Suite de : Un deuxième foudroyé
Dernière édition par Dame Ravness le Ven 5 Déc 2014 - 1:10, édité 1 fois
Jeu 4 Déc 2014 - 15:08L'air de Port Royal n'avait jamais été aussi agréable et il lui sembla qu'enfin, elle pouvait apprécier ce monde pour ses saveurs. Ses pensées étaient trop souvent obscurcies par ses grands principes sur lesquels elle ne dérogeait jamais. Alors non, elle ne regardait jamais un paysage et ne profitait jamais de la beauté d'une ville.
Oakley avait le don de tout changer. Quand la jeune garde était ainsi blottie tout contre elle, dans ses bras, elle en arrivait à oublier le monde et le reste. Couchées dans le lit d'Oakley, allongées sur la couverture dont elles n'avaient pas besoin lorsqu'elles étaient aussi proches l'une de l'autre, Ravness se laissait border par sa belle amie. Son souffle tout contre sa nuque, ses mains sur son ventre et les jambes nues de l'une et de l'autre qui semblaient se caresser. La lumière du jour entrait par la fenêtre ouverte et réchauffait leurs pieds, tandis qu'elles fermaient les yeux sans oser dormir. Elles ne se voyaient que trop peu.
Ravness avait presque oublié l'odeur de son aimée.
" Dame Ravness ! "
La garde se réveilla en sursaut, se redressa sur son lit de stupeur, tandis qu'une voix féminine vint à ses oreilles.
" Plusieurs dizaines de gardes de Kefka se dirigent vers le campement ! "
" Plusieurs dizaines ?... "
Oui c'était un grand groupe, c'était même un danger tout à fait sérieux mais... Un tel nombre ne pouvait espérer survivre à une attaque frontale contre les brigands. Ce qu'elle avait craint ces derniers jours semblait donc se réaliser. A l'instar de Roc, tous ceux qui avaient déçu le régent étaient envoyés pour mourir face aux brigands.
" Entrez et fermez les pans de la tente. "
" Mademoiselle ? "
La garde fit alors ce qu'elle ne crut jamais faire un jour, et ce qu'elle se jura de ne jamais reproduire, s'extirpant de sa couette et enlevant sa robe de nuit. Ainsi dans son plus simple appareil face à une autre femme, elle la regarda froidement.
" Aidez-moi à enfiler mon armure. "
Ravness enfila rapidement son short et son haut, cachant du mieux qu'elle le put sa nudité, tandis que la femme-belette amena sur le chevet de la garde les bottes et les genouillères en acier, confectionnées par Ulthane. Cette dernière s'assit ensuite sur son lit, s'emparant et mettant à son pied nu sa botte tandis que son assistante d'infortune s'occupait de l'autre.
" Par où arrivent-ils ? "
" Par le nord-est-nord. Ils arriveront à nos barricades de sapins dans dix minutes. "
" Dix minutes ?... Ils sont lents. "
" En effet. Pouvez-vous vous lever, ma Dame ? "
Ravness s'exécuta et laissa la femme-belette attacher ses genouillères.
" Ma jument est prête ? "
" Oui. Tout le monde est sur le pied de guerre. Un homme s'occupe de votre cheval. "
Avec son aide, elle vêtit son plastron dont elles fixèrent les attaches ensemble, avant de s'occuper des épaulières et enfin des brassières. L'idée de la bataille n'effrayait pas la jeune garde, mais elle ne put se retenir de ressentir une certaine appréhension. Elle ne savait définir cette boule dans le ventre qu'elle ressentait, ce stress qui grandissait... Etait-ce de perdre des hommes ou... plus égoïstement, le fait de s'être réveillée dans un lit moins confortable que les seuls bras de son amie ?
" Vous êtes prête. "
Dame Ravness ravala sa salive tandis que son regard se fit plus dur. Elle sortit de sa tente sans prêter attention à la femme-belette, et d'un pas pressé, elle se dirigea vers les écuries. Un homme sortit inopinément sa jument, Beth, de son enclos et lui confia ses rênes.
" Une centaine d'hommes y sont déjà. Hâtez-vous. "
Elle acquiesça simplement et partit au galop dans le campement. Il n'y avait que six cent mètres à faire de là où elle était pour apercevoir la masse des brigands rassemblés là, attendant les ordres... a vrai dire, elle n'avait pris son cheval que pour y être au plus vite. Elle ne se permettrait pas de la chevaucher dans une bataille contre des ennemis dont elle ne savait rien. Aussi, aussitôt fut-elle arrivée qu'elle descendit de sa monture et attacha les rênes de celui-ci à une branche solide d'un arbre avant de rejoindre enfin les hommes.
" Commandant ! "
Robin sortit des rangs, un sourire poli au visage, et se dirigea vers elle.
" Que sait-on ? "
" Ils sont à deux cent mètres d'ici. Ils sont entre cinquante et cent. Ils marchent très lentement, n'ont pas d'armes en mains. Et ils parlent entre eux... "
" ... Ce sont bien des ennemis ? "
" Sans le moindre doute, ma Dame. "
" Quel est le plan ? "
" Il est trop tard pour les avoir par surprise. On va sortir immédiatement du campement, allons nous déployer et nous refermer sur eux. On les encercle... on sera à peu près une centaine. On peut les avoir avec un minimum de pertes. "
" Et les patrouilles présentes dans le quartier nord-est-nord ? "
" Ils vont suivre discrètement les assaillants en sautant d'arbres en arbres. Quand on les encerclera, ils les abattront du ciel. "
" Bien. Vous devriez attaquer par les arbres vous aussi, avec quelques hommes. C'est faisable ? "
" Sans le moindre problème. "
" Vous donnerez l'ordre de tirer. Partez maintenant. On vous laisse vingt secondes d'avance. "
Suite à cela, un murmure se répandit parmi la foule silencieuse et très vite, une dizaine d'hommes disparut derrière la barrière de séquoias, s'engoufrant dans la forêt de Sherwood. Les brigands étaient des grimpeurs hors-pairs et les meilleurs archers que Ravness rencontra... ce qui n'était pas le cas des hommes de feu le Prince Jean.
C'est pour cette raison qu'ils avaient bati leur campement dans la forêt, et cela malgré l'incendie qui avait détruit leur précédent quartier général. C'était leur milieu, et ici ils étaient imbattables.
" Allez on y va. On se sépare, on se déploie autour des ennemis et nous les mettons en joue. "
Ils sortirent comme un seul homme du mur de sapins... et sans essayer d'être discrets, ils coururent bruyamment dans des directions différentes mais avec comme seul objectif cette masse informe et désorganisée de gardes du régent. Et comme un océan sur la butte, avec la même violence, ils fondirent sur eux. Quelques-uns des assaillants dégainèrent leur arbalète sans trop y croire. D'autres sortirent de petite dague et attaquèrent, avec plus de terreur dans le regard que d'envie de tuer.
Ravness comprit vite, en s'approchant en première ligne d'eux... Tous étaient des vautours, et tous étaient des arbalètriers. Une dizaine de cuisiniers connaissant ces bois aurait eu l'avantage sur un tel groupe...
Un des vautours s'approcha d'elle, dague à la main. Elle le regarda à peine... attrapa son poignet d'une main, le tordant l'instant d'après, son autre main attrapa le col de l'audacieux, tandis qu'elle plaça une jambe derrière lui et... le fit simplement chuter avant de le sonner d'un coup de talon dans le visage.
Elle fit apparaître sa hallebarde dans les mains, ne faisant pas attention aux quelques combats que menaient certains des brigands sans difficulté... et avec le reste des hommes, elle coinça les vautours qui ne résistèrent pas. En levant le regard, elle put voir une vingtaine d'hommes perchés avec agilité sur les solides branches des arbres de la forêt, une flèche encochée et l'arc bandé. Robin était là, souriant, et avec vigueur il s'exprima en premier.
