Suite de : Nous y revoilà
Jeu 29 Mai 2014 - 1:18Dans la dense et profonde forêt de Sherwood passaient des sentiers sur lesquels avaient circulé de nombreux chariots, cargaisons d'armes et de provisions envoyées au chateau de Nothingham. Cette dernière année, néanmoins, le paisible voyage des coursiers fut gêné par les rebelles, brigands au bon coeur volant et se battant au jour le jour, risquant leur vie, pour la prospérité d'un pays depuis trop longtemps ravagé par la famine. Et une chose entraînant une autre, le régent avait trouvé une parade à ces pillages, piégeant les brigands et causant dans leurs rangs une petite centaine de morts au biais d'un toxique... Ravness pouvait difficilement l'oublier, étant la seule à avoir survécu à ce poison. La garde s'en était remise... En effet, cela faisait un mois qu'elle avait quitté la forêt de Sherwood, qu'elle retrouvait enfin dans un Printemps agréable, après ce long hiver passé dans les bois, telle une vaurien.
Durant ce mois, les choses ne furent pas toutes agréables. A vrai dire, elle avait reçu de nouvelles blessures pour lui faire oublier le poison qui avait rongé son corps de l'intérieur... et qui avait laissé comme seule trace une interdiction formelle du docteur de manger des aliments trop acides.
Ce fut sur l'un de ses sentiers qu'elle se trouvait ce jour-là.
Sur la route était renversé un chariot dont les vitres et les roues étaient brisées comme rompus par la charge d'un taureau. Et loin du carrosse galopaient deux chevaux paniqués, partant loin du danger et de tout. Dame Ravness se trouvait accroupie près du chariot, mettant dans son sac imposant trois épées rangées dans leur fourreau. C'est parce que je vous le dis qu'elle était reconnaissable mais à vrai dire aucun de ses cheveux ne tombaient devant son cou, et son visage était légèrement dissimulé, tout cela grâce à la capuche de sa cape grise, celle-ci recouvrant autant son crane que son corps. Néanmoins l'on distinguait sa petite taille et bien sûr les reliefs de son armure dessinés sur sa cape, typique d'une brigande.
La garde fit disparaître sa propre épée après l'avoir essuyée dans l'herbe... et regarda distraitement les trois corps à terre, baignant dans leur sang, pour la plupart morts assez violemment de sa main. Elle laissa son sac derrière elle et s'approcha des cadavres, le visage froid, comme dénué de toutes émotions. Difficile en temps de guerre de différencier un pêché d'un devoir, si la bataille est livrée au nom de la liberté et de la paix. Qu'on la juge de mauvaise foi ne l'importait pas... c'était davantage une question qu'elle se posait vis-à-vis de Dieu. Et après avoir tué ces trois hommes, ces trois gardes, elle jugea tout aussi utile pour la guerre de prendre les munnies qu'il transportait...
Après avoir glissé la bourse dans sa besace, elle mit celle-ci à son dos et marcha à pas rapides sur le sentier... sur lequel elle trouva rapidement Beth, dont les rênes étaient attachées à un arbre. Pour une raison qu'elle ignorait, le chariot était vide... Sans doute avait-il déposé son contenu plus tôt et rentrait-il au bercail.
Ce n'était pas grave, se dit-elle. Les brigands ne feraient plus l'erreur de piller la nourriture transportée par les chariots de Kefka. Ainsi ils ne seraient pas tentés.
Elle se mit en selle et partit au trot vers le campement dans le silence le plus total. Elle n'avait pris dans son sac ni vêtements ni vivres, jugeant plus utile d'apporter bandages, médicaments et antibiotiques en nombre aux médecins du camp. Les infirmières de la lumière avaient été jusqu'à accepter de lui céder quelques tubes de morphine.
Ravness ne pensa à rien d'autre sur le trajet qu'à Kefka et ses actes durant son absence. Avait-il davantage meurtri cette terre ? Les brigands étaient-ils même en vie ? Elle avait reçu des nouvelles trois jours auparavant mais mieux que personne, elle savait que beaucoup pouvait être fait contre autrui en septante-deux longues heures.
