« Bonjour, citoyens du Jardin Radieux ! »
« Non mais, tu vas faire ça tous les matins ? »
« Ta gueule !! »
« Personne ne t'aime, va t'en ! »
Rien de telle qu'une mélopée d'insultes pour bien commencer une journée !
Après avoir pris une dernière bouffée d'air frais - parce que l'air frais permet de bien oxygéner le cerveau, créant ainsi un sentiment de bien-être inégalable (chapitre du bon citoyen, page 342, article pi) -, Emmet ferme les volets de sa fenêtre. Il se sent revigoré; mieux, il se sent totalement motivé ! Il a l'impression de pouvoir grimper n'importe quelle montagne, de pouvoir dompter n'importe quel fauve, de pouvoir parler de tolérance avec le FN et d'en ressortir indemne et victorieux !
Ce genre de journée, quoi ! Ce genre de journée où on se sent invincible !!
Alors qu'il enfile l'uniforme officiel du charpentier exemplaire (ce n'est pas parce qu'il ne travaille pas qu'il chôme, hein), on toque à la porte de ses appartements. En gambadant comme si sa vie en dépendait, Emmet se dirige vers la source des bruits et ouvre tranquillement la porte. N'est-il pas surpris lorsqu'il aperçoit le fameux vieillard !
Attends, je vous remets en contexte. Y a quelques temps, avant l'absence du narrateur de cette histoire, Emmet est atterri au Jardin radieux et a participé à un super-méga-défi artistique. Il a eu la reconnaissance de tous les hispters du coin en reconstruisant une charrette avec les vestiges d'une charrette déconstruite. La classe, quoi !
Le vieillard, c'était un peu l'instigateur du challenge. Et maintenant, il sert de mentor à notre cher ouvrier. Ouaip ! Parce que le vieillard veut faire d'Emmet le plus grand architecte que ces terres aient connu. Y a beaucoup de pain sur la planche, mais soyons optimistes : Emmet est un fidèle travailleur, un honnête citoyen prêt à tout pour répondre aux exigences.
Bref, Emmet est bien heureux d'apercevoir un visage connu sur le seuil de ses quartiers. Il ne peut s'empêcher de sourire comme il le fait si bien, d'empoigner la main de son interlocuteur avant de serrer tout son corps contre le sien, mais attention ! Il le fait avec virilité, comme un mâle alpha dans une meute de loups !
Ouais, comme deux mecs un peu cool qui se font une accolade à la télé.
« Bonjour, citoyen du Jardin radieux ! »
Emmet relâche le vieillard (c'est pas trop tôt) et ce dernier soupire.
Malheureusement, il ne s'agit pas du genre de soupir qui pue la béatitude, la joie, la sérénité sempiternelle. Non, c'est plutôt un soupir qui effleure le désespoir et le désaccord. Mais ça, Emmet ne le discerne pas, parce qu'Emmet est un joyeux-luron qui voit tout du bon côté !
« Il faut vraiment que t'arrêtes de faire ça. »
« Faire quoi ? »
« Saluer les gens en hurlant sans lendemain. »
« Le manuel d'instructions dit que... »
« On a reçu des plaintes. Beaucoup de plaintes. »
« Mais le manuel... »
« Emmet, t'as deux options. Soit on brûle ce livre, soit tous les gens de cette ville vont te kidnapper pendant la nuit pour ensuite te brûler sur la place publique. Et je ne rigole pas. »
« Oh. »
« Et crois-moi, si tu n'arrêtes pas, je serai le premier à te regarder calciner. »
« Ah... Attends, j'ai une idée pour réparer cette erreur ! »
Emmet, le cœur sur la main, décide qu'il serait juste et bon d'expier ses fautes. Emmet est un bon berger, un berger qui adore ses moutons et qui veut le bien de tout un chacun. Il ne pourrait vivre avec l'once d'un regrets, alors décide-t-il de se diriger de nouveau vers l'unique fenêtre de ses appartements et d'ouvrir les volets avec sa grâce usuelle.
Alors qu'un faisceau de lumière pénètre dans la pièce et aveugle le vieillard, Emmet profite de l'impulsion du moment pour prendre une grande respiration et s'époumoner :
« Je suis désolé, chers citoyens ! Je ne recommencerai plus !! Bonne journée à tous ! »
« Meurs ! »
« Retourne dans ton pays, idiot ! »
« Ouais, retourne d'où tu viens !! »
« ... »
Ouais, comme on dit, mission accomplie ! Il n'y a pas à dire, cette mission fut réussie avec le plus grand des succès. Maintenant, tous les citoyens du Jardin radieux sont totalement exempts de haine et d'envie de mort pour notre très cher Emmet [...].