" C'est déjà le jour de quête, shérif ? Hélas, j'ai égaré mon argent ! Promis, je te l'apporterai demain sans faute ! "
Shérif ?... A ce mot, les sourcils de la garde se froncèrent plus vite qu'elle ne comprit elle-même le mot. Notthingham avait eu de nombreux shérifs, mais aucun n'avait été plus odieux que l'actuel. Une voix horripilante sortit de la troupe et adressa à l'éloquent Robin une réponse vulgaire.
" Ferme-la puceau, je refuse de te parler à toi. "
" Oh mais c'est qu'ici, tu es chez moi, compagnon ! Et toi et tes amis devriez ôter vos couvre-chefs, essuyer vos pieds sur le parterre de feuilles et enfin être polis avec le charitable hôte que je suis. "
De nombreux rires s'échappèrent du groupe des brigands. Ravness, elle, écoutait à peine ce spectacle que donnait le prince des voleurs, trop occupée à chercher du regard le lévrier, ce nouveau shérif, qu'elle haïssait tant. Mais... il était trop lâche pour se mettre trop à découvert.
" Va te faire mettre. Je suis pas venu pour écouter tes conneries. "
" Et pourquoi êtes-vous venus, toi et tes moinaux ? Une soudaine envie d'offrir quelques pièces à notre cause ? Ou est-ce pour te rendre ? "
" Jamais je me rendrai, lopette ! "
" Quelle humeur, dis-moi ! Que s'est-il passé ?... Les vingt femmes que tu as outragées ce matin n'ont pas crié assez fort pour t'offrir du plaisir ? "
Elle regarda Robin qui... malgré son ton toujours aussi chantant, fixait le lévrier avec des yeux plus sombres, inquisiteurs.
" Je veux parler à la vierge de fer ! "
" ... Je ne sais pas de qui tu parles. "
" Que me veux-tu ? "
Elle sentit quelques regards se poser sur elle. Sans y prêter attention, elle fixa juste les vautours, desquels s'extirpa au bout de quelques secondes le lévrier dans des accoutrements... ridicules. Enfin, elle supposa que pour le pays de sherwood, ce furent des vêtements tout à fait acceptables, mais même pour elle qui était d'un monde moins à la pointe comparé au jardin radieux ou à la cité du crépuscule, c'était beaucoup trop chargé.
" Te rejoindre... "
Ses yeux s'écarquillèrent. Elle jeta un oeil aux brigands à sa droite, dubitative, en quête de réponse, avant de regarder une nouvelle fois le lévrier avec un air sincèrement interrogateur.
" dans la vie et dans la mort ! Je veux être à tes côtés jusqu'à la fin des temps ! Traîte-moi comme un chien ou comme un amant, j'en ferai mon bonheur. "
Elle défit sa garde et fit un pas vers l'avant. D'une main elle s'empara du col du lévrier pour le mettre à terre d'un coup de genoux dans le ventre... mais avant qu'elle ne s'exécute, le shérif lui sourit avec une... sincérité feinte, et se mit à genoux, les deux bras ouverts.
" Oui, frappe-moi ! Je n'ai pas pris d'arme ! Comme tu le vois, je suis tout à ta disposition ! "
Avec violence elle se mordit la lèvre, tandis que son visage ne put dissimuler plus longtemps sa colère.
" Si tu es venu parader, lévrier, sache qu'on ne se moque pas de moi impunément ! "
" Je... n'ai jamais été plus honnête... mon amour. "
Il insista sur chacune des syllabes de ce dernier mot. Elle eut presque l'impression qu'il avança ses lèvres et tendit son cou jusqu'à elle. Autour d'elle, Ravness jura entendre des brigands pouffer...
Son cerveau ne contrôlait plus ses muscles, elle le savait. Elle sentit les muscles de son bras se raidir avec comme seule idée d'asséner à cet imbécile le plus incroyable coup de poing qu'il ait jamais connu. Mais avant qu'elle ne le fasse, une voix interrompit ce dialogue.
" Ok... les gars. Capturez le shérif et ses guignols, mettez-les aux cachots et retournez à votre poste. "
Elle lâcha aussitôt le lévrier et fit volte-face tout en faisant disparaître sa hallebarde. Qu'importe la suite des événements, les chantages ou les menaces, elle ne tolérerait pas que ce monstre soit une nouvelle fois libéré par les brigands. Il n'avait ni pitié, ni valeurs. C'était le meilleur instrument de Kefka pour martyriser le peuple... Non ce n'était pas uniquement personnel.
Quand elle fut rentrée dans le campement, elle n'eut le temps de rejoindre sa tente pour finir sa nuit, car très vite un des rebelles la rejoignit et lui apprit que le shérif (le vrai) avait ordonné une réunion sur le champ.
Pour dire vrai, la conception d'immédiat du shérif ne se révéla pas aussi immédiate que promis. Lorsqu'elle entra dans la tente de l'ours, dont l'intérieur n'était que faiblement éclairé par les quelques bougies disposées sur la table, seuls Robin et Petit Jean étaient présents. Elle s'assit autour de la table, saluant au préalable Petit Jean d'un hochement de tête, et attendit les autres sans parler.
Très vite, Frère Tuck arriva, suivi de près par Will l'Ecarlate, un loup maigre, un air malade au visage et pourvu d'habits qui reflétaient une pauvreté qui n'était pas la sienne. Finalement, au bout d'une quinzaine de minutes, le shérif entra dans sa tente.
" Bon... En premier lieu, merci d'être venus à cette réunion impromptue. Nous n'avons que peu de choses à voir, mais chacune mérite toute notre attention. "
Ravness croisa les bras et, fronçant les sourcils, jeta un regard à ses compagnons. Le Shérif était debout et paraissait éreinté par son propre discours. Une longue épée à la ceinture, il semblait désormais incapable de s'en servir. Les attaques de Kefka l'avaient meurtri au point qu'il ne pouvait plus utiliser son bras gauche... ce qui n'aurait pas du empêcher un ours aussi décidé que lui de se battre. Hélas, ses souffrances étaient, dit-il, insoutenables. Aussi ce devait être pour lui trop pénible de faire quoi que ce soit.
Malgré tout, il était encore l'homme le plus influent parmi les rebelles.
Il commença naturellement par expliquer les faits concernant le lévrier à Frère Tuck, seul ici, à part lui-même, à ne pas avoir participé à cette attaque menée contre les vautours. Il était un vieil homme d'église mais dans le campement des brigands, il avait toute son importance. Il avait nettement mérité sa place parmi les généraux de la rébellion, ne serait-ce que pour ses prières et son soutien. Et même si les pensées de la jeune femmes pouvaient être trop martiales pour bon nombres d'hommes et de femmes, elle n'eut jamais la sottise de croire qu'un homme de foi n'avait pas droit au chapitre lorsque l'on parlait de guerre et de politique. Le Frère Tuck hocha simplement la tête lorsque le shérif eut fini d'expliquer la situation.
" Nous avons interrogé quelques vautours ainsi que le Lévrier lui-même. Les vautours ont suivi le shérif dans sa rébellion. A la différence que les vautours désirent rejoindre la rébellion, tandis que le lévrier a émis le désir d'être pour nous un agent double. Il a proposé de repartir vers le chateau de Nothingham sur le champ pour espionner à notre solde Kefka. Il a précisé que le simple fait d'avoir apporté avec lui la totalité des arbalétriers du royaume devrait nous convaincre de sa sincérité. Ah et évidemment, il a cité votre nom une trentaine de fois, Dame Ravness... L'idée, en gros, c'est qu'il vous aime et qu'il veut vivre à vos côtés. "
Le visage de la garde resta neutre. Ce n'était pas la première fois qu'un homme l'approchait de manière aussi indécente mais... cela était inédit puisque jamais auparavant un homme ne lui avait ainsi déclaré sa flamme. A vrai dire, cela ne changeait rien pour elle, si ce n'est qu'elle ressentit peut-être encore un peu plus de dégoût à l'idée que cette expérience nouvelle se fasse grâce à un être aussi répugnant.