La garde de la lumière était à quelques centaines de mètres quand elle entendit un cri... Cet hurlement la fit partir au quart de tour, frappant Beth de ses talons et criant à son encontre "Yah !" pour la propulser au galop, se ruant à toute vitesse vers le campement caché derrière les sapins. Faisant, malgré sa précipitation, bien attention de passer par l'un des chemins non pas truffés de pièges mais parsemés de brigands cachés et surveillant les alentours. Elle entendit malgré elle le signal des brigands, semblable au hululement d'une chouette pour s'avertir entre eux de l'arrivée d'un étranger. Ravness ne savait que trop bien que si elle continuait sa poursuite sans s'annoncer, elle serait abattue sans la moindre sommation, criblée de flèches... Aussi, sans ralentir, elle fit un geste de la tête en arrière pour faire tomber sa capuche, dévoilant son visage fin et ses cheveux argentés qui suffiraient à la distinguer d'un inconnu.
Elle se faufila entre quelques sapins et galopa dans le campement même, paralysé par une peur inexpliquée. Ils regardaient tous dans la même direction, immobiles, tels des animaux surpris par un bruit, sans faire attention à son arrivée. Beth la mena jusqu'à la source du cri, guidée par les yeux des brigands et des familles de ceux-ci.
Et c'est en voyant des hommes se battre très violemment que sans même les identifier, Dame Ravness arrêta son cheval et en descendit d'un bond, faisant apparaître sa hallebarde dans sa main tout en lâchant son sac qui s'écrasa à terre.
Ce n'était pas un exercice, plus de doute... Les quelques corps au sol, corps des brigands de la forêt, attestaient de la violence de l'attaque. Et c'est pour cela qu'au lieu de regarder le combat directement offert à ses yeux, elle chercha autour d'elle la présence d'ennemis. Il n'y avait personne... qu'un seul attaquant.
Elle le reconnut de suite, sous ses deux mètres et sa carrure absolument terrifiante. Ravness s'était faite salement rossée par ce dernier, la première fois qu'elle le vit et... elle était entrée dans sa tête pour tuer plusieurs gardes le jour de la fausse crémation, à leur deuxième rencontre. Aujourd'hui il était là, telle une araignée se défendant d'une centaine de fourmis... Mortelle mais condamnée. Il ne pouvait penser avoir une chance de survivre...
Une rage s'empara d'elle. Elle ne lui laisserait pas la chance d'emporter davantage de rebelles dans sa tombe. Et c'est ainsi que Ravness se mit à courir, certes assez peu rapide mais profitant de la distraction de Roc, le colosse canin... et arrivée à ses côtés, elle fit un petit bond en avant et frappa le molosse d'un coup de genou dans le ventre, le repoussant de ses adversaires actuels quelques secondes. Elle fit tourner sa hallebarde dans ses mains une longue seconde et se mit en garde, pointant le toutou du régent de la pointe de son arme.
" Toi ! T'étais pas partie ?! "
Elle ne répondit pas, regardant du coin de l'oeil les quelques brigands à ses côtés, à qui elle demanda de s'éloigner d'un geste de la tête.
" Alpha oubliera pas ce que j'ai fait si je te tue. "
" Tu veux mourir pour la gloire ? "
" J'y ai droit ! "
Il brandit son immense épée batarde et l'abattit dans sa direction. Certes elle était lente mais il l'était tout autant, aussi elle put parer sans trop de difficultés d'un bref coup d'hallebarde dans les airs, déviant l'arme et frappant le bull-dog du bout contondant de l'arme, le surprenant assez bien. Elle attaqua avec assez de violence mais fut retenue par la lourde armure du soldat dans laquelle se planta nette sa hallebarde. Elle fut éloignée par un violent coup de poing au visage, ce coup de poing qui lui rappela sa force titanesque. Elle eut le mauvais réflexe de lâcher son arme, étourdie par la douleur, et de poser ses mains sur son nez et sa joue. Ravness se reprit assez tôt, évitant un violent coup circulaire de l'épée, et s'approchant de Roc, profitant de son déséquilibre pour le frapper à la gorge de la paume de sa main. Elle fit un pas en arrière avant de frapper le genou du chien d'un violent coup de talon... et saisissant enfin ce dernier par le col de son armure, elle mit tout son poids sur sa jambe gauche et souleva son énorme ennemi avant de le jeter au sol.
