser l’atmosphère retombée.

- Petite effrontée… Je servais le roi bien avant que tu ne viennes au monde !
- Nous avons des ordres, Templier. Que vous le vouliez ou non, nous établirons un avant-poste et nous ne chargerons pas l’épée à la main dans une quête vaine.
- Une quête vaine ?! Vous vous entendez parler ! La Princesse est-ce qu’il y a de plus chère à notre royaume !
- Rodrick, calme toi…
- Non, je ne me calmerais pas ! Nous avons une chance, infime certe, de retrouver et ramener Aurore. Nous devons la prendre.
Pentaghast se releva d’un bond et posa ses mains à plat contre le banc, approchant son visage de celui de l’homme.

Gardez votre colère pour l’ennemi, elle vous sera plus utile dans une joute qu’ici. Nous avons des ordres du Primarque et nous les respecterons !
Rodrick regarda la commandante dans les yeux de longue seconde. Et après un soupir, il tourna le regard vers la fenêtre et croisa les bras sur sa banquette. Pentaghast se calma-t-elle aussi et s’assit à nouveau, faisant face aux deux autres Templiers, silencieux.

- Une fois au Château de la Bête, nous prendrons la direction du bois et nous éviterons de parler avec qui que ce soit. Nous ne sommes pas armées, et nous n’avons pas nom plus de symboles rappelant notre appartenance, il n’y a donc aucune raison de se faire accoster par quelconque garde de la Coalition. 
- Et si le cas se présente ?
- Nous sommes des réfugiés, et nous venons à quitter la Citée du Crépuscule pour des cieux plus clément.
- Dans le lieu même ou réside la dirigeante de la Coalition Noire ?!
- Contrairement à ce que l’on croit, Ariez est plus laxiste avec les habitants du village que les habitants de la Citée du Crépuscule. Ou du moins, il ne plane pas l’ombre d’une rébellion ici.
- Notre plan est simple, prions Etro qu’aucune embûche ne se dresse sur notre chemin.

Silencieusement, les quatre Templier fermèrent leurs yeux et abaissèrent leurs têtes, récitant une courte prière à voix basse avant de remettre leurs capuchons. Le bleu sombre de l’espace se dissipait lentement alors que le soleil du monde dans lequel ils allaient atterrir faisait son apparition. Pentaghast ne serait ici que quelques jours, le temps d’établir leurs positions et récolter quelques informations avant de repartir pour le Domaine Enchanté. Les Templiers ne le savaient pas encore, mais il composerait la première avant-garde du Sanctum dans un monde du Royaume Noire.

Le transport se stoppa net suivit du sifflement du maître de gare, les portes s’ouvrirent alors et laissèrent le groupe quitter le wagon. Toujours encapuchonnés, ils traversèrent le hall d’un traite en passant à proximité de garde armé sans éveiller leurs attentions.

Pentaghast s’arrêtait un instant après avoir franchi les portes, observant le village face à elle. Le même que celui dont-elle était originaire mais profondément différent, pas d’enfant jouant dans les rues ou d’activité commerçante. Seulement une grande place vide ou trônait une fontaine en pierre, et plusieurs gardes armés patrouillant dans les rues. Il n’était pas des centaines, mais suffisamment pour éradiquer une menace dans l’oeuf. La commandante serra les poings un instant, d’après les dires du Primarque, il n’y devait pas y avoir autant de garde dans les rues de ce village… L’information devait dater, et le danger ne viendrait pas seulement des loups.

- Penth… Cassandra, nous devons nous hâter !
- Oui, avançons avant de nous faire remarquer…
Le groupe se mit en marche, s’enfonçant dans le village désert, le soleil terminait lentement sa course, étendant les ombres sur le sol. Ne cherchant pas à attirer l’attention, les Templiers marchèrent normalement et en silence, la capuche masquant toujours leurs têtes. Les volets se claquaient au rythme de leurs pas dans les rues, l’atmosphère oppressante du village se faisait ressentir au sein même de ses pavés et les torches des rondes en éclairaient chaque centimètre. Le doyen, marchant en tête, était le premier à réagir depuis le départ de la station.

- Nous aurions dû quitter le Domaine plus tôt…
- Trouvons une auberge dans laquelle passer la nuit, il serait imprudent de rentrer dans la forêt la nuit tombée. Vous êtes d’accord Cassandra ?
- Vous avez raison Wendy, il serait plus prudent d’avancer dans les bois à la lueur du jour.