Tapant sa tête contre le mur jusqu'à en défoncer le plâtre, le vieillard gémit en se répétant qu'il a failli à sa tâche, qu'Emmet ne sera jamais un artiste notoire à travers la galaxie, que tous ses efforts sont déjà réduits à néant et que sa vie ne vaut plus rien.
Mais... mais, alors que tous les espoirs du monde semblent être éradiqués par l'habituelle maladresse du charpentier, ce dernier s'approche du vieillard et y dépose une main sur son épaule. D'un coup, la pièce retrouve sa sérénité.
Certes, Emmet est probablement l'être le moins habile avec le sarcasme. Il a assurément beaucoup de difficulté pour régler ses problèmes. On pourrait parfois croire qu'il se met volontairement les pieds dans les plats, qu'il souffre bénévolement tel un martyr. Il est également très gauche physiquement et n'est pas capable de faire deux pas consécutifs sans trébucher sur un minuscule caillou inoffensif. Mais...
MAIS ! Emmet est un jeune homme empli de bonnes intentions, d'allégresse. De son corps émane une joie universelle qui ne fléchit jamais, une lueur d'espoir qui illumine dans tous les horizons et qui peut traverser toutes les intempéries.
Oui, Emmet est con, mais c'est un gentil con. Un brave garçon !
« Que puis-je faire pour vous aujourd'hui ?! »
De s'interroger l'ouvrier en relâchant son emprise. Sa voix est claire, sa voix est pure. Tellement pure que le vieillard se retourne et en oublie tous ses problèmes.
De nouveau, le monde s'ouvre à nos deux aventuriers.
« Aujourd'hui, tu-- Tu... Ouais, aujourd'hui, tu vas faire des courses ! »
« Génial ! Des courses ! C'est ce que je préfère !! »
« Non, en fait... Tu vas désherber mon potager. »
« Désherber ! Je ne ferais que ça si on me le permettait ! »
« Attends, attends, mieux. Tu vas nettoyer le grenier. »
« Super, OUAIS. Mon passe-temps favori !! »
Le regard gai, le menton haut, les épaules droites, Emmet salue son interlocuteur poliment et quitte ses quartiers. Il marche (court, presque) de pièce en pièce à la recherche des fameux escaliers qui mènent vers le grenier. Il ne baisse jamais les yeux, fonce devant lui, charge dans la vie ! Il est garant d'une mission-providence. Seul lui peut mettre fin au Mal nocif qui s'acharne sur les innocents ! Ouais.
D'un coup, Emmet n'est plus un simple bonhomme. Il n'est même plus charpentier, ni même ouvrier : il est un corsaire qui traverse vents et marées à la recherche d'un trésor perdu il y a des millénaires. Il est un gardien de la paix qui déracine les vices. Il est un preux guerrier qui, balai à la main, franchit tous les périls pour sauver une princesse éperdue.
Non, Emmet n'est plus Emmet.
Il est... l'incroyable Emmet.
À chacun de ses pas, on pourrait presque entendre une foule qui scande son nom, qui crie à sa gloire, qui louange son corps d'Apollon. Et lorsqu'il aperçoit les escaliers à l'horizon, ses enjambées s'accélèrent. La foule est en délire. Il s'approche, s'approche de plus en plus. Il pose un pied sur la première marche, puis sur la deuxième.
Quelle élégance ! Quelle dextérité ! Quelle agilité légendaire !! Après cette dure épreuve, il atteint ultimement le grenier et, devant tout le bazar qui se dresse devant lui, il ne se plaint même pas. Non, il grogne.
Il grogne parce qu'il est prêt à affronter ce désordre. À remettre en place qui doit être remis à sa place. À nettoyer ce qui doit être nettoyé et à jeter ce qui doit être impérativement jeté (en faisant attention, bien sûr, de porter un regard conscientisé sur l'environnement, car, même dans l'adversité, même devant le plus grand des défis, même devant l'apocalypse imminente, Emmet est un fier défenseur de l'écosystème et n'oublie jamais, tel un citoyen honorable, qu'on doit avant tout recycler, réutiliser et revaloriser).