Plus que tout autre elle était endurante, mais face à une épée aussi meurtrière, elle ne prendrait pas le risque de subir un coup. Elle saisit sa hallebarde, l'arracha de l'armure qui la retenait et s'apprêta à exécuter son adversaire lorsqu'elle sentit ses jambes se dérober. Elle tomba lourdement sur le dos tandis que Roc se releva avec une énergie incroyable, brandissant son épée...
Il n'eut le temps de frapper qu'elle le menaça de sa hallebarde, frappant d'un coup d'estoc en sa direction depuis le sol, visant d'ailleurs ses mains. Il esquiva l'attaque et s'éloigna, la regardant se relever. Malgré les apparences, elle n'avait pas moins de force dans les bras que ce colosse.
Il s'approcha en courant, faisant danser sa claymore devant lui dans des gestes trop amples mais assez impressionnants pour qu'elle ne tente une parade trop risquée. Elle se contenta de dévier les coups comme elle le put, tentant à diverses reprises de frapper Roc, sans grands succès. Et c'est au moment où elle s'apprêtait à désarmer son adversaire que ce dernier s'immobilisa tandis qu'un craquement accompagna son inertie. Quelques secondes, elle fut si surprise par le net arrêt de Roc qu'elle crut qu'il l'avait touchée. Lorsqu'elle baissa les yeux sur son corps, elle ne vit aucune plaie... en revanche, en relevant légèrement le regard, elle vit une flèche plantée dans le torse de l'hybride.
Derrière cette cible, il y avait à une vingtaine de mètres un arc tendu par un homme qu'elle crut ne pas reconnaître, tant elle avait perdu l'habitude de le découvrir sous l'action... Robin des Bois. Ravness devina toutefois qu'un tel monstre ne ploierait pas, même en ayant reçu la plus terrible des flèches. La garde fit quelques pas en arrière à temps pour éviter un coup semi-circulaire de la claymore du soldat. Elle para les quelques coups qui suivirent, plus lents encore que tous les précédents avant qu'une nouvelle fois Roc ne fut interrompu par une deuxième flèche qui transperça son épaule.
Fronçant les sourcils, elle fut suffisamment attentive pour voir le bras du chien se relever doucement, promptement arrêté dans sa tentative par un troisième trait qui traversa son ventre.
La garde de la lumière cessa de regarder Roc, accordant toute son attention sur Robin des Bois. Celui-ci, sans plaisir, encocha lentement une flèche à son arc dont il tendit la corde, un oeil fermé et tira avec succès, infligeant au soldat son ultime flèche.
Roc était tombé. Elle n'aurait pu deviner qu'un des lieutenants du régent trouverait la mort aujourd'hui, mais c'était arrivé pour le meilleur et pour le pire. Bien sûr avant cela, le colosse avait tué quelques brigands, mais malgré tout, chacun savait que Roc était terrifiant. Dans la bataille, jamais elle n'aurait tenté un duel régulier contre lui à moins de ne pas avoir le choix... donc avec ou sans perte, la guerre à venir de son côté s'annonçait sous un jour meilleur. Elle en était certaine... Alpha n'aurait pas du sacrifier un si bon élément.
Avec cette agitation, elle se surprit à oublier qu'elle fut absente ce dernier mois.. et d'une certaine façon, cela l'aida à ne pas se sentir étrangère plus longtemps parmi les brigands. A sa façon, elle était rentrée après un long voyage.
Ravness s'approcha de Robin, alors que sa hallebarde disparaissait. Elle le salua d'un sourire à peine perceptible.