" ... Il a des informations. J'ai beau... détester ce type, j'ai l'impression qu'il est sincère. "
" Sin... sincère ? Non mais vous rigolez, compagnon ! Ce type violente femmes et enfants plus que le temps ne lui permet depuis qu'il a accédé à son poste de shérif ! Personne ne me fera croire qu'il est capable de garder un amour platonique envers la Commandante, quand chaque matin il se réveille plus souillé que la veille ! "
" Arrête, Robin. Qui est-ce que ça intéresse, ça ? Non mais au fond, je ne vois même pas pourquoi nous discutons de son amour impromptu. Si même il était venu parce qu'il est allergique au maquillage de Kefka... la seule chose qui devrait nous intéresser, c'est à quel point il peut nous être utile ! "
" Donc à présent, il suffit de présenter ses excuses pour être accepté parmi nous ? Demande donc au Shérif, ce type est une ordure démentielle, il n'y a rien à sauver chez lui. Et c'est ce genre d'hommes qui sera libre et récompensé lorsque nous aurons gagné la guerre ? "
" Encore faut-il la gagner cette guerre ! Ne pense pas que j'apprécie le lévrier... mais force est de constater qu'à présent, le chateau de Nothingham est incapable de se défendre convenablement ! Sans arbalétriers, ça va être du gateau ! Et ça c'est grâce à ce violeur que tu décris. "
" Peut-être que Kefka s'est rendu compte qu'ils n'étaient pas très bons et qu'il les a renvoyés... "
Petit Jean rigola à sa propre blague, bientôt soutenu par un rire étouffé du Frère Tuck.
" Sans parler des informations qu'il pourra nous fournir. "
" Quel genre d'informations pensez-vous recevoir, Will ? "
" Les plans de Kefka... "
" Il les garde pour lui, soyez en sûr. "
" A-t-il seulement des plans ? Je parierais cher sur sa capacité à improviser... parfois il se ridiculise, parfois ça marche. "
" Qui plus est... j'ai dans l'idée que Kefka n'attaquera pas... ou en tout cas, pas avec son armée. Dans la forêt, nous aurons un avantage démentiel. Il attendra que nous prenions d'assaut son chateau ou s'aventurera dans nos bois tout seul. En somme, rien que nous puissions prévoir. "
" Très bien... Les tours de garde doivent être consignés quelque part. Il pourrait même les trafiquer pour nous. Et... vous pouvez être certains qu'il a un registre des convois qui partent et qui arrivent à Nothingham. Juste en connaissant les détails de ce registre, nous pourrions imposer un embargo à Kefka et ses hommes... "
Après quelques secondes de réflexion, elle acquiesça simplement. Il n'avait pas tort... A vrai dire, c'était une excellente idée, bien qu'elle fut certaine que Kefka était on ne peut plus capable de trouver une solution à une famine. Finalement... Nothingham avait les moyens de sustenir à ses propres moyens pendant quelques années. Et même en mettant à malle ces moyens, elle refusait en âme et conscience d'infliger des mois de souffrance au peuple qui vivait là-bas.
" Vous ne pouvez ignorer le genre d'espion qu'il sera. En admettant quelques secondes qu'il puisse nous être fidèle, ou en tout cas obéir aux souhaits de Dame Ravness... alors, pour ne pas se trahir, il devra être à Nothingham comme à son habitude, un monstre dépourvu de morale, torturant les villageois... uniquement pour ne pas éveiller les soupçons. Et cela, je vous le rappelle, en notre nom. Je refuse de cautionner cela. "
Elle acquiesça simplement. Les brigands devaient se passer de certaines méthodes. Leur but n'était pas d'assurer la victoire mais d'assurer la paix.
" Faisons-en un prisonnier de guerre. En fait je propose que les vautours et lui soient tous faits prisonniers. "
" Je trouve normal que les vautours soient libérés lorsque la guerre sera gagnée. Ils feraient certes une formidable armée mais... nous ignorons leurs réelles intentions. Si l'un d'eux s'avérait être un traître, il pourrait suffire à nous faire perdre toutes les batailles. Ils sont mauvais tireurs mais... si l'un d'eux touchait l'un d'entre nous, nous en serions meurtris. "
Ravness baissa simplement les yeux sur la flamme d'une bougie. Elle... ne voulait pas des vautours parmi l'armée, en premier lieu parce qu'ils avaient trahi leur ancien camp à un moment trop opportun. Par sa simple haine des traîtres, elle se faisait une raison de refuser ce genre d'hommes à ses côtés. Néanmoins, elle n'était pas d'accord sur le reste... La guerre ne dépendait d'aucun des hommes présents ici. Seule la suite de la bataille nécessiterait d'hommes pour porter tous les autres;
" Je propose l'exécution du Lévrier. "
Relevant son regard, elle vit plusieurs des hommes autour de la table soupirer. Elle se doutait bien sûr qu'aucun d'entre eux n'était surpris... et c'était pour cette raison qu'elle osa proposer cela. A vrai dire, elle était sûre que chacun des généraux des brigands y avait pensé...
" Je comprends pourquoi ils t'appellent la vierge de fer... "
" Je vous demande pardon ? "
" Tu tues tous tes prétendants ou c'est juste ceux qui te font la cour en public ? Si tu continues, tu vas finir vieille fille. "
" Je ne tue pas uniquement mes prétendants... Vous voulez que je vous montre ça dehors ? "
Elle serra un poing tout en regardant furieusement l'Ecarlate. Il avait gagné jadis son respect en se dévouant à la cause, lors de la crémation du Prince Jean, mais à présent il avait perdu toutes ses chances de lui plaire à nouveau.
" Hola, prends pas la mouche. Je plaisante. "
" Moi jamais. "
Elle le regarda encore quelques secondes avant de détourner les yeux.
" Ce n'est pas qu'une affaire de haine. Certes je déteste cet homme autant que Kefka, mais cela n'influence aucunement mon opinion sur le sujet. Que faîtes-vous des prisonniers de guerre, à la fin d'un conflit, dans ce pays ? "
" Nous libérons la plupart des troupes ou les intégrons à notre armée. Le Roi et ses conseillers jugent ensuite tous les cas plus complexes. "
" Anticipez donc... Lorsque nous aurons vaincu, lorsque le lévrier sera jugé, que retiendront-ils de ses actes ? Qu'il a été incroyablement courageux d'avoir ainsi tourné le dos à Kefka, le délestant d'une grande partie de ses troupes, rendant ses murailles vulnérables. "
" Et ce n'est pas le cas, peut-être ? Enfin... mis à part le courage, qu'y a-t-il de faux là-dedans ? "
" Rien. Seulement, il sera relâché. Peut-être même réintègrera-t-il un grade dans l'armée. Je ne serais même pas étonnée de le voir devenir shérif ici-même. Tous ceux qui ne l'auront pas connu avant aujourd'hui le considéreront comme un héros. Seulement, nous savons quel monstre il est. Rappelez-vous qu'il est le pire opportuniste de votre royaume. L'avez-vous seulement déjà vu se battre ? Et pourtant il fait partie de la Meute, il est peut-être même le favori de Kefka. Qu'il nous trahisse aujourd'hui ou qu'il devienne un héros demain, il va être un problème. "
" En raison d'une éventualité, nous devrions donc tuer un homme ? "
" Non. En raison de ses crimes, nous devons tuer un homme. Vous voulez laisser votre prochain roi juger des choses dont il n'a pas connaissance ? Aujourd'hui, nous sommes les seuls à décider de ces choses-là... car vous n'avez pas de roi. Donc, vous avez la possibilité d'être les juges. Considérez tous les crimes qu'il a commis. "
" Je suis assez d'accord avec elle. Depuis tout à l'heure, nous envisageons le futur du lévrier en cas de victoire... Malgré toute ma foi en notre cause, je ne peux m'empêcher de penser à ce qui se passera si nous échouons. Il vivra et martyrisera les ruines de notre monde... "
" Et bien si c'est un vote, je m'y oppose. "
" Pareil. "
" Le simple fait que nous discutions de son sort prouve à quel point le lévrier a été courageux ce soir. Quand il est venu, il savait qu'il avait de grandes chances de mourir. Cela devrait vous faire reconsidérer l'opportunisme du bonhomme. "
" Personne ne peut changer aussi vite. Je pense qu'il est aussi fou que Kefka... Nous n'avons pas à saluer sa bravoure, nous devons profiter de son erreur. "
" Frère Tuck... Quel est votre avis ? "
" Je pense que nous ne pouvons pas... juger la culpabilité du lévrier. Mais nous n'avons pas plus le droit de prendre de risques. Je rejoins l'avis de Dame Ravness. "
Le shérif soupira légèrement et s'exclama finalement :
" Bien. Nous l'exécuterons demain, vers midi. "
A cet instant, ils osèrent à peine se regarder. Il n'y avait aucune joie éprouvée à cet instant... juste pour certains l'impression d'avoir fait ce qui était profitable pour la paix.