Cela en tête, Emmet fonce. Il décide d'entamer cette ardue remise en ordre en emplissant des boîtes de carton vides de bibelots et d'objets inutiles qui traînent ici et là. Il est rapide, il est efficace, mais il est surtout tendre, Il empoigne chaque accessoire avec une tendresse telle qu'on aurait l'impression qu'il les chérit et les caresse avant de les déposer dans leur boîte respective.
En deux temps trois mouvements, le sol canardé par le résultat d'une surconsommation massive, elle-même provoquée par la montée du capitalisme bestial, par la désinstitutionalisation de la famille et par l'explosion du narcissisme hyperindividualiste ( !!); bref, le sol souillé se retrouve purifié. Que des boîtes pleines à des kilomètres à la ronde.
Content de cette première étape, Emmet descend à l'étage, empoigne un balai et un seau avant de remonter dans le grenier. Après avoir étalé sur le plancher ce que Moïse divisa dans une certaine fable religieuse, Emmet resserre l'emprise de sa vadrouille et commence à effectuer des mouvements de va-et-vient afin de nettoyer chaque centimètre carré de la pièce : plafond, plancher, murs, fourniture, meubles et même un cadavre qui traîne par là.
Peu à peu, la salle se met à briller. La lumière qui entre par l'œil-de-bœuf est reflétée par la magnificence des lieux, emplissant le grenier d'une clarté presque mystique. Emmet n'eut besoin que de quelques heures à peine pour en arriver à cet heureux résultat, et le grenier autrefois Amytiville Horror-style prend dès lors une apparence de chalet champêtre dans lequel on boit du whisky en toute alacrité.
Quelle fierté que d'avoir décrassé le grenier de son mentor !
Admirant son œuvre, Emmet se rend compte que quelque chose cloche dans le fond du grenier. N'est-il pas dégoûté lorsqu'il aperçoit un nid d'abeilles perché sur l'une des poutres fondatrices du bâtiment.
Prenant son courage à deux mains, Emmet traverse la pièce, ouvre la fenêtre au passage et considère la situation. Il se met à réfléchir si intensément qu'une délicate fumée s'échappe de ses oreilles. Son visage se rougit, son front se réchauffe et... Illumination !
En se servant de babioles joliment posées dans les boîtes et de quelques outils, il fabrique la Super-Pince 3000X Télescope avec la technologie « Merde-Des-Abeilles-Je-Dois-Trouver-Une-Solution ».
Aussi, parce que le narrateur de cette histoire est un être excessivement imaginatif et dévoué pour ses personnages, il a même créé de ses maigres talents une illustration représentative de ladite pince (j'dis ça j'dis rien, mais je crois qu'il mérite un sacré bonus pour ça !!).
Prêt à tout pour répondre aux exigences de son mentor, Emmet empoigne le manche du balai. Il utilise l'abat-jour comme ultime protection contre les furieuses créatures qui voleront dans tous les sens si le stratagème ne se déroule pas à merveille. Il ajuste longuement la longueur du manche télescopique en s'approchant de la ruche.
Plus il est prêt, plus l'angoisse monte en lui. Cependant, tel un courageux paladin en mission divine, il dissimule sa peur derrière une façade de fer ! Lorsqu'il se sent prêt, il approche la Super-Pince 3000X Télescope du nid, tire sur la corde et la pince se referme sur sa proie.
Tout en rapidité, il se retourne et lance la ruche à travers l'œil-de-bœuf ! Succès, triomphe, joie !
Au même moment, comme pour couronner la beauté de l'instant, le vieillard grimpe dans le grenier et un sourire grimpe jusqu'à son visage ! Il s'exclame :
« Emmet, bien joué ! »
« Oh, vous savez... Rien de tout cela n'aurait été possible sans vous. »
Un moment de synergique fraternité, de la bromance à l'état pur !!
« Que puis-je faire pour vous ensuite ?! »
« Tu dois te forger une réputation dans la cité, Emmet. Les PNJ du Jardin radieux doivent connaître ton nom. Va, jeune apprenti, va dans la ville et aide tous les individus dans le besoin. Montre leur qu'Emmet n'est pas uniquement une plaie pour la société ! »
« JE SUIS PRÊT !!! »
IL EST PRÊT, MESDAMES ET MESSIEURS.