" Merci de votre aide, Robin. "
" Tous les regards étaient braqués sur vous ! Il me fallait un peu d'attention. "
Surprise par la plaisanterie d'un renard qu'elle n'avait connu que déprimé, elle rigola franchement avant d'acquiescer et de reprendre un ton plus neutre.
" Combien des nôtres a-t-il abattu ? "
" Je ne sais pas. "
Elle se tourna à moitié vers le corps de Roc, allongé proche de plusieurs autres. Ici il y avait déjà trois morts... Ce n'était pas un jour de fête, au contraire. Sans mal elle imaginait la soirée qu'ils passeraient tous devant quelques tombes fraiches. Elle regarda alors à nouveau le renard.
" Où est le shérif ? "
" Dans sa tente, comme toujours. "
La tente du shérif n'était pas aussi petite et inconfortable que celles de tous les autres brigands... puisqu'elle servait aussi, comme quelques autres, de lieu de réunions. En l'occurrence, c'était dans sa tente qu'ils avaient réfléchi la plupart de leurs plans d'attaque. Sans y être invitée, la garde pénétra dans la tente, dégageant de son passage l'un des pans de l'ouverture. Elle vit l'incroyable carrure de l'ours noir, encore plongée dans l'ombre mais dont les yeux relevaient la position.
" Alors, vous l'avez tué ? "
" Bonjour Shérif. "
" Ouais. Bonjour Command... "
" Dame Ravness, à présent. "
" Oh félicitations... Sachez que pendant que vous receviez une jolie médaille, ici on peinait à trouver de la nourriture et enterrions nos morts. "
" Je vous demande pardon ? "
Elle avait l'habitude d'un shérif bourru, franc et sévère mais il n'avait jamais été impoli envers elle jusque-là. Il ne répondit rien, se contentant d'approcher. Dans sa tente, il faisait si sombre qu'elle ne put distinguer très nettement son visage mais elle constata sa démarche titubante... et lorsqu'il parla...
" Oh non... "
Ravness détourna le regard d'un air dégoûté, tout en portant une main à son nez, couvrant ses narines quelques secondes.
" Vous êtes ivre. Il est à peine dix heures du matin... Avez-vous au moins dormi ? "
" Oui. Demandez à ma femme si vous ne me croyez pas. "
C'est d'un renvoi qu'il ponctua sa phrase, infligeant le plus mauvais jour de son haleine à la garde.
" Oh seigneur... Pitié, taisez-vous. "
Elle n'arriverait pas à sentir une autre odeur pour au moins une semaine suite à cette expérience. La garde faillit partir de suite avant que ses yeux ne se posèrent sur l'un des bras du shérif, immobile malgré tous les gestes agités du soldat. Kefka l'ignorait mais ses attaques avaient plus que sonné l'ancien shérif du Prince Jean... Il ne sentait quasiment plus son bras gauche, et souffrait énormément, lui avait-on dit juste après le soir de la crémation du Prince Jean.
" Le Régent a nommé un nouveau shérif : Le lévrier. En voilà un que j'aurais du vous laisser abattre... "
" Là-dessus nous sommes d'accord... Cependant je doute que l'alcool soit une bonne chose pour vous. "
" V... vous ne buvez jamais, j'imagine ? "
" Ca m'arrive mais... Jamais dans mon service. "
" Oh... mais je ne suis plus un militaire, je suis un rebelle maintenant... et..."
" Ne dîtes plus rien. J'apprécie très moyennement que vous vous laissiez aller ainsi... alors aujourd'hui je vais vous permettre de décuver dans cette sombre tente infâme en paix. Mais jusqu'à notre victoire sur Kefka, vous avez l'ordre le plus strict de ne jamais plus vous adresser à moi dans cet état. "
Son ton était calme et pourtant, il y avait une pointe de colère dans ses yeux. Dans le chateau de la lumière, elle n'aurait jamais accepté le moindre écart de ce genre. En premier lieu, boire à l'excès va à l'encontre même du but défendu par les gardes, soit rester vigilant de jour comme de nuit... Ensuite, s'adresser à son supérieur hiérarchique sans être présentable était pour la dame tout simplement inacceptable.