Le groupe s’arrêta un instant, regardant au loin dans les rues à la recherche d’un endroit propice à les accueillir. En réponse, une musique flottait dans les airs, invitant les Templiers à la suivre. Ils empruntèrent une ruelle étroite, croisant deux gardes armés de lance, pour continuer dans une autre rue avant de se faire interpeller par une autre patrouille. Pentaghast se retourna en première, les gardes étaient aux nombres de quatre et dirigeraient déjà la pointe de leurs armes en leur direction. L’un d’entre eux s’approcha en vociférant des ordres à leurs égards.

Que faites-vous encore dehors ?! Vous avez oublié les ordres, la Princesse Ariez ne veut voir personne dans les rues une fois la nuit tombée.
Les Templiers croisèrent leurs regards un instant avant que Philippe ne s’avance, l’échine courbée et la tête basse devant les hommes de la Coalition Noire.

- Pardonner nous, nous venons seulement d’arriver de la Citée du Crépuscule et… 
- Que venez-vous foutre ici ? Et comment avez-vous réussi à prendre les transports, répondez !
- Mais, nous ne sommes que de pauvre villageois…
- SILENCE !
Le garde frappa Philippe du plat de la lame de son épée avec force, le faisant chuter sur le carrelage froid de la ruelle. Pentaghast le regarda chuter, un filet de sang s’écoulant de sa bouche. Instinctivement, elle referma son poing et s’avança d’un pas en direction du garde ayant frappé son frère d’armes. Mais la pointe d’une lance vint se coller à sa gorge, stoppant net la commandante.

Vous n’êtes pas d’ici… Garde ! Arrêtez-les !
Le lancier fit un pas en arrière pour prendre de l’élan afin de frapper, profitant de l’instant, Pentaghast s’élança en avant et attrapa la hampe de l’arme pour la dévier de la main gauche. Et de son poing toujours serré, elle frappait au visage de celui-ci de toutes ses forces, le faisant reculer de quelques pas et relâcher l’emprise sur son arme. Alors qu’elle tenait la lance de sa main, le garde noir ayant pris parole pointait déjà son épée vers son frère au sol, prêt à donner un coup d’estoc dans celui-ci et l’achevé au sol. Reprenant son équilibre, Pentaghast concentra sa lumière du bout de ses doigts, faisant apparaitre une lueur apaisante pour ses frères, et dirigea sa paume vers l’ennemi. La lueur quitta alors ses extrémités telle une vague de lumière continue et frappa le corps du garde, l’immobilisant dans son action et sauvant Philippe de justesse. L’occasion était trop belle, Rodrick se jeta en avant et renversa le garde immobilisé et récupéra ainsi son épée pendant que Wendy tira le corps du Templier blessé en dehors du combat.

- Bordel… C’est impossible…
- Étro me guide et me protège, qu’importent les ténèbres m’entourant.

Enivré par la prière de la Commandante, le doyen de l’expédition affirmait son emprise sur la garde de l’épée et se tenait prêt à combattre. Et quant à Pentaghast, elle fit tournailler la lance autour d’elle avant de pointer de la pointe les trois gardes coalisés encore debout. Et d’un seul geste, les deux Templiers se jetèrent dans la mêlée.

Pentaghast se concentra à nouveau, concentrant sa lumière au bout de son arme cette fois et frappa un coup ascendant sur un des gardes. Celui-ci le bloqua sans mal et contre-attaqua avec son épée d’une estoc, transperçant la cape brune de la Dame. Déstabilisée, la jeune femme trébucha en avant et fit maintenant face au garde. Celui-ci recula d’un pas et attaqua une nouvelle fois, la Dame ne para que de justesse, avec la hampe de la lance qui se brisa net. Le garde noir rigolait et passait son arme de main en main, attendant le bon moment pour frapper. Désarmé, Pentaghast se concentra à nouveau pour faire apparaitre une dague de lumière, la lame pointer vers le bas, attendant l’attaque. Il se jeta alors sur elle, lame en avant. La balafrée fit un pas de côté et attrapa la manche de son adversaire pour tirer dessus et planter l’arme magique dans son dos. La chair n’était pas touchée, c’était plus profond que ça, la magie divine de la Lumière d’Étro n’attaquait pas le corps, mais le coeur ténébreux de son adversaire. Il recula en hurlant de douleur, tentant de retirer la lame du jugement planté dans son dos, en vain. Et fini par s’écrouler au sol, tétanisé par la douleur.

Elle se retourna pour voir Rodrick blessé au bras gauche, du sang ruisselant le long de ses doigts. Face à lui, un des deux hommes était à terre, inerte, et l’autre balayait l’air de sa torche. Pentaghast se rua alors sur lui de toute sa vitesse, et d’un coup, rentra dans celui-ci et le renversa au sol. Donnant l’opportunité à son frère d’armes de l’achever d’un seul coup d’épée. Se relevant péniblement, la Dame observa les blessures de ses deux frères.