« Non mais, tu vas faire ça tous les matins ? »
« Ta gueule !! »
« Personne ne t'aime, va t'en ! »
Rien de telle qu'une mélopée d'insultes pour bien commencer une journée !
Après avoir pris une dernière bouffée d'air frais - parce que l'air frais permet de bien oxygéner le cerveau, créant ainsi un sentiment de bien-être inégalable (chapitre du bon citoyen, page 342, article pi) -, Emmet ferme les volets de sa fenêtre. Il se sent revigoré; mieux, il se sent totalement motivé ! Il a l'impression de pouvoir grimper n'importe quelle montagne, de pouvoir dompter n'importe quel fauve, de pouvoir parler de tolérance avec le FN et d'en ressortir indemne et victorieux !
Ce genre de journée, quoi ! Ce genre de journée où on se sent invincible !!
Alors qu'il enfile l'uniforme officiel du charpentier exemplaire (ce n'est pas parce qu'il ne travaille pas qu'il chôme, hein), on toque à la porte de ses appartements. En gambadant comme si sa vie en dépendait, Emmet se dirige vers la source des bruits et ouvre tranquillement la porte. N'est-il pas surpris lorsqu'il aperçoit le fameux vieillard !
Attends, je vous remets en contexte. Y a quelques temps, avant l'absence du narrateur de cette histoire, Emmet est atterri au Jardin radieux et a participé à un super-méga-défi artistique. Il a eu la reconnaissance de tous les hispters du coin en reconstruisant une charrette avec les vestiges d'une charrette déconstruite. La classe, quoi !
Le vieillard, c'était un peu l'instigateur du challenge. Et maintenant, il sert de mentor à notre cher ouvrier. Ouaip ! Parce que le vieillard veut faire d'Emmet le plus grand architecte que ces terres aient connu. Y a beaucoup de pain sur la planche, mais soyons optimistes : Emmet est un fidèle travailleur, un honnête citoyen prêt à tout pour répondre aux exigences.
Bref, Emmet est bien heureux d'apercevoir un visage connu sur le seuil de ses quartiers. Il ne peut s'empêcher de sourire comme il le fait si bien, d'empoigner la main de son interlocuteur avant de serrer tout son corps contre le sien, mais attention ! Il le fait avec virilité, comme un mâle alpha dans une meute de loups !
Ouais, comme deux mecs un peu cool qui se font une accolade à la télé.
« Bonjour, citoyen du Jardin radieux ! »
Emmet relâche le vieillard (c'est pas trop tôt) et ce dernier soupire.
Malheureusement, il ne s'agit pas du genre de soupir qui pue la béatitude, la joie, la sérénité sempiternelle. Non, c'est plutôt un soupir qui effleure le désespoir et le désaccord. Mais ça, Emmet ne le discerne pas, parce qu'Emmet est un joyeux-luron qui voit tout du bon côté !
« Il faut vraiment que t'arrêtes de faire ça. »
« Faire quoi ? »
« Saluer les gens en hurlant sans lendemain. »
« Le manuel d'instructions dit que... »
« On a reçu des plaintes. Beaucoup de plaintes. »
« Mais le manuel... »
« Emmet, t'as deux options. Soit on brûle ce livre, soit tous les gens de cette ville vont te kidnapper pendant la nuit pour ensuite te brûler sur la place publique. Et je ne rigole pas. »
« Oh. »
« Et crois-moi, si tu n'arrêtes pas, je serai le premier à te regarder calciner. »
« Ah... Attends, j'ai une idée pour réparer cette erreur ! »
Emmet, le cœur sur la main, décide qu'il serait juste et bon d'expier ses fautes. Emmet est un bon berger, un berger qui adore ses moutons et qui veut le bien de tout un chacun. Il ne pourrait vivre avec l'once d'un regrets, alors décide-t-il de se diriger de nouveau vers l'unique fenêtre de ses appartements et d'ouvrir les volets avec sa grâce usuelle.
Alors qu'un faisceau de lumière pénètre dans la pièce et aveugle le vieillard, Emmet profite de l'impulsion du moment pour prendre une grande respiration et s'époumoner :
« Je suis désolé, chers citoyens ! Je ne recommencerai plus !! Bonne journée à tous ! »
« Meurs ! »
« Retourne dans ton pays, idiot ! »
« Ouais, retourne d'où tu viens !! »
« ... »
Ouais, comme on dit, mission accomplie ! Il n'y a pas à dire, cette mission fut réussie avec le plus grand des succès. Maintenant, tous les citoyens du Jardin radieux sont totalement exempts de haine et d'envie de mort pour notre très cher Emmet [...].
