« Ah, si seulement un jeune homme vigoureux et dans la fleur de l'âge passait par là. Cette caisse est trop lourde pour le vieux commerçant que je suis... »

Un point d'exclamation trône sur la tête de ce marchand de la place publique : c'est l'heure de la super-quête secondaire ! Emmet, tout confiant, s'approche du commerçant et le salue comme seul un bon citoyen sait le faire, c'est-à-dire d'une poignée de main virile et masculine comme tout. Oh, oui, Emmet est un mâle !
Et comme un mâle, il laisse entendre sa voix de loup alpha.


« Eh bien, c'est votre jour de chance, monsieur le marchand ! »

« Oh, je suis béni des cieux ! Pourriez-vous s'il vous plaît déplacer cette caisse là-bas ? J'aimerais bien la prendre moi-même, mais je ne suis plus un jeune homme vigoureux et dans la fleur de l'âge... Vous, par contre ! »

« J'en fais ma mission prioritaire, monsieur ! »

« Faites bien attention ! Le contenu de cette caisse est très fragile. Elle contient la collection d'éléphants en porcelaine de mon arrière-arrière-grand-mère. Ça vaut une vraie fortune : ce serait une vraie catastrophe si vous l'échappiez en la déplaçant. »

Une goutte de sueur perle sur le front d'Emmet. Cette mission n'est pas une simple tâche, c'est un véritable exploit (allez, je dis ça au hasard, mais environ de niveau périlleux) ! Avant de s'approcher de la caisse, il fait quelques étirements pour être certain de ne pas crouler sous la pression et, par le fait-même, sous le poids des éléphants en porcelaine. Cela fait, il s'approche lentement de la collection et place ses mains de chaque côté pour évaluer le poids de celle-ci...
À vue de nez, Emmet estime au moins cinquante tonnes, si ce n'est plus, mais il est prêt. Comme les grands champions des épopées super-épiques, il est prêt. Il positionne ses doigts avec précision sur les côtés de la caisse, plie les jambes et les déplie, d'un coup. Résultat : la caisse se lève gentiment et Emmet peut enfin passer à la seconde étape de cette mission.

Le vieux commerçant qui, on le rappelle, n'est plus dans la fleur de l'âge, pointe la destination de la caisse d'un doigt tremblotant. Emmet s'y oriente donc. Un pas à la fois - tranquillement mais sûrement -, il s'avance. Ses enjambées sont étudiées, à un tel point qu'il a l'impression de déposer une thèse de doctorat en astrophysique à chacun de ses pas. Cependant, il ne capitule pas.
Tout se passe bien, donc. Tout se déroule à merveille. À moins que...


« Jeune homme, faites attention à la mar-- »

Cascades et cabrioles ! Sans le vouloir mais avec la grâce nécessaire, Emmet fait un salto arrière et échappe la caisse sur le sol. Dans un brouhaha incroyable - on aurait presque pu entendre les éléphants en porcelaine hurler -, il continue sa lente descente et atterrit là où le dos perd son nom. Deux sur dix pour la chute, dont un point bonus pour l'effort (Emmet est un brave garçon, un peu maladroit... mais c'est un brave garçon qui essaie beaucoup... Oui, qui essaie beaucoup).

« La collection d'éléphants en porcelaine de mon arrière-arrière-grand-mère ! C'est une véritable catastrophe. (En se retournant vers le Destructeur, le toisant d'un regard vil !) Jeune homme, vous me décevez beaucoup ! Partez, partez sur-le-champ ! »

Emmet, la mine baisse et les épaules rondes, reprend la direction de ses quartiers. Il aurait tant aimé pouvoir aider ce vieil homme, mais voilà que le destin (je vous arrête, ce n'est pas la faute du narrateur !) lui en veut et le pousse à l'humiliation.
Cependant, il ne reste pas triste bien longtemps : personne n'est parfait, n'est-ce pas ?! Tout le monde a ses défauts, n'est-ce pas ? Emmet est peut-être maladroit, insouciant, lourd, inconscient, naïf et impulsif, mais il est... Il met beaucoup d'efforts ! Oui, il met du cœur dans tout ce qu'il fait ! C'est l'important, n'est-ce pas ?!

Si seulement... Au loin, il aperçoit la maison de son mentor et, par le fait-même, son chez-soi. Mi casa es tu casa, comme on dit en allemand !
Plus il s'avance, plus il discerne des silhouettes différentes devant sa porte. Les silhouettes ont des visages, et des visages furieux, oui, des visages plein de rage ! Emmet est irrésolu devant cette scène, et décide de s'approcher d'un pas plus rapide (tout en évitant de trébucher, car Dieu sait à quel point ce brave garçon est gauche). N'est-il pas surpris de voir que tous ces gens espéraient son retour ! Génial, qu'il se dit, des gens sont venus m'accueillir ! Pourtant...


« Emmet, vous avez dit être un super-jardinier, alors je vous ai confié mes jardins pour que vous les rendiez plus attrayants. Résultat : vous avez littéralement copié le potager de mon voisin ! Par ma moustache, ça a créé tout un brouhaha dans le voisinage. »

Non, mais oh... Il fallait préciser ce que vous vouliez, hein.

« Je suis extrêmement furieuse, jeune homme ! Mes enfants étaient sous votre responsabilité, et vous avez trahi ma confiance !! Quand je suis revenu à la maison après ma journée de travail, mes enfants ne peignaient que des portraits réalistes et des natures mortes parce que "l'art doit représenter la vérité". Je suis choquée. »

'faut pas en vouloir à Emmet, il a l'imagination d'un poisson rouge.

« Vous aussi ? Oh, heureusement, Emmet n'a pas incendié le quart de votre maison en voulant allumer des chandelles. »

Emmet, là, t'as joué avec le feu. Je peux rien faire pour t'aider.

« Et il a dompté mon chien pour le rendre obéissant ! »

...

« Attendez, Emmet a aussi... »

Et ainsi se poursuit une douce chanson d'insultes et d'injures.
Emmet, devant tant d'insatisfaction, baisse la tête de nouveau et ne la relève que quelques minutes plus tard pour regarder par la fenêtre de la chambre de son mentor. Celui-ci se tient debout, décidément déçu par l'attitude de son disciple. Il lui avait dit d'aider des pnjs du Jardin radieux, pas d'y mettre le chaos. Ah, sacré Emmet...

Triste, abattu, accablé par sa propre maladresse, il entraîne dans sa chute le style littéraire léger et super-dynamique du narrateur pour ensuite ne plus dire un mot et se diriger vers la gare de la Shinra.
Si plus personne n'a besoin de lui ici, c'est qu'il doit retourner dans son doux pays natal. Le grand monde de la charpente et de l'œuvre l'attend. C'est ce qu'il se dit, du moins, en regardant pour une dernière fois le Jardin radieux se dessiner devant lui... Parmi les artistes, il est incompris.
Parmi les artistes, parmi les bizarres, les biscornus, les curieux, les baroques et les non-conventionnels, il est bien trop normal.