Adossée contre les oreillers, les yeux clos, Mila inspirait profondément, tentant d'atteindre un calme presque absolu. Dès qu'elle se sentit prête, elle appela l'infirmière de nuit. Lorsque celle-ci s'approcha pour s'enquérir de sa santé, Mila lui pris doucement la main et s'empara de son corps.

    Elle n'avait pas beaucoup de temps. Si son psychisme écrasait sans efforts celui de la jeune femme, son état la limitait. Mila s'empara d'une grosse boîte destinée à contenir des kits de premiers soins et se dirigea vers le hangar à gummi, préférant avoir une excuse pour justifier sa présence et éviter les complications.

    Dans le corps de l'infirmière, elle saluait d'un signe de tête ou d'un sourire les gens qu'elle croisait, tentant d'agir le plus naturellement possible. Elle évitait les lieux trop exposés mais ne rasait pas les murs ; adopter un comportement suspect serait la meilleure façon d'attirer l'attention. Bientôt, elle atteignit le hangar. Deux gardes étaient postés à l'entrée. Elle ne connaissait pas les codes qui régissaient la Lumière et craignait de se trahir. La consule tentait par tous les moyens de garder son calme, sachant bien que tout débordement lui ferait perdre le contrôle.

    « Bonsoir. Je viens réapprovisionner les kits de premiers soins. Avec l'accident de la consule hier, tout a été utilisé. » dit-elle d'un ton qu'elle espérait naturel. Les deux gardes échangèrent un regard dubitatif. « Au milieu de la nuit ? » demanda l'un d'eux d'un air suspicieux. Mila se mordit la lèvre avec un sourire embarrassé. « Prise sur le fait ! En fait ma collègue de garde cette nuit n'arrête pas de me raconter ses histoires de cœur et vu l'heure, j'avais vraiment envie de prendre l'air... Du coup je me suis dit qu'il valait mieux occuper mon temps de façon productive ! Vous ne direz rien, n'est-ce pas ? » L'un des gardes croisa les bras et haussa le sourcil d'un air réprobateur. « Vous pouvez y aller, mais la prochaine fois, je ferais un rapport. On ne déserte pas son poste comme ça. » fit-il d'une grosse voix.

    Elle hocha la tête d'un air penaud et s'engouffra dans le hangar. L'infirmière avançait dans la pénombre, et Mila du raffermir sa concentration pour ne pas trébucher. Il était vital pour le Consulat qu'elle ne perde pas le contrôle. Elle n'osait cependant pas allumer le hangar de crainte d'attirer l'attention. Prise par le temps et forcée d'aller lentement, l'angoisse grimpait peu à peu.

    Mila stoppa net et, via le corps de l'infirmière, pris une longue et profonde inspiration. Elle resta ainsi une longue minute, préférant perdre du temps plutôt que de laisser sa concentration s'effriter. « C'est parti. » murmura-t-elle pour elle-même. À tâtons, prudemment, Mila se faufila jusqu'au centre du hangar, se guidant grâce aux lueurs qui émanaient de celui-ci. Câbles luminescents et divers clignotants lui permirent de se diriger vers le moteur du hangar sans trop d'ennuis. Elle manqua de tomber une ou deux fois mais réussit à se rattraper sans perdre le contrôle.

    Une fois face au moteur, Mila sentit un frisson la parcourir à travers le corps de l'infirmière. Avec un sourire, elle ouvrit la boîte — vide — et y plaça précautionneusement le moteur. La machine s'éteignit dans un bruit sourd, pas suffisamment fort pour être entendu à l'extérieur au grand soulagement de la jeune femme. Cela devait faire pratiquement quinze minutes qu'elle était dans ce corps, elle avait à peine le temps de revenir à l'infirmerie et de cacher le moteur.

    Elle salua les gardes à la sortie avec un gentil sourire et retourna le plus calmement possible à l'infirmerie. Elle se rendit immédiatement dans sa chambre et extirpa le moteur pour le mettre dans la petite valise contenant ses effets personnels. La majorité de ses affaires ayant brûlé dans l'accident, la Lumière avait eu la gentillesse de la lui fournir afin de regrouper ce qui lui restait. Après tout, elle était leur alliée...

    Après avoir reposé la boîte de premiers soins où elle l'avait trouvée, Mila se plaça près de son corps de façon à imiter la position de l'infirmière lorsqu'elle s'était penchée sur elle un peu moins d'une demi-heure plus tôt.

    « Quelque chose ne va pas ? Vous avez mal ? » demanda-t-elle après avoir secoué la tête quelques secondes, comme étourdie. « La douleur m'empêche de dormir... » murmura Mila d'un air épuisé qui n'avait rien de feint. « Je m'en occupe, ne vous inquiétez pas. Vous dormirez très vite comme un loir. » répondit-elle d'une voix chaleureuse. Bien vite, sous l'effet de la fatigue et des médicaments, Mila s'enfonça dans un sommeil sans rêves.

    À son réveil, une nouvelle infirmière la conduisit, elle, sa valise et son fauteuil roulant, jusqu'à la station Shinra. Sur le chemin, Mila remarqua très vite l'effervescence qui régnait autour du hangar à gummis. En passant près des jardins en fauteuil roulant, elle savait bien qu'elle n'aurait aucun besoin de prouver son innocence.

    Après tout, comment une jeune femme ayant subi un accident conséquent, forcée d'être en fauteuil roulant et, qui plus est, alliée de la Lumière, aurait pu perpétré un tel acte de trahison ?