Tapant sa tête contre le mur jusqu'à en défoncer le plâtre, le vieillard gémit en se répétant qu'il a failli à sa tâche, qu'Emmet ne sera jamais un artiste notoire à travers la galaxie, que tous ses efforts sont déjà réduits à néant et que sa vie ne vaut plus rien.
Mais... mais, alors que tous les espoirs du monde semblent être éradiqués par l'habituelle maladresse du charpentier, ce dernier s'approche du vieillard et y dépose une main sur son épaule. D'un coup, la pièce retrouve sa sérénité.
Certes, Emmet est probablement l'être le moins habile avec le sarcasme. Il a assurément beaucoup de difficulté pour régler ses problèmes. On pourrait parfois croire qu'il se met volontairement les pieds dans les plats, qu'il souffre bénévolement tel un martyr. Il est également très gauche physiquement et n'est pas capable de faire deux pas consécutifs sans trébucher sur un minuscule caillou inoffensif. Mais...
MAIS ! Emmet est un jeune homme empli de bonnes intentions, d'allégresse. De son corps émane une joie universelle qui ne fléchit jamais, une lueur d'espoir qui illumine dans tous les horizons et qui peut traverser toutes les intempéries.
Oui, Emmet est con, mais c'est un gentil con. Un brave garçon !
« Que puis-je faire pour vous aujourd'hui ?! »
De s'interroger l'ouvrier en relâchant son emprise. Sa voix est claire, sa voix est pure. Tellement pure que le vieillard se retourne et en oublie tous ses problèmes.
De nouveau, le monde s'ouvre à nos deux aventuriers.
« Aujourd'hui, tu-- Tu... Ouais, aujourd'hui, tu vas faire des courses ! »
« Génial ! Des courses ! C'est ce que je préfère !! »
« Non, en fait... Tu vas désherber mon potager. »
« Désherber ! Je ne ferais que ça si on me le permettait ! »
« Attends, attends, mieux. Tu vas nettoyer le grenier. »
« Super, OUAIS. Mon passe-temps favori !! »
Le regard gai, le menton haut, les épaules droites, Emmet salue son interlocuteur poliment et quitte ses quartiers. Il marche (court, presque) de pièce en pièce à la recherche des fameux escaliers qui mènent vers le grenier. Il ne baisse jamais les yeux, fonce devant lui, charge dans la vie ! Il est garant d'une mission-providence. Seul lui peut mettre fin au Mal nocif qui s'acharne sur les innocents ! Ouais.
D'un coup, Emmet n'est plus un simple bonhomme. Il n'est même plus charpentier, ni même ouvrier : il est un corsaire qui traverse vents et marées à la recherche d'un trésor perdu il y a des millénaires. Il est un gardien de la paix qui déracine les vices. Il est un preux guerrier qui, balai à la main, franchit tous les périls pour sauver une princesse éperdue.
Non, Emmet n'est plus Emmet.
Il est... l'incroyable Emmet.
À chacun de ses pas, on pourrait presque entendre une foule qui scande son nom, qui crie à sa gloire, qui louange son corps d'Apollon. Et lorsqu'il aperçoit les escaliers à l'horizon, ses enjambées s'accélèrent. La foule est en délire. Il s'approche, s'approche de plus en plus. Il pose un pied sur la première marche, puis sur la deuxième.
Quelle élégance ! Quelle dextérité ! Quelle agilité légendaire !! Après cette dure épreuve, il atteint ultimement le grenier et, devant tout le bazar qui se dresse devant lui, il ne se plaint même pas. Non, il grogne.
Il grogne parce qu'il est prêt à affronter ce désordre. À remettre en place qui doit être remis à sa place. À nettoyer ce qui doit être nettoyé et à jeter ce qui doit être impérativement jeté (en faisant attention, bien sûr, de porter un regard conscientisé sur l'environnement, car, même dans l'adversité, même devant le plus grand des défis, même devant l'apocalypse imminente, Emmet est un fier défenseur de l'écosystème et n'oublie jamais, tel un citoyen honorable, qu'on doit avant tout recycler, réutiliser et revaloriser).