Chaque jour suffit sa peine. Si le dicton disait vrai, elle n'avait pas à espérer grand chose de franchement productif de la part des brigands pour ce grand jour de son retour, maintenant que Roc, l'un des terribles soldats de Kefka, avait trouvé la mort ici-même. Soit... Elle ne comptait pas insister. Néanmoins elle leur ferait payer leur fainéantise le lendemain, ainsi que tous les lendemains à venir, elle pouvait le promettre.
Durant ce mois, les choses ne furent pas toutes agréables. A vrai dire, elle avait reçu de nouvelles blessures pour lui faire oublier le poison qui avait rongé son corps de l'intérieur... et qui avait laissé comme seule trace une interdiction formelle du docteur de manger des aliments trop acides.
Ce fut sur l'un de ses sentiers qu'elle se trouvait ce jour-là.
Sur la route était renversé un chariot dont les vitres et les roues étaient brisées comme rompus par la charge d'un taureau. Et loin du carrosse galopaient deux chevaux paniqués, partant loin du danger et de tout. Dame Ravness se trouvait accroupie près du chariot, mettant dans son sac imposant trois épées rangées dans leur fourreau. C'est parce que je vous le dis qu'elle était reconnaissable mais à vrai dire aucun de ses cheveux ne tombaient devant son cou, et son visage était légèrement dissimulé, tout cela grâce à la capuche de sa cape grise, celle-ci recouvrant autant son crane que son corps. Néanmoins l'on distinguait sa petite taille et bien sûr les reliefs de son armure dessinés sur sa cape, typique d'une brigande.
La garde fit disparaître sa propre épée après l'avoir essuyée dans l'herbe... et regarda distraitement les trois corps à terre, baignant dans leur sang, pour la plupart morts assez violemment de sa main. Elle laissa son sac derrière elle et s'approcha des cadavres, le visage froid, comme dénué de toutes émotions. Difficile en temps de guerre de différencier un pêché d'un devoir, si la bataille est livrée au nom de la liberté et de la paix. Qu'on la juge de mauvaise foi ne l'importait pas... c'était davantage une question qu'elle se posait vis-à-vis de Dieu. Et après avoir tué ces trois hommes, ces trois gardes, elle jugea tout aussi utile pour la guerre de prendre les munnies qu'il transportait...
Après avoir glissé la bourse dans sa besace, elle mit celle-ci à son dos et marcha à pas rapides sur le sentier... sur lequel elle trouva rapidement Beth, dont les rênes étaient attachées à un arbre. Pour une raison qu'elle ignorait, le chariot était vide... Sans doute avait-il déposé son contenu plus tôt et rentrait-il au bercail.
Ce n'était pas grave, se dit-elle. Les brigands ne feraient plus l'erreur de piller la nourriture transportée par les chariots de Kefka. Ainsi ils ne seraient pas tentés.
Elle se mit en selle et partit au trot vers le campement dans le silence le plus total. Elle n'avait pris dans son sac ni vêtements ni vivres, jugeant plus utile d'apporter bandages, médicaments et antibiotiques en nombre aux médecins du camp. Les infirmières de la lumière avaient été jusqu'à accepter de lui céder quelques tubes de morphine.
Ravness ne pensa à rien d'autre sur le trajet qu'à Kefka et ses actes durant son absence. Avait-il davantage meurtri cette terre ? Les brigands étaient-ils même en vie ? Elle avait reçu des nouvelles trois jours auparavant mais mieux que personne, elle savait que beaucoup pouvait être fait contre autrui en septante-deux longues heures.