Nous ne sommes pas en sécurité ici, vite, rejoignons les bois !
Wendy aida Philippe à se relever et passa son bras pas dessus son épaule pour forcer l’allure en dehors du village, pendant que Rodrick et Pentaghast donnaient la direction à prendre. Le combat n’était pas passé inaperçu, à peine avaient-ils quitté les lieux que des voix s’élevaient et cherchaient déjà les coupables de ce crime. Les Templiers continuèrent d’avancer dans les rues, évitant les lumières des torches, se guidant à la seule lueur de la lune à la recherche du bois aux loups.

*** Cinq jours ont passé ***

Pentaghast était accroupie dans les fougères, observant la patrouille de gardes coalisés ratissant la forêt, probablement à la recherche des Templiers. Elle était moins importante que la dernière, ils n’étaient plus que six hommes par groupe et ils étaient de moins en moins souvent dans les bois. Le côté optimiste de la garde l’invitait à penser qu’ils étaient sortis d’affaire, du moins, pour le moment. Maintenant à bonne distance, la Dame se redressait et fit demi-tour en direction du campement qu’il avait construit dans les bois. Ce n’était pas grand chose, seulement quelques branches de bois maintenues contre une paroi rocheuse faisait office de tente pour se reposer une fois la nuit tombée. Les Templiers n’avaient pas encore pris la peine d’installer un feu de camp, trop risqué, mais la situation les prévenait en cas de danger immédiat. À flanc de colline, il était protégé de la pluie, et un garde posté en hauteur voyait quiconque arrivé.

Maintenant à une dizaine de mètres du refuge, elle voyait Wendy posté lui faire de grands signes. Un léger sourire se dessina sur le visage de Pentaghast avant de croiser Rodrick, le bras soutenu d’une attelle en tissu, revenant avec les gourdes remplies d’eau.

- Alors ?
- Ils diminuent les recherches. Philippe ?
- Il taille des bois avec l’épée que nous avons gardée, préparant des pièges pour attraper des bestioles sans doute !
- Nous attendrons encore un peu avant de faire un feu. Ne prenons pas de risque inutile.
- Avec vos ordres, commandante.
La journée touchait déjà à sa fin, les rayons du soleil perçaient difficilement l’épais feuillage du bois aux loups. Les quatre Templiers s’étaient rassemblés dans leur camp de fortune, faiblement éclairé par la lueur de la lune. Pentaghast distinguait à peine le visage de ses frères d’armes, se concentrant un instant, elle enveloppa son corps d’une aura lumineuse le temps de ce qu’elle avait à dire.

- C’est toujours aussi impressionnant, comment faite-vous ça ?
- Ce n’est pas la question Wendy, nous n’avons pas beaucoup de temps.
- Il va falloir rentrer au Domaine Enchanté.
- C’est la meilleure nouvelle depuis notre arrivée ici !
Pentaghast détourna son regard un instant, l’air désemparer par la remarque du doyen.

- Je me suis mal exprimé… Je vais rentrer au Domaine Enchanté.
- Qu… Quoi?
Les regards des autres Templiers se fixèrent sur la femme lumineuse, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire.

- La mission est d’établir un avant-poste dans le bois aux loups, ce que nous avons accompli. Et il faut entretenir l’endroit et le préparer à recevoir plus de gardes, pour le combat contre la Coalition Noire.
- Sans outils, sans rien ?!
- La raison de mon retour au Domaine, prévenir le Primarque et vous faire parvenir tout le matériel nécessaire. Nous avons besoin de cet endroit, et vous allez rester pour le tenir.
- Je ne m’attendais pas à cela…
- Moi non plus !
- S’il vous plaît, ne m’obligez pas de vous l’ordonner.
Les regards se croisèrent un instant, inquiet, avant de se concentrer à nouveau sur Pentaghast.

- Ce n’est pas la peine. Je ne vous demanderais de ne pas nous oublier ici.
- Vous ne serez pas seul, Étro sera à vos côtés chaque instant et vous protégera du mal rongeant ce monde.
- Louer soit-elle.

La Lumière d’Étro se concentra à nouveau pour faire taire son aura, et après quelques paroles, les gardes rejoignaient leurs couches. Le Sanctum avait dorénavant un avant-poste dans les bois bordant le Château de la Bête, mais ce n’était pas encore suffisant. Templiers, Paladins et Prêtres devaient s’unir pour construire le marteau permettant la libération proche de la Princesse Autore.