" Avant de vous laisser vous recoucher, nous avons encore quelques points à voir. Tout d'abord, une nouvelle qu'un des vautours vient de m'apprendre, et qui l'aurait influencé, dit-il, à rejoindre la rébellion. Le Roi Richard Coeur-de-Lion revient de croisade. Il devrait être ici dans quelques semaines, peut-être quelques mois. "
Tous parurent bien sûr étonnés. Ravness elle-même ne put masquer sa surprise. D'aussi loin qu'elle se souvint, le Prince Jean fut le seul souverain que le royaume ait connu depuis des années. Le Roi Richard était comme... une sorte de légende, à ses yeux. Tout le monde en disait du bien et espérait son retour.
" C'est une bonne chose non ? "
" Difficile à dire. "
Robin arborait à présent un regard préoccupé, une main sur son menton et l'autre grattant la table...
" Il est clair que le Roi Richard n'appréciera pas de voir Kefka diriger une partie de son royaume. Il ne fait aucun doute que s'il n'abdique pas, notre bon roi abattra ses troupes contre Nothingham, quitte à tout raser. Qui plus est... s'il pense comme nous que le bouffon a tué son frère, malgré l'aversion qu'ils avaient l'un pour l'autre, il sera furieux. "
" Mais nous avons commis un sacré boxon ici. Certes notre guerre a commencé parce que Kefka a capturé Robin, mais dans les faits, c'est bien contre le Prince Jean que nous avons d'abord pris les armes. Nous combattons la royauté depuis quelques mois, bien qu'elle ne soit plus représentée. "
" En somme, vous pensez qu'il sera contre la rébellion et contre la régence ? "
" Non. Je pense qu'il va rapidement se mettre de notre côté quand il aura compris la situation. Mais... je pense que cela pose un problème pour les brigands. "
" Nous apprécions vraiment le roi richard mais... s'il nous rejoint, il ne va pas se contenter de donner son avis. Il va sûrement imposer ses décisions. Je pense que par la simple force de sa popularité, il va nous soumettre. Très vite, il dirigera la rébellion et négociera cette guerre d'une manière différente de la nôtre. "
" Je vois. "
" Non, le plus gros problème, c'est que nous sommes des brigands. Sous ses ordres, nous perdrons la possibilité de combattre l'injustice par des chemins que lui ne peut emprunter. S'il soumet nos gars, par la parole ou la force, on sera aussitôt intégrés dans son royaume. Il a toujours été question de rendre son trône à Richard, quand on aura gagné la guerre... Comme ça, il est à la tête de sa nation et nous restons dans la forêt, à vivre dans le monde que nous avons choisi. C'est ici notre place et la sienne, c'est son trône. Faut que ça reste comme ça. "
" Donc... nous devons finir cette guerre avant qu'il n'arrive. "
Tous acquiescèrent. Cela pouvait sembler puéril mais Ravness pouvait comprendre. A vrai dire, elle-même ne pouvait que douter de ce Roi qui n'était pas revenu alors que son peuple était torturé par son frère cadet.
" Et pour les hommes ? On leur dit ? "
" Oui bien sûr. Ils seront heureux de l'apprendre et vont se battre avec d'autant plus d'ardeur. Leur cauchemar semblera prendre fin. "
" Bien. Finalement, je dois vous faire part d'une observation faite par un des villageois. Il est sûr d'avoir vu un dragon partir du chateau. "
" Un d... Un dragon ?! "
" Oui... Il serait noir. Il n'a rien détruit. Il est arrivé et est reparti. "
" C'est déjà arrivé avant ? "
" Jamais. Ca vous dit quelque chose, Dame Ravness ? "
" Et bien... Il y a deux personnes qui combattent avec des dragons, que je sache, dans les différents mondes. Tout d'abord, il y a un dénommé Raido... Il est très dangereux et bien plus fort que moi. Il a trahi la lumière et semble détenteur d'un grand pouvoir procuré par un serpent à huit têtes. Je peux vous dire que c'est un humain qui a des oreilles et une queue de chat... Mais c'est tout ce qu'il a d'animal. "
" Ok et l'autre ? "
" Ariez. Ma supérieure a assisté à l'invocation de son dragon. C'est ce dernier qui a abattu la chef des mercenaires. "
" Ce serait elle qui est venue voir Kefka ? "
" Peut-être. De ce que je sais, Raido aussi aurait pu venir. On sait qu'ils sont tous les deux liés par ce serpent à huit têtes dont je vous parlais. Quoi qu'il en soit, c'est un très mauvais signe. Si la Coalition noire ou un être aussi puissant que Raido se mêle à cette guerre... "
Ravness ne finit pas sa phrase. Si la Coalition noire décidait de commencer la guerre ici, la lumière et tous les groupes devraient répliquer... et si les batailles éclataient dans la forêt de sherwood, il ne ferait nul doute que le royaume ne se relèverait jamais.
Non... Cela ne pouvait arriver. Elle ne pouvait pas leur annoncer de but en blanc, mais pour leur bien, sans doute devrait-elle ordonner le retrait de la lumière de la guerre de sherwood, une fois que Kefka serait tué et les laisser entre les mains de la Coalition noire.
" Bon je vais avertir ma supérieure. Et espérons que ça ne se reproduise pas. "
" Bien... Je pense qu'on en a fini. "
" Laisse-t-on dormir les hommes une heure de plus cette nuit ? "
" Ce n'est pas nécessaire. C'était un bon exercice et... je suis sûr qu'avoir capturé soixante arbalétriers ainsi que le shérif de Nothingham va les rendre fous de joie pour au moins une semaine. "
Ravness acquiesça. Ils en avaient presque oublié de se réjouir. Elle ne comptait pas sous-estimer Kefka, et cela même si tous ses hommes le quittaient de la même façon... Mais si la bataille de la crémation du Prince Jean avait servi à quelque chose, c'était d'en savoir un peu plus sur l'affreux. Kefka était un mage très puissant et un lâche fini. Loin d'être résistant ou capable de mener un combat au corps à corps, il regretterait amèrement ces hommes capables de tenir les brigands à distance.
" N'oubliez pas l'entrainement de demain. On commence dès le réveil. "
Sur ces mots ils se quittèrent. Comparé à toutes les autres, cette soirée parût... presque bonne, cela malgré le réveil difficile et les difficultés éprouvées. Non... on n'a rien sans rien, Ravness le savait. Elle n'aurait pas osé se plaindre en cet instant.
La capitaine de la garde fit une courte prière et se recoucha bien vite, ou tout du moins dès l'instant où elle enleva son armure qu'elle attacha rigoureusement au petit mannequin en paille disposé dans sa chambre.
Elle se réveilla d'elle-même, quelques heures plus tard. De l'extérieur, elle n'entendait aucun bruit, que le vent du matin. Il devait être à peine cinq heures et... si tôt, seules les patrouilles cachées dans la forêt autour du campement étaient éveillées. Et quand bien même auraient-ils parlé fort, ce qu'ils n'avaient pas vraiment intérêt à faire, elle ne les aurait pas entendus. Durant quelques minutes à vrai dire, elle se sentit seule et paisible. D'apparence, elle ne changeait pourtant pas. Ses sourcils étaient constamment froncés, lorsqu'elle était dans ce monde. Les occasions d'être seule étaient si rares qu'elle subissait sa propre anxiété à longueur de journée. Mais à nouveau en y pensant... elle se plaignait, et elle se reprit, essayant de profiter de cet instant, se levant de son lit et se préparant dans le plus grand silence, désireuse de ne pas réveiller les occupants des tentes voisines, pour que quelques instants encore elle ait cette sensation d'être derrière des murs de pierre et non de toiles.