La garde de la lumière était à quelques centaines de mètres quand elle entendit un cri... Cet hurlement la fit partir au quart de tour, frappant Beth de ses talons et criant à son encontre "Yah !" pour la propulser au galop, se ruant à toute vitesse vers le campement caché derrière les sapins. Faisant, malgré sa précipitation, bien attention de passer par l'un des chemins non pas truffés de pièges mais parsemés de brigands cachés et surveillant les alentours. Elle entendit malgré elle le signal des brigands, semblable au hululement d'une chouette pour s'avertir entre eux de l'arrivée d'un étranger. Ravness ne savait que trop bien que si elle continuait sa poursuite sans s'annoncer, elle serait abattue sans la moindre sommation, criblée de flèches... Aussi, sans ralentir, elle fit un geste de la tête en arrière pour faire tomber sa capuche, dévoilant son visage fin et ses cheveux argentés qui suffiraient à la distinguer d'un inconnu.
Elle se faufila entre quelques sapins et galopa dans le campement même, paralysé par une peur inexpliquée. Ils regardaient tous dans la même direction, immobiles, tels des animaux surpris par un bruit, sans faire attention à son arrivée. Beth la mena jusqu'à la source du cri, guidée par les yeux des brigands et des familles de ceux-ci.
Et c'est en voyant des hommes se battre très violemment que sans même les identifier, Dame Ravness arrêta son cheval et en descendit d'un bond, faisant apparaître sa hallebarde dans sa main tout en lâchant son sac qui s'écrasa à terre.
Ce n'était pas un exercice, plus de doute... Les quelques corps au sol, corps des brigands de la forêt, attestaient de la violence de l'attaque. Et c'est pour cela qu'au lieu de regarder le combat directement offert à ses yeux, elle chercha autour d'elle la présence d'ennemis. Il n'y avait personne... qu'un seul attaquant.
Elle le reconnut de suite, sous ses deux mètres et sa carrure absolument terrifiante. Ravness s'était faite salement rossée par ce dernier, la première fois qu'elle le vit et... elle était entrée dans sa tête pour tuer plusieurs gardes le jour de la fausse crémation, à leur deuxième rencontre. Aujourd'hui il était là, telle une araignée se défendant d'une centaine de fourmis... Mortelle mais condamnée. Il ne pouvait penser avoir une chance de survivre...
Une rage s'empara d'elle. Elle ne lui laisserait pas la chance d'emporter davantage de rebelles dans sa tombe. Et c'est ainsi que Ravness se mit à courir, certes assez peu rapide mais profitant de la distraction de Roc, le colosse canin... et arrivée à ses côtés, elle fit un petit bond en avant et frappa le molosse d'un coup de genou dans le ventre, le repoussant de ses adversaires actuels quelques secondes. Elle fit tourner sa hallebarde dans ses mains une longue seconde et se mit en garde, pointant le toutou du régent de la pointe de son arme.
" Toi ! T'étais pas partie ?! "
Elle ne répondit pas, regardant du coin de l'oeil les quelques brigands à ses côtés, à qui elle demanda de s'éloigner d'un geste de la tête.
" Alpha oubliera pas ce que j'ai fait si je te tue. "
" Tu veux mourir pour la gloire ? "
" J'y ai droit ! "
Il brandit son immense épée batarde et l'abattit dans sa direction. Certes elle était lente mais il l'était tout autant, aussi elle put parer sans trop de difficultés d'un bref coup d'hallebarde dans les airs, déviant l'arme et frappant le bull-dog du bout contondant de l'arme, le surprenant assez bien. Elle attaqua avec assez de violence mais fut retenue par la lourde armure du soldat dans laquelle se planta nette sa hallebarde. Elle fut éloignée par un violent coup de poing au visage, ce coup de poing qui lui rappela sa force titanesque. Elle eut le mauvais réflexe de lâcher son arme, étourdie par la douleur, et de poser ses mains sur son nez et sa joue. Ravness se reprit assez tôt, évitant un violent coup circulaire de l'épée, et s'approchant de Roc, profitant de son déséquilibre pour le frapper à la gorge de la paume de sa main. Elle fit un pas en arrière avant de frapper le genou du chien d'un violent coup de talon... et saisissant enfin ce dernier par le col de son armure, elle mit tout son poids sur sa jambe gauche et souleva son énorme ennemi avant de le jeter au sol.
