Une année, voici plus d’une année que je me suis inscrit à l’académie du Consulat pour proposer à qui le désir d’apprendre le noble art du brassage de la bière. Depuis tout ce temps, je suis tranquillement dans ma brasserie, préparant mes cours en ayant recyclé un ancien alambic et mettant de côté les ingrédients en surplus en préparation à ce jour. Imaginé un peu, moi, dans les caves de ma brasserie face aux énormes cuves en train de compter les graines de houblons qui me restaient, ou encore à diluer les bonbons que j’avais ramené du royaume de sa Sucrerie pour les quelques liqueurs sortant de mes murs.
Enfin, tout ça pour dire que… Ce n’est qu’après tout ce temps qu’un intendant de l’académie l’appel pour confirmer qu’assez d’élèves se sont inscrits à mon cursus si particulier ! J’ai bondi de joie, littéralement, avant d’empoigner mes affaires et me rendre dans la salle assignée à mon cours.
Il serait possible de parler de l’académie érigée par le groupe des artistes, pendant de longues heures car, franchement, il y a de quoi dire… Mais pour être honnête, j’ai juste demandé le numéro de la classe et une direction.
Je courant au milieu des couloirs, mon zhùli volant derrière moi et seulement maintenu par la fine cordelette de cuir attachée à mon cou. Je ne sais pas qui, entre moi et les élèves présents, était le plus excité, en vu de leur tête… C’était probablement moi ! C’est bête, mais, mis à part le jour de mon inscription, je ne m’étais jamais promené dans le bâtiment. Je voulais peut-être conserver la surprise de ce jour.
Mon énorme paquetage sous le bras droit, ma main libre grattant l’arrière de mon crâne, j’observais le plan de l’académie en recherche de la fontaine décrite par la secrétaire à l’entrée. Si j’avais bien compris, au centre de l’académie se trouvait une fontaine, et ma salle de classe était juste après celle-ci. Espérons ne pas arriver en retard à mon premier cours !
Enfin, il faudrait vraiment que je me perde dans les couloirs de longues heures pour ça. Mon premier cours était à quatorze heures et j’avais franchi les lourdes portes de marbre en même temps que les premiers élèves. Et j’ai quand même trouvé la salle avant que les cloches ne sonnent la première récréation, respect.
La salle de classe n’était pas spécialement grande, un grand tableau noir parcourant un côté de la pièce et un bureau de bois massif. Surement pour moi ! Je m’approchais de celui-ci et posais mon imposant sac dessus dans un bruit sourd de fer, l’alambic avait probablement fait connaissance avec les silex. Je posais mes mains sur les hanches et regardais la salle, des blancs de bois parfaitement aligné face à moi, plusieurs cartes et autres trucs rappelant l’école accrochés sur les murs et totalement en désaccord avec le thème de ma présence.
Combien j’avais d’élève ? Je ne savais pas à vrai dire, mais la pièce n’était pas vraiment adaptée pour ce que je comptais faire. Je m’approchais du mur face à la porte et ouvrais grand les quelques fenêtres pour ensuite écarter plusieurs bancs et faire un peu de place pour préparer la leçon. Je posais le sac de charbon à côté de mon bureau pour ensuite placer le réchaud du cuivre à la place aménagé, comment les propriétaires des lieux allaient réagir si j’allumais un feu ici ? Enfin, je ne me vois pas non plus faire un cours sur le brassage sans exemple ! Ou sommes nous enfin… Je disposais ensuite les divers ingrédients que j’avais amenés sur mon bureau, bien en évidence. Je n’avais rien oublié pour ce jour, je laisserais un souvenir indélébile dans l’esprit de mes élèves aujourd’hui.
J’avais la tête dans l’alambic, vérifiant si la valve n’était pas bouchée quand les étudiants arrivaient. Je sortais aussi vite que possible, un large sourire barrant mon visage alors que seulement trois hommes étaient face à moi. Passant mes pattes sur mes vêtements, je m’approchais d’eux en bredouillant rapidement.
Bonjour ! Bonjour et bonjour ! Je suis content de vous voir enfin, je m’appelle Chen Stormstout, Maître Brasseur… Mais appeler moi simplement Chen, pas de chichi entre nous.
Je m’arrêtais un instant devant-eux, les regardant les uns après les autres. Je m’attendais à voir des adolescents et non de jeune adulte, comme quoi, nous avions de tout dans ses murs.
Allons les gars, avant de commencer… J’aimerais au moins connaître vos noms, commençons par toi !
Je pointais de mon doigt l’élève le plus à droite, probablement le plus vieux. Les cheveux grisonnant et une moustache plutôt fournie, comme quoi, il n’y a pas d’âge pour apprendre. Il s’appelait Frédéric et disait être à la retraite, suivre les cours était son occupation actuelle. Je regardais ensuite le deuxième, Henri, un chauve avec des petits yeux noir et étudiant dans l’académie. Il racontait toujours chercher sa voie, peut-être qu’un brasseur allait venir au monde aujourd’hui. Et je me tournais finalement vers le dernier, un petit blondinet avec de grands yeux bleu.
Et toi mon gars, comment tu t’appelles ?!