Oakley avait le don de tout changer. Quand la jeune garde était ainsi blottie tout contre elle, dans ses bras, elle en arrivait à oublier le monde et le reste. Couchées dans le lit d'Oakley, allongées sur la couverture dont elles n'avaient pas besoin lorsqu'elles étaient aussi proches l'une de l'autre, Ravness se laissait border par sa belle amie. Son souffle tout contre sa nuque, ses mains sur son ventre et les jambes nues de l'une et de l'autre qui semblaient se caresser. La lumière du jour entrait par la fenêtre ouverte et réchauffait leurs pieds, tandis qu'elles fermaient les yeux sans oser dormir. Elles ne se voyaient que trop peu.
Ravness avait presque oublié l'odeur de son aimée.
" Dame Ravness ! "
La garde se réveilla en sursaut, se redressa sur son lit de stupeur, tandis qu'une voix féminine vint à ses oreilles.
" Plusieurs dizaines de gardes de Kefka se dirigent vers le campement ! "
" Plusieurs dizaines ?... "
Oui c'était un grand groupe, c'était même un danger tout à fait sérieux mais... Un tel nombre ne pouvait espérer survivre à une attaque frontale contre les brigands. Ce qu'elle avait craint ces derniers jours semblait donc se réaliser. A l'instar de Roc, tous ceux qui avaient déçu le régent étaient envoyés pour mourir face aux brigands.
" Entrez et fermez les pans de la tente. "
" Mademoiselle ? "
La garde fit alors ce qu'elle ne crut jamais faire un jour, et ce qu'elle se jura de ne jamais reproduire, s'extirpant de sa couette et enlevant sa robe de nuit. Ainsi dans son plus simple appareil face à une autre femme, elle la regarda froidement.
" Aidez-moi à enfiler mon armure. "
Ravness enfila rapidement son short et son haut, cachant du mieux qu'elle le put sa nudité, tandis que la femme-belette amena sur le chevet de la garde les bottes et les genouillères en acier, confectionnées par Ulthane. Cette dernière s'assit ensuite sur son lit, s'emparant et mettant à son pied nu sa botte tandis que son assistante d'infortune s'occupait de l'autre.
" Par où arrivent-ils ? "
" Par le nord-est-nord. Ils arriveront à nos barricades de sapins dans dix minutes. "
" Dix minutes ?... Ils sont lents. "
" En effet. Pouvez-vous vous lever, ma Dame ? "
Ravness s'exécuta et laissa la femme-belette attacher ses genouillères.
" Ma jument est prête ? "
" Oui. Tout le monde est sur le pied de guerre. Un homme s'occupe de votre cheval. "
Avec son aide, elle vêtit son plastron dont elles fixèrent les attaches ensemble, avant de s'occuper des épaulières et enfin des brassières. L'idée de la bataille n'effrayait pas la jeune garde, mais elle ne put se retenir de ressentir une certaine appréhension. Elle ne savait définir cette boule dans le ventre qu'elle ressentait, ce stress qui grandissait... Etait-ce de perdre des hommes ou... plus égoïstement, le fait de s'être réveillée dans un lit moins confortable que les seuls bras de son amie ?
" Vous êtes prête. "
Dame Ravness ravala sa salive tandis que son regard se fit plus dur. Elle sortit de sa tente sans prêter attention à la femme-belette, et d'un pas pressé, elle se dirigea vers les écuries. Un homme sortit inopinément sa jument, Beth, de son enclos et lui confia ses rênes.
" Une centaine d'hommes y sont déjà. Hâtez-vous. "
Elle acquiesça simplement et partit au galop dans le campement. Il n'y avait que six cent mètres à faire de là où elle était pour apercevoir la masse des brigands rassemblés là, attendant les ordres... a vrai dire, elle n'avait pris son cheval que pour y être au plus vite. Elle ne se permettrait pas de la chevaucher dans une bataille contre des ennemis dont elle ne savait rien. Aussi, aussitôt fut-elle arrivée qu'elle descendit de sa monture et attacha les rênes de celui-ci à une branche solide d'un arbre avant de rejoindre enfin les hommes.
" Commandant ! "
Robin sortit des rangs, un sourire poli au visage, et se dirigea vers elle.
" Que sait-on ? "
" Ils sont à deux cent mètres d'ici. Ils sont entre cinquante et cent. Ils marchent très lentement, n'ont pas d'armes en mains. Et ils parlent entre eux... "
" ... Ce sont bien des ennemis ? "
" Sans le moindre doute, ma Dame. "
" Quel est le plan ? "
" Il est trop tard pour les avoir par surprise. On va sortir immédiatement du campement, allons nous déployer et nous refermer sur eux. On les encercle... on sera à peu près une centaine. On peut les avoir avec un minimum de pertes. "
" Et les patrouilles présentes dans le quartier nord-est-nord ? "
" Ils vont suivre discrètement les assaillants en sautant d'arbres en arbres. Quand on les encerclera, ils les abattront du ciel. "
" Bien. Vous devriez attaquer par les arbres vous aussi, avec quelques hommes. C'est faisable ? "
" Sans le moindre problème. "
" Vous donnerez l'ordre de tirer. Partez maintenant. On vous laisse vingt secondes d'avance. "
Suite à cela, un murmure se répandit parmi la foule silencieuse et très vite, une dizaine d'hommes disparut derrière la barrière de séquoias, s'engoufrant dans la forêt de Sherwood. Les brigands étaient des grimpeurs hors-pairs et les meilleurs archers que Ravness rencontra... ce qui n'était pas le cas des hommes de feu le Prince Jean.
C'est pour cette raison qu'ils avaient bati leur campement dans la forêt, et cela malgré l'incendie qui avait détruit leur précédent quartier général. C'était leur milieu, et ici ils étaient imbattables.
" Allez on y va. On se sépare, on se déploie autour des ennemis et nous les mettons en joue. "
Ils sortirent comme un seul homme du mur de sapins... et sans essayer d'être discrets, ils coururent bruyamment dans des directions différentes mais avec comme seul objectif cette masse informe et désorganisée de gardes du régent. Et comme un océan sur la butte, avec la même violence, ils fondirent sur eux. Quelques-uns des assaillants dégainèrent leur arbalète sans trop y croire. D'autres sortirent de petite dague et attaquèrent, avec plus de terreur dans le regard que d'envie de tuer.
Ravness comprit vite, en s'approchant en première ligne d'eux... Tous étaient des vautours, et tous étaient des arbalètriers. Une dizaine de cuisiniers connaissant ces bois aurait eu l'avantage sur un tel groupe...
Un des vautours s'approcha d'elle, dague à la main. Elle le regarda à peine... attrapa son poignet d'une main, le tordant l'instant d'après, son autre main attrapa le col de l'audacieux, tandis qu'elle plaça une jambe derrière lui et... le fit simplement chuter avant de le sonner d'un coup de talon dans le visage.
Elle fit apparaître sa hallebarde dans les mains, ne faisant pas attention aux quelques combats que menaient certains des brigands sans difficulté... et avec le reste des hommes, elle coinça les vautours qui ne résistèrent pas. En levant le regard, elle put voir une vingtaine d'hommes perchés avec agilité sur les solides branches des arbres de la forêt, une flèche encochée et l'arc bandé. Robin était là, souriant, et avec vigueur il s'exprima en premier.
" C'est déjà le jour de quête, shérif ? Hélas, j'ai égaré mon argent ! Promis, je te l'apporterai demain sans faute ! "
Shérif ?... A ce mot, les sourcils de la garde se froncèrent plus vite qu'elle ne comprit elle-même le mot. Notthingham avait eu de nombreux shérifs, mais aucun n'avait été plus odieux que l'actuel. Une voix horripilante sortit de la troupe et adressa à l'éloquent Robin une réponse vulgaire.