Cela en tête, Emmet fonce. Il décide d'entamer cette ardue remise en ordre en emplissant des boîtes de carton vides de bibelots et d'objets inutiles qui traînent ici et là. Il est rapide, il est efficace, mais il est surtout tendre, Il empoigne chaque accessoire avec une tendresse telle qu'on aurait l'impression qu'il les chérit et les caresse avant de les déposer dans leur boîte respective.
En deux temps trois mouvements, le sol canardé par le résultat d'une surconsommation massive, elle-même provoquée par la montée du capitalisme bestial, par la désinstitutionalisation de la famille et par l'explosion du narcissisme hyperindividualiste ( !!); bref, le sol souillé se retrouve purifié. Que des boîtes pleines à des kilomètres à la ronde.
Content de cette première étape, Emmet descend à l'étage, empoigne un balai et un seau avant de remonter dans le grenier. Après avoir étalé sur le plancher ce que Moïse divisa dans une certaine fable religieuse, Emmet resserre l'emprise de sa vadrouille et commence à effectuer des mouvements de va-et-vient afin de nettoyer chaque centimètre carré de la pièce : plafond, plancher, murs, fourniture, meubles et même un cadavre qui traîne par là.
Peu à peu, la salle se met à briller. La lumière qui entre par l'œil-de-bœuf est reflétée par la magnificence des lieux, emplissant le grenier d'une clarté presque mystique. Emmet n'eut besoin que de quelques heures à peine pour en arriver à cet heureux résultat, et le grenier autrefois Amytiville Horror-style prend dès lors une apparence de chalet champêtre dans lequel on boit du whisky en toute alacrité.
Quelle fierté que d'avoir décrassé le grenier de son mentor !
Admirant son œuvre, Emmet se rend compte que quelque chose cloche dans le fond du grenier. N'est-il pas dégoûté lorsqu'il aperçoit un nid d'abeilles perché sur l'une des poutres fondatrices du bâtiment.
Prenant son courage à deux mains, Emmet traverse la pièce, ouvre la fenêtre au passage et considère la situation. Il se met à réfléchir si intensément qu'une délicate fumée s'échappe de ses oreilles. Son visage se rougit, son front se réchauffe et... Illumination !
En se servant de babioles joliment posées dans les boîtes et de quelques outils, il fabrique la Super-Pince 3000X Télescope avec la technologie « Merde-Des-Abeilles-Je-Dois-Trouver-Une-Solution ».
Aussi, parce que le narrateur de cette histoire est un être excessivement imaginatif et dévoué pour ses personnages, il a même créé de ses maigres talents une illustration représentative de ladite pince (j'dis ça j'dis rien, mais je crois qu'il mérite un sacré bonus pour ça !!).
Spoiler :
Prêt à tout pour répondre aux exigences de son mentor, Emmet empoigne le manche du balai. Il utilise l'abat-jour comme ultime protection contre les furieuses créatures qui voleront dans tous les sens si le stratagème ne se déroule pas à merveille. Il ajuste longuement la longueur du manche télescopique en s'approchant de la ruche.
Plus il est prêt, plus l'angoisse monte en lui. Cependant, tel un courageux paladin en mission divine, il dissimule sa peur derrière une façade de fer ! Lorsqu'il se sent prêt, il approche la Super-Pince 3000X Télescope du nid, tire sur la corde et la pince se referme sur sa proie.
Tout en rapidité, il se retourne et lance la ruche à travers l'œil-de-bœuf ! Succès, triomphe, joie !
Au même moment, comme pour couronner la beauté de l'instant, le vieillard grimpe dans le grenier et un sourire grimpe jusqu'à son visage ! Il s'exclame :
« Emmet, bien joué ! »
« Oh, vous savez... Rien de tout cela n'aurait été possible sans vous. »
Un moment de synergique fraternité, de la bromance à l'état pur !!
« Que puis-je faire pour vous ensuite ?! »
« Tu dois te forger une réputation dans la cité, Emmet. Les PNJ du Jardin radieux doivent connaître ton nom. Va, jeune apprenti, va dans la ville et aide tous les individus dans le besoin. Montre leur qu'Emmet n'est pas uniquement une plaie pour la société ! »
« JE SUIS PRÊT !!! »
IL EST PRÊT, MESDAMES ET MESSIEURS.