Plus que tout autre elle était endurante, mais face à une épée aussi meurtrière, elle ne prendrait pas le risque de subir un coup. Elle saisit sa hallebarde, l'arracha de l'armure qui la retenait et s'apprêta à exécuter son adversaire lorsqu'elle sentit ses jambes se dérober. Elle tomba lourdement sur le dos tandis que Roc se releva avec une énergie incroyable, brandissant son épée...
Il n'eut le temps de frapper qu'elle le menaça de sa hallebarde, frappant d'un coup d'estoc en sa direction depuis le sol, visant d'ailleurs ses mains. Il esquiva l'attaque et s'éloigna, la regardant se relever. Malgré les apparences, elle n'avait pas moins de force dans les bras que ce colosse.
Il s'approcha en courant, faisant danser sa claymore devant lui dans des gestes trop amples mais assez impressionnants pour qu'elle ne tente une parade trop risquée. Elle se contenta de dévier les coups comme elle le put, tentant à diverses reprises de frapper Roc, sans grands succès. Et c'est au moment où elle s'apprêtait à désarmer son adversaire que ce dernier s'immobilisa tandis qu'un craquement accompagna son inertie. Quelques secondes, elle fut si surprise par le net arrêt de Roc qu'elle crut qu'il l'avait touchée. Lorsqu'elle baissa les yeux sur son corps, elle ne vit aucune plaie... en revanche, en relevant légèrement le regard, elle vit une flèche plantée dans le torse de l'hybride.
Derrière cette cible, il y avait à une vingtaine de mètres un arc tendu par un homme qu'elle crut ne pas reconnaître, tant elle avait perdu l'habitude de le découvrir sous l'action... Robin des Bois. Ravness devina toutefois qu'un tel monstre ne ploierait pas, même en ayant reçu la plus terrible des flèches. La garde fit quelques pas en arrière à temps pour éviter un coup semi-circulaire de la claymore du soldat. Elle para les quelques coups qui suivirent, plus lents encore que tous les précédents avant qu'une nouvelle fois Roc ne fut interrompu par une deuxième flèche qui transperça son épaule.
Fronçant les sourcils, elle fut suffisamment attentive pour voir le bras du chien se relever doucement, promptement arrêté dans sa tentative par un troisième trait qui traversa son ventre.
La garde de la lumière cessa de regarder Roc, accordant toute son attention sur Robin des Bois. Celui-ci, sans plaisir, encocha lentement une flèche à son arc dont il tendit la corde, un oeil fermé et tira avec succès, infligeant au soldat son ultime flèche.
Roc était tombé. Elle n'aurait pu deviner qu'un des lieutenants du régent trouverait la mort aujourd'hui, mais c'était arrivé pour le meilleur et pour le pire. Bien sûr avant cela, le colosse avait tué quelques brigands, mais malgré tout, chacun savait que Roc était terrifiant. Dans la bataille, jamais elle n'aurait tenté un duel régulier contre lui à moins de ne pas avoir le choix... donc avec ou sans perte, la guerre à venir de son côté s'annonçait sous un jour meilleur. Elle en était certaine... Alpha n'aurait pas du sacrifier un si bon élément.
Avec cette agitation, elle se surprit à oublier qu'elle fut absente ce dernier mois.. et d'une certaine façon, cela l'aida à ne pas se sentir étrangère plus longtemps parmi les brigands. A sa façon, elle était rentrée après un long voyage.
Ravness s'approcha de Robin, alors que sa hallebarde disparaissait. Elle le salua d'un sourire à peine perceptible.
" Merci de votre aide, Robin. "
" Tous les regards étaient braqués sur vous ! Il me fallait un peu d'attention. "
Surprise par la plaisanterie d'un renard qu'elle n'avait connu que déprimé, elle rigola franchement avant d'acquiescer et de reprendre un ton plus neutre.
" Combien des nôtres a-t-il abattu ? "
" Je ne sais pas. "
Elle se tourna à moitié vers le corps de Roc, allongé proche de plusieurs autres. Ici il y avait déjà trois morts... Ce n'était pas un jour de fête, au contraire. Sans mal elle imaginait la soirée qu'ils passeraient tous devant quelques tombes fraiches. Elle regarda alors à nouveau le renard.