" Ferme-la puceau, je refuse de te parler à toi. "
" Oh mais c'est qu'ici, tu es chez moi, compagnon ! Et toi et tes amis devriez ôter vos couvre-chefs, essuyer vos pieds sur le parterre de feuilles et enfin être polis avec le charitable hôte que je suis. "
De nombreux rires s'échappèrent du groupe des brigands. Ravness, elle, écoutait à peine ce spectacle que donnait le prince des voleurs, trop occupée à chercher du regard le lévrier, ce nouveau shérif, qu'elle haïssait tant. Mais... il était trop lâche pour se mettre trop à découvert.
" Va te faire mettre. Je suis pas venu pour écouter tes conneries. "
" Et pourquoi êtes-vous venus, toi et tes moinaux ? Une soudaine envie d'offrir quelques pièces à notre cause ? Ou est-ce pour te rendre ? "
" Jamais je me rendrai, lopette ! "
" Quelle humeur, dis-moi ! Que s'est-il passé ?... Les vingt femmes que tu as outragées ce matin n'ont pas crié assez fort pour t'offrir du plaisir ? "
Elle regarda Robin qui... malgré son ton toujours aussi chantant, fixait le lévrier avec des yeux plus sombres, inquisiteurs.
" Je veux parler à la vierge de fer ! "
" ... Je ne sais pas de qui tu parles. "
" Que me veux-tu ? "
Elle sentit quelques regards se poser sur elle. Sans y prêter attention, elle fixa juste les vautours, desquels s'extirpa au bout de quelques secondes le lévrier dans des accoutrements... ridicules. Enfin, elle supposa que pour le pays de sherwood, ce furent des vêtements tout à fait acceptables, mais même pour elle qui était d'un monde moins à la pointe comparé au jardin radieux ou à la cité du crépuscule, c'était beaucoup trop chargé.
" Te rejoindre... "
Ses yeux s'écarquillèrent. Elle jeta un oeil aux brigands à sa droite, dubitative, en quête de réponse, avant de regarder une nouvelle fois le lévrier avec un air sincèrement interrogateur.
" dans la vie et dans la mort ! Je veux être à tes côtés jusqu'à la fin des temps ! Traîte-moi comme un chien ou comme un amant, j'en ferai mon bonheur. "
Elle défit sa garde et fit un pas vers l'avant. D'une main elle s'empara du col du lévrier pour le mettre à terre d'un coup de genoux dans le ventre... mais avant qu'elle ne s'exécute, le shérif lui sourit avec une... sincérité feinte, et se mit à genoux, les deux bras ouverts.
" Oui, frappe-moi ! Je n'ai pas pris d'arme ! Comme tu le vois, je suis tout à ta disposition ! "
Avec violence elle se mordit la lèvre, tandis que son visage ne put dissimuler plus longtemps sa colère.
" Si tu es venu parader, lévrier, sache qu'on ne se moque pas de moi impunément ! "
" Je... n'ai jamais été plus honnête... mon amour. "
Il insista sur chacune des syllabes de ce dernier mot. Elle eut presque l'impression qu'il avança ses lèvres et tendit son cou jusqu'à elle. Autour d'elle, Ravness jura entendre des brigands pouffer...
Son cerveau ne contrôlait plus ses muscles, elle le savait. Elle sentit les muscles de son bras se raidir avec comme seule idée d'asséner à cet imbécile le plus incroyable coup de poing qu'il ait jamais connu. Mais avant qu'elle ne le fasse, une voix interrompit ce dialogue.
" Ok... les gars. Capturez le shérif et ses guignols, mettez-les aux cachots et retournez à votre poste. "
Elle lâcha aussitôt le lévrier et fit volte-face tout en faisant disparaître sa hallebarde. Qu'importe la suite des événements, les chantages ou les menaces, elle ne tolérerait pas que ce monstre soit une nouvelle fois libéré par les brigands. Il n'avait ni pitié, ni valeurs. C'était le meilleur instrument de Kefka pour martyriser le peuple... Non ce n'était pas uniquement personnel.
Quand elle fut rentrée dans le campement, elle n'eut le temps de rejoindre sa tente pour finir sa nuit, car très vite un des rebelles la rejoignit et lui apprit que le shérif (le vrai) avait ordonné une réunion sur le champ.
Pour dire vrai, la conception d'immédiat du shérif ne se révéla pas aussi immédiate que promis. Lorsqu'elle entra dans la tente de l'ours, dont l'intérieur n'était que faiblement éclairé par les quelques bougies disposées sur la table, seuls Robin et Petit Jean étaient présents. Elle s'assit autour de la table, saluant au préalable Petit Jean d'un hochement de tête, et attendit les autres sans parler.
Très vite, Frère Tuck arriva, suivi de près par Will l'Ecarlate, un loup maigre, un air malade au visage et pourvu d'habits qui reflétaient une pauvreté qui n'était pas la sienne. Finalement, au bout d'une quinzaine de minutes, le shérif entra dans sa tente.
" Bon... En premier lieu, merci d'être venus à cette réunion impromptue. Nous n'avons que peu de choses à voir, mais chacune mérite toute notre attention. "
Ravness croisa les bras et, fronçant les sourcils, jeta un regard à ses compagnons. Le Shérif était debout et paraissait éreinté par son propre discours. Une longue épée à la ceinture, il semblait désormais incapable de s'en servir. Les attaques de Kefka l'avaient meurtri au point qu'il ne pouvait plus utiliser son bras gauche... ce qui n'aurait pas du empêcher un ours aussi décidé que lui de se battre. Hélas, ses souffrances étaient, dit-il, insoutenables. Aussi ce devait être pour lui trop pénible de faire quoi que ce soit.
Malgré tout, il était encore l'homme le plus influent parmi les rebelles.
Il commença naturellement par expliquer les faits concernant le lévrier à Frère Tuck, seul ici, à part lui-même, à ne pas avoir participé à cette attaque menée contre les vautours. Il était un vieil homme d'église mais dans le campement des brigands, il avait toute son importance. Il avait nettement mérité sa place parmi les généraux de la rébellion, ne serait-ce que pour ses prières et son soutien. Et même si les pensées de la jeune femmes pouvaient être trop martiales pour bon nombres d'hommes et de femmes, elle n'eut jamais la sottise de croire qu'un homme de foi n'avait pas droit au chapitre lorsque l'on parlait de guerre et de politique. Le Frère Tuck hocha simplement la tête lorsque le shérif eut fini d'expliquer la situation.
" Nous avons interrogé quelques vautours ainsi que le Lévrier lui-même. Les vautours ont suivi le shérif dans sa rébellion. A la différence que les vautours désirent rejoindre la rébellion, tandis que le lévrier a émis le désir d'être pour nous un agent double. Il a proposé de repartir vers le chateau de Nothingham sur le champ pour espionner à notre solde Kefka. Il a précisé que le simple fait d'avoir apporté avec lui la totalité des arbalétriers du royaume devrait nous convaincre de sa sincérité. Ah et évidemment, il a cité votre nom une trentaine de fois, Dame Ravness... L'idée, en gros, c'est qu'il vous aime et qu'il veut vivre à vos côtés. "
Le visage de la garde resta neutre. Ce n'était pas la première fois qu'un homme l'approchait de manière aussi indécente mais... cela était inédit puisque jamais auparavant un homme ne lui avait ainsi déclaré sa flamme. A vrai dire, cela ne changeait rien pour elle, si ce n'est qu'elle ressentit peut-être encore un peu plus de dégoût à l'idée que cette expérience nouvelle se fasse grâce à un être aussi répugnant.
