Assis sur sa chaise, les jambes tendues sous la table et la tête renfrognée contre son torse, il massait ses tempes d'une main, préoccupé. Ecrire ne l'enchantait pas. A vrai dire il avait retardé ce moment autant qu'il le put, tant la perspective l'effrayait. Cette lettre serait sa seule brèche... et il était tenu de se l'infliger. Genesis se redressa, l'air mauvais, et prenant son stylo à plume, il commença à écrire...

" Cher Angeal,

Je ne sais comment te remercier pour ta proposition. Que tu fasses confiance au Consulat au point de lui confier Atlantica me rassure quant à notre amitié. Nous nous voyons trop peu et je compte sur cette alliance pour nous permettre de discuter de temps à autre.
Car oui, je t'annonce sans surprise mais avec la plus grande joie que le Consulat accepte cette alliance avec le Sanctum. Ton peuple sera le bienvenu chez nous. Nous protègerons tes prêtres et nous battrons à vos côtés. Vous êtes à présent des nôtres et avez tout loisir de répandre votre culte dans les Cités dorées du Consulat.

Je pense que cela devait être écrit quelque part. Nous avons grandi ensemble, sommes devenus amis et rivaux... et sommes liés par cette aile que nous possédons tous les trois. Et finalement, nous avons accompli de grandes choses. Tu es à la tête d'un groupe et je suis l'intendant d'un autre... Une alliance n'est que la suite logique de notre épopée, mon ami.

Les consuls ont accepté l'alliance durant une réunion dans le Sommet des arts. Il y a toutefois quelques conditions que je suis obligé de te faire parvenir concernant votre culte. Tout d'abord, prends cela davantage comme un conseil : Si des prédicateurs et missionnaires doivent répandre la parole de tes dieux pour convaincre des citoyens... qu'ils soient prudents dans la Terre des dragons et encore davantage à la Cité des rêves. Ce sont des mondes où le peuple a déjà son Dieu et n'acceptera pas facilement qu'on leur parle d'autres divinités. Je recommande à ton Clergé d'être subtil. Je ne veux pas de guerre civile et tu ne veux pas de morts.

Ensuite, je dois t'infliger deux restrictions dans ta mission. Le Consulat chasse les destructeurs et interdit la nécromancie... Aussi si un de vos Eternels est lié à la destruction, au chaos ou au réveil des morts, il ne pourra être prié de manière publique. Vos prédicateurs auront interdiction de répandre son culte. Seul son culte privé sera légal. Cela vaut pour l'entièreté des Cités dorées.


Deuxièmement, au sein du Jardin Radieux, il sera interdit au Sanctum de répandre le culte d'un Eternel si celui-ci est une divinité de l'amour ou de la beauté. Je ne connais pas votre panthéon, je te demande pardon. Cela peut sembler paradoxal de t'opposer ceci, alors que le Consulat mène une quête de beauté... mais Aphrodite veille à présent sur le Jardin radieux, et en échange de sa présence, m'a donné cette condition parmi d'autres. Cette condition ne s'applique donc pas dans la Terre des dragons et dans la Cité des rêves.

Bien sûr, j'ose espérer que le Sanctum ne s'attaquera jamais aux cultes des autres religions des cités dorées et qu'il respectera les lois du Consulat. Pour te donner un simple exemple, la prostitution est légale, de même que la prostitution sacrée dans le temple d'Aphrodite... il faudra respecter nos choix.

Passé ce mauvais moment à te raconter les mises en garde du Consulat... Je dois passer à quelque chose d'encore plus pénible à présent. Cette lettre je te l'envoie principalement pour te l'annoncer... Dans quelques jours, tous les groupes l'apprendront sans doute : Je suis mourant.

J'ai été infecté par un homme qui sévit à travers les mondes et que je chassais. Je n'ai pas de souvenirs de mon combat contre lui mais... il semblerait que je l'aie perdu. Je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre, mon ami. Mes organes et ma peau, tout en moi va pourrir jusqu'à ma mort. Elle peut arriver dans un mois comme dans deux ans, m'a-t-on dit.

Quoi qu'il en soit... "


Le Tragédien s'arrêta d'écrire. Il ne savait pas vraiment comment formuler ses mots... et pourtant voilà des jours qu'il s'imaginait les formuler.

" Je dois te mettre en garde. La guerre approche et... le Consulat ne peut pas se permettre de la perdre, si il y participe. Notre alliance existera aussi longtemps que tu me feras confiance, Angeal. Or, j'ai besoin que tu me fasses confiance. Si je dois mourir, je ferai ce qui doit être fait. Quoi que le Consulat fasse, mon ami, ne te mets pas en travers de sa route. Respecte tes idéaux, écoute tes dieux mais n'agis pas en fonction de moi et des miens. Notre pire erreur serait d'opposer nos familles.

Sois sûr de mon amitié la plus sincère,
Genesis. "