" Où est le shérif ? "
" Dans sa tente, comme toujours. "
La tente du shérif n'était pas aussi petite et inconfortable que celles de tous les autres brigands... puisqu'elle servait aussi, comme quelques autres, de lieu de réunions. En l'occurrence, c'était dans sa tente qu'ils avaient réfléchi la plupart de leurs plans d'attaque. Sans y être invitée, la garde pénétra dans la tente, dégageant de son passage l'un des pans de l'ouverture. Elle vit l'incroyable carrure de l'ours noir, encore plongée dans l'ombre mais dont les yeux relevaient la position.
" Alors, vous l'avez tué ? "
" Bonjour Shérif. "
" Ouais. Bonjour Command... "
" Dame Ravness, à présent. "
" Oh félicitations... Sachez que pendant que vous receviez une jolie médaille, ici on peinait à trouver de la nourriture et enterrions nos morts. "
" Je vous demande pardon ? "
Elle avait l'habitude d'un shérif bourru, franc et sévère mais il n'avait jamais été impoli envers elle jusque-là. Il ne répondit rien, se contentant d'approcher. Dans sa tente, il faisait si sombre qu'elle ne put distinguer très nettement son visage mais elle constata sa démarche titubante... et lorsqu'il parla...
" Oh non... "
Ravness détourna le regard d'un air dégoûté, tout en portant une main à son nez, couvrant ses narines quelques secondes.
" Vous êtes ivre. Il est à peine dix heures du matin... Avez-vous au moins dormi ? "
" Oui. Demandez à ma femme si vous ne me croyez pas. "
C'est d'un renvoi qu'il ponctua sa phrase, infligeant le plus mauvais jour de son haleine à la garde.
" Oh seigneur... Pitié, taisez-vous. "
Elle n'arriverait pas à sentir une autre odeur pour au moins une semaine suite à cette expérience. La garde faillit partir de suite avant que ses yeux ne se posèrent sur l'un des bras du shérif, immobile malgré tous les gestes agités du soldat. Kefka l'ignorait mais ses attaques avaient plus que sonné l'ancien shérif du Prince Jean... Il ne sentait quasiment plus son bras gauche, et souffrait énormément, lui avait-on dit juste après le soir de la crémation du Prince Jean.
" Le Régent a nommé un nouveau shérif : Le lévrier. En voilà un que j'aurais du vous laisser abattre... "
" Là-dessus nous sommes d'accord... Cependant je doute que l'alcool soit une bonne chose pour vous. "
" V... vous ne buvez jamais, j'imagine ? "
" Ca m'arrive mais... Jamais dans mon service. "
" Oh... mais je ne suis plus un militaire, je suis un rebelle maintenant... et..."
" Ne dîtes plus rien. J'apprécie très moyennement que vous vous laissiez aller ainsi... alors aujourd'hui je vais vous permettre de décuver dans cette sombre tente infâme en paix. Mais jusqu'à notre victoire sur Kefka, vous avez l'ordre le plus strict de ne jamais plus vous adresser à moi dans cet état. "
Son ton était calme et pourtant, il y avait une pointe de colère dans ses yeux. Dans le chateau de la lumière, elle n'aurait jamais accepté le moindre écart de ce genre. En premier lieu, boire à l'excès va à l'encontre même du but défendu par les gardes, soit rester vigilant de jour comme de nuit... Ensuite, s'adresser à son supérieur hiérarchique sans être présentable était pour la dame tout simplement inacceptable.
Chaque jour suffit sa peine. Si le dicton disait vrai, elle n'avait pas à espérer grand chose de franchement productif de la part des brigands pour ce grand jour de son retour, maintenant que Roc, l'un des terribles soldats de Kefka, avait trouvé la mort ici-même. Soit... Elle ne comptait pas insister. Néanmoins elle leur ferait payer leur fainéantise le lendemain, ainsi que tous les lendemains à venir, elle pouvait le promettre.