" ... Il a des informations. J'ai beau... détester ce type, j'ai l'impression qu'il est sincère. "
" Sin... sincère ? Non mais vous rigolez, compagnon ! Ce type violente femmes et enfants plus que le temps ne lui permet depuis qu'il a accédé à son poste de shérif ! Personne ne me fera croire qu'il est capable de garder un amour platonique envers la Commandante, quand chaque matin il se réveille plus souillé que la veille ! "
" Arrête, Robin. Qui est-ce que ça intéresse, ça ? Non mais au fond, je ne vois même pas pourquoi nous discutons de son amour impromptu. Si même il était venu parce qu'il est allergique au maquillage de Kefka... la seule chose qui devrait nous intéresser, c'est à quel point il peut nous être utile ! "
" Donc à présent, il suffit de présenter ses excuses pour être accepté parmi nous ? Demande donc au Shérif, ce type est une ordure démentielle, il n'y a rien à sauver chez lui. Et c'est ce genre d'hommes qui sera libre et récompensé lorsque nous aurons gagné la guerre ? "
" Encore faut-il la gagner cette guerre ! Ne pense pas que j'apprécie le lévrier... mais force est de constater qu'à présent, le chateau de Nothingham est incapable de se défendre convenablement ! Sans arbalétriers, ça va être du gateau ! Et ça c'est grâce à ce violeur que tu décris. "
" Peut-être que Kefka s'est rendu compte qu'ils n'étaient pas très bons et qu'il les a renvoyés... "
Petit Jean rigola à sa propre blague, bientôt soutenu par un rire étouffé du Frère Tuck.
" Sans parler des informations qu'il pourra nous fournir. "
" Quel genre d'informations pensez-vous recevoir, Will ? "
" Les plans de Kefka... "
" Il les garde pour lui, soyez en sûr. "
" A-t-il seulement des plans ? Je parierais cher sur sa capacité à improviser... parfois il se ridiculise, parfois ça marche. "
" Qui plus est... j'ai dans l'idée que Kefka n'attaquera pas... ou en tout cas, pas avec son armée. Dans la forêt, nous aurons un avantage démentiel. Il attendra que nous prenions d'assaut son chateau ou s'aventurera dans nos bois tout seul. En somme, rien que nous puissions prévoir. "
" Très bien... Les tours de garde doivent être consignés quelque part. Il pourrait même les trafiquer pour nous. Et... vous pouvez être certains qu'il a un registre des convois qui partent et qui arrivent à Nothingham. Juste en connaissant les détails de ce registre, nous pourrions imposer un embargo à Kefka et ses hommes... "
Après quelques secondes de réflexion, elle acquiesça simplement. Il n'avait pas tort... A vrai dire, c'était une excellente idée, bien qu'elle fut certaine que Kefka était on ne peut plus capable de trouver une solution à une famine. Finalement... Nothingham avait les moyens de sustenir à ses propres moyens pendant quelques années. Et même en mettant à malle ces moyens, elle refusait en âme et conscience d'infliger des mois de souffrance au peuple qui vivait là-bas.
" Vous ne pouvez ignorer le genre d'espion qu'il sera. En admettant quelques secondes qu'il puisse nous être fidèle, ou en tout cas obéir aux souhaits de Dame Ravness... alors, pour ne pas se trahir, il devra être à Nothingham comme à son habitude, un monstre dépourvu de morale, torturant les villageois... uniquement pour ne pas éveiller les soupçons. Et cela, je vous le rappelle, en notre nom. Je refuse de cautionner cela. "
Elle acquiesça simplement. Les brigands devaient se passer de certaines méthodes. Leur but n'était pas d'assurer la victoire mais d'assurer la paix.
" Faisons-en un prisonnier de guerre. En fait je propose que les vautours et lui soient tous faits prisonniers. "
" Je trouve normal que les vautours soient libérés lorsque la guerre sera gagnée. Ils feraient certes une formidable armée mais... nous ignorons leurs réelles intentions. Si l'un d'eux s'avérait être un traître, il pourrait suffire à nous faire perdre toutes les batailles. Ils sont mauvais tireurs mais... si l'un d'eux touchait l'un d'entre nous, nous en serions meurtris. "
Ravness baissa simplement les yeux sur la flamme d'une bougie. Elle... ne voulait pas des vautours parmi l'armée, en premier lieu parce qu'ils avaient trahi leur ancien camp à un moment trop opportun. Par sa simple haine des traîtres, elle se faisait une raison de refuser ce genre d'hommes à ses côtés. Néanmoins, elle n'était pas d'accord sur le reste... La guerre ne dépendait d'aucun des hommes présents ici. Seule la suite de la bataille nécessiterait d'hommes pour porter tous les autres;
" Je propose l'exécution du Lévrier. "
Relevant son regard, elle vit plusieurs des hommes autour de la table soupirer. Elle se doutait bien sûr qu'aucun d'entre eux n'était surpris... et c'était pour cette raison qu'elle osa proposer cela. A vrai dire, elle était sûre que chacun des généraux des brigands y avait pensé...
" Je comprends pourquoi ils t'appellent la vierge de fer... "
" Je vous demande pardon ? "
" Tu tues tous tes prétendants ou c'est juste ceux qui te font la cour en public ? Si tu continues, tu vas finir vieille fille. "
" Je ne tue pas uniquement mes prétendants... Vous voulez que je vous montre ça dehors ? "
Elle serra un poing tout en regardant furieusement l'Ecarlate. Il avait gagné jadis son respect en se dévouant à la cause, lors de la crémation du Prince Jean, mais à présent il avait perdu toutes ses chances de lui plaire à nouveau.
" Hola, prends pas la mouche. Je plaisante. "
" Moi jamais. "
Elle le regarda encore quelques secondes avant de détourner les yeux.
" Ce n'est pas qu'une affaire de haine. Certes je déteste cet homme autant que Kefka, mais cela n'influence aucunement mon opinion sur le sujet. Que faîtes-vous des prisonniers de guerre, à la fin d'un conflit, dans ce pays ? "
" Nous libérons la plupart des troupes ou les intégrons à notre armée. Le Roi et ses conseillers jugent ensuite tous les cas plus complexes. "
" Anticipez donc... Lorsque nous aurons vaincu, lorsque le lévrier sera jugé, que retiendront-ils de ses actes ? Qu'il a été incroyablement courageux d'avoir ainsi tourné le dos à Kefka, le délestant d'une grande partie de ses troupes, rendant ses murailles vulnérables. "
" Et ce n'est pas le cas, peut-être ? Enfin... mis à part le courage, qu'y a-t-il de faux là-dedans ? "
" Rien. Seulement, il sera relâché. Peut-être même réintègrera-t-il un grade dans l'armée. Je ne serais même pas étonnée de le voir devenir shérif ici-même. Tous ceux qui ne l'auront pas connu avant aujourd'hui le considéreront comme un héros. Seulement, nous savons quel monstre il est. Rappelez-vous qu'il est le pire opportuniste de votre royaume. L'avez-vous seulement déjà vu se battre ? Et pourtant il fait partie de la Meute, il est peut-être même le favori de Kefka. Qu'il nous trahisse aujourd'hui ou qu'il devienne un héros demain, il va être un problème. "
" En raison d'une éventualité, nous devrions donc tuer un homme ? "
" Non. En raison de ses crimes, nous devons tuer un homme. Vous voulez laisser votre prochain roi juger des choses dont il n'a pas connaissance ? Aujourd'hui, nous sommes les seuls à décider de ces choses-là... car vous n'avez pas de roi. Donc, vous avez la possibilité d'être les juges. Considérez tous les crimes qu'il a commis. "
" Je suis assez d'accord avec elle. Depuis tout à l'heure, nous envisageons le futur du lévrier en cas de victoire... Malgré toute ma foi en notre cause, je ne peux m'empêcher de penser à ce qui se passera si nous échouons. Il vivra et martyrisera les ruines de notre monde... "
" Et bien si c'est un vote, je m'y oppose. "
" Pareil. "
" Le simple fait que nous discutions de son sort prouve à quel point le lévrier a été courageux ce soir. Quand il est venu, il savait qu'il avait de grandes chances de mourir. Cela devrait vous faire reconsidérer l'opportunisme du bonhomme. "
" Personne ne peut changer aussi vite. Je pense qu'il est aussi fou que Kefka... Nous n'avons pas à saluer sa bravoure, nous devons profiter de son erreur. "
" Frère Tuck... Quel est votre avis ? "
" Je pense que nous ne pouvons pas... juger la culpabilité du lévrier. Mais nous n'avons pas plus le droit de prendre de risques. Je rejoins l'avis de Dame Ravness. "
Le shérif soupira légèrement et s'exclama finalement :
" Bien. Nous l'exécuterons demain, vers midi. "
A cet instant, ils osèrent à peine se regarder. Il n'y avait aucune joie éprouvée à cet instant... juste pour certains l'impression d'avoir fait ce qui était profitable pour la paix.
" Avant de vous laisser vous recoucher, nous avons encore quelques points à voir. Tout d'abord, une nouvelle qu'un des vautours vient de m'apprendre, et qui l'aurait influencé, dit-il, à rejoindre la rébellion. Le Roi Richard Coeur-de-Lion revient de croisade. Il devrait être ici dans quelques semaines, peut-être quelques mois. "
Tous parurent bien sûr étonnés. Ravness elle-même ne put masquer sa surprise. D'aussi loin qu'elle se souvint, le Prince Jean fut le seul souverain que le royaume ait connu depuis des années. Le Roi Richard était comme... une sorte de légende, à ses yeux. Tout le monde en disait du bien et espérait son retour.
" C'est une bonne chose non ? "
" Difficile à dire. "
Robin arborait à présent un regard préoccupé, une main sur son menton et l'autre grattant la table...
" Il est clair que le Roi Richard n'appréciera pas de voir Kefka diriger une partie de son royaume. Il ne fait aucun doute que s'il n'abdique pas, notre bon roi abattra ses troupes contre Nothingham, quitte à tout raser. Qui plus est... s'il pense comme nous que le bouffon a tué son frère, malgré l'aversion qu'ils avaient l'un pour l'autre, il sera furieux. "
" Mais nous avons commis un sacré boxon ici. Certes notre guerre a commencé parce que Kefka a capturé Robin, mais dans les faits, c'est bien contre le Prince Jean que nous avons d'abord pris les armes. Nous combattons la royauté depuis quelques mois, bien qu'elle ne soit plus représentée. "
" En somme, vous pensez qu'il sera contre la rébellion et contre la régence ? "
" Non. Je pense qu'il va rapidement se mettre de notre côté quand il aura compris la situation. Mais... je pense que cela pose un problème pour les brigands. "
" Nous apprécions vraiment le roi richard mais... s'il nous rejoint, il ne va pas se contenter de donner son avis. Il va sûrement imposer ses décisions. Je pense que par la simple force de sa popularité, il va nous soumettre. Très vite, il dirigera la rébellion et négociera cette guerre d'une manière différente de la nôtre. "
" Je vois. "
" Non, le plus gros problème, c'est que nous sommes des brigands. Sous ses ordres, nous perdrons la possibilité de combattre l'injustice par des chemins que lui ne peut emprunter. S'il soumet nos gars, par la parole ou la force, on sera aussitôt intégrés dans son royaume. Il a toujours été question de rendre son trône à Richard, quand on aura gagné la guerre... Comme ça, il est à la tête de sa nation et nous restons dans la forêt, à vivre dans le monde que nous avons choisi. C'est ici notre place et la sienne, c'est son trône. Faut que ça reste comme ça. "
" Donc... nous devons finir cette guerre avant qu'il n'arrive. "
Tous acquiescèrent. Cela pouvait sembler puéril mais Ravness pouvait comprendre. A vrai dire, elle-même ne pouvait que douter de ce Roi qui n'était pas revenu alors que son peuple était torturé par son frère cadet.
" Et pour les hommes ? On leur dit ? "
" Oui bien sûr. Ils seront heureux de l'apprendre et vont se battre avec d'autant plus d'ardeur. Leur cauchemar semblera prendre fin. "
" Bien. Finalement, je dois vous faire part d'une observation faite par un des villageois. Il est sûr d'avoir vu un dragon partir du chateau. "
" Un d... Un dragon ?! "
" Oui... Il serait noir. Il n'a rien détruit. Il est arrivé et est reparti. "
" C'est déjà arrivé avant ? "
" Jamais. Ca vous dit quelque chose, Dame Ravness ? "
" Et bien... Il y a deux personnes qui combattent avec des dragons, que je sache, dans les différents mondes. Tout d'abord, il y a un dénommé Raido... Il est très dangereux et bien plus fort que moi. Il a trahi la lumière et semble détenteur d'un grand pouvoir procuré par un serpent à huit têtes. Je peux vous dire que c'est un humain qui a des oreilles et une queue de chat... Mais c'est tout ce qu'il a d'animal. "
" Ok et l'autre ? "
" Ariez. Ma supérieure a assisté à l'invocation de son dragon. C'est ce dernier qui a abattu la chef des mercenaires. "
" Ce serait elle qui est venue voir Kefka ? "
" Peut-être. De ce que je sais, Raido aussi aurait pu venir. On sait qu'ils sont tous les deux liés par ce serpent à huit têtes dont je vous parlais. Quoi qu'il en soit, c'est un très mauvais signe. Si la Coalition noire ou un être aussi puissant que Raido se mêle à cette guerre... "
Ravness ne finit pas sa phrase. Si la Coalition noire décidait de commencer la guerre ici, la lumière et tous les groupes devraient répliquer... et si les batailles éclataient dans la forêt de sherwood, il ne ferait nul doute que le royaume ne se relèverait jamais.
Non... Cela ne pouvait arriver. Elle ne pouvait pas leur annoncer de but en blanc, mais pour leur bien, sans doute devrait-elle ordonner le retrait de la lumière de la guerre de sherwood, une fois que Kefka serait tué et les laisser entre les mains de la Coalition noire.
" Bon je vais avertir ma supérieure. Et espérons que ça ne se reproduise pas. "
" Bien... Je pense qu'on en a fini. "
" Laisse-t-on dormir les hommes une heure de plus cette nuit ? "
" Ce n'est pas nécessaire. C'était un bon exercice et... je suis sûr qu'avoir capturé soixante arbalétriers ainsi que le shérif de Nothingham va les rendre fous de joie pour au moins une semaine. "
Ravness acquiesça. Ils en avaient presque oublié de se réjouir. Elle ne comptait pas sous-estimer Kefka, et cela même si tous ses hommes le quittaient de la même façon... Mais si la bataille de la crémation du Prince Jean avait servi à quelque chose, c'était d'en savoir un peu plus sur l'affreux. Kefka était un mage très puissant et un lâche fini. Loin d'être résistant ou capable de mener un combat au corps à corps, il regretterait amèrement ces hommes capables de tenir les brigands à distance.
" N'oubliez pas l'entrainement de demain. On commence dès le réveil. "
Sur ces mots ils se quittèrent. Comparé à toutes les autres, cette soirée parût... presque bonne, cela malgré le réveil difficile et les difficultés éprouvées. Non... on n'a rien sans rien, Ravness le savait. Elle n'aurait pas osé se plaindre en cet instant.
La capitaine de la garde fit une courte prière et se recoucha bien vite, ou tout du moins dès l'instant où elle enleva son armure qu'elle attacha rigoureusement au petit mannequin en paille disposé dans sa chambre.
Elle se réveilla d'elle-même, quelques heures plus tard. De l'extérieur, elle n'entendait aucun bruit, que le vent du matin. Il devait être à peine cinq heures et... si tôt, seules les patrouilles cachées dans la forêt autour du campement étaient éveillées. Et quand bien même auraient-ils parlé fort, ce qu'ils n'avaient pas vraiment intérêt à faire, elle ne les aurait pas entendus. Durant quelques minutes à vrai dire, elle se sentit seule et paisible. D'apparence, elle ne changeait pourtant pas. Ses sourcils étaient constamment froncés, lorsqu'elle était dans ce monde. Les occasions d'être seule étaient si rares qu'elle subissait sa propre anxiété à longueur de journée. Mais à nouveau en y pensant... elle se plaignait, et elle se reprit, essayant de profiter de cet instant, se levant de son lit et se préparant dans le plus grand silence, désireuse de ne pas réveiller les occupants des tentes voisines, pour que quelques instants encore elle ait cette sensation d'être derrière des murs de pierre et non de toiles.
Dernière édition par Dame Ravness le Ven 5 Déc 2014 - 1:10, édité 1 fois