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Étendu sur le sol de sable gris, Black Tears releva sa tête en toussant, crachant un peu de cette matière gravillonneuse desséchée. Frottant ses yeux de ses protubérants membres, pour ouvrir sa vue sur le paysage qui l'entourait. C'était exactement le même endroit, rien n'avait changé, c'était comme si cette espèce de catastrophe surnaturelle n'avait pas eu lieu. Toujours cette même zone stérile. Quelque chose ne tournait pas rond dans cette étrange place. Comment ce qu'il reste d'un monde pouvait être aussi animé par des phénomènes tous aussi invraisemblables ? Cela devait forcément être l’œuvre de quelque chose, voir de quelqu'un, qui se trouve être particulièrement puissant au fond de l'abîme des Ténèbres.
La brise commençait à souffler et à faire vibrer les feuilles d'une végétation à l'agonie. Ce souffle soudain n'avait rien de normal, on pouvait entrevoir des sortes de vagues sombres dans l'air, pareil à un nuage noir se dispersant autour de lui. Le félin égaré alla en direction de la source de cet alizé. Pourtant, il avait l'impression de ne pas bouger. Soit cette plage était immense, soit la logique de cette région l'empêchait d'aller dans la direction qu'il souhaite. En continuant, il percevait une silhouette difforme, le lourd aquilon nébuleux empêchait de la distinguer correctement. C'est à ce moment que le zéphyr se transforma littéralement en bourrasque. Arrivant tel une claque, le jeune homme se fît balayer quelque mètres en arrière pour retomber sur le sablon. Les grains s'envolaient pour obliger le morose dérouté à détourner son regard. Une silhouette. Il voulait voir de qui il s'agissait, il voulait voir qui était à l'autre bout de cette plage. La forme au loin semblait grandir. Elle était si proche du Compagnon, tandis que celui-ci rampait à moitié aveugle. C'est véritablement lorsque cette personne est apparue qu'un sentiment furieux a envahie le corps du garçon, pareil à un éclair le traversant. Une nostalgie violente, un joyeux chagrin, une colère brûlante.
Lorsqu'il arriva près de cette insolite, il pouvait la discerner. C'était une fille, peut-être dix-huit ou dix neuf ans. De dos, elle avait de longs cheveux châtains et portait un ensemble rose. Les mains se joignant vers l'arrière, elle semblait admirer le ciel. Qu'attendait-elle ? Il n'y avait rien ciel dans cet azure éteint. On aurait dit qu'elle se languissait, comme si quelque quelque chose allait tomber du ciel. Elle ne se souciait pas de la tempête environnante, ce n'était pour elle qu'une brise de bord de mer emportant quelques mèches de sa chevelure dans le parfum acre maritime. La demoiselle se retourna, elle avait remarquée la présence d'Ikaru et... Elle se métamorphosa dans un son légèrement aigu et agréable. Black Tears n'en revenait pas, il était sidéré devant cette nouvelle apparition. La bouche entre-ouverte, les lèvres tremblotantes. Son regard stupéfait, coi, il était de marbre, il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire.
« L... tentant de s'exprimer devant l'émotion qui le bouleversait. Lé... Lénore ? »
Sa bien-aimée, celle pour qui il vivait, celle pour qui il avait sombré dans le désespoir pour la retrouver un jour. Elle était là, devant lui. Elle avait toujours cette épaisse chevelure blanche comme neige aux boucles sans fins. Ce petit teint halé et ses yeux lilas pétillants. Le souvenir agréable qu'il conservait enfermé à double tour dans le coffre de son coeur. Elle ne souriait pas, ne fixait même pas son ancien amant. Elle tendait la main devant elle, le jouvenceau tenta de l'attraper, or le typhon était encore trop puissant pour parvenir jusqu'à elle. Les lèvres de la nymphe se mirent à bouger. Cependant, il n'entendait rien à cause du brouhaha ambiant. Il n'y arrivait pas. De toutes ses force il essayait de se rapprocher et d'attraper cette main, de lui répondre et de la serrer dans ses bras, de l'embrasser et de l'aimer. Non, il était encore trop faible pour ça. Il ne pouvait se contenter que de l'admirer et de la convoiter, avec uniquement ses yeux pour pleurer. Sanglotant, la tête contre le sol, les larmes collant les grains de sable sur son visage. Il hurlait. C'était une véritable torture. Tout ce qu'il voulait c'était la revoir et vivre comme avant. Mais tout ça était impossible, le destin les empêche, fatalité qui les a séparés.
Ils passèrent plusieurs minutes dans ce tableau ci. L'une énigmatique inaccessible, l'autre désemparé implorant. Soudainement, un tremblement se fît sentir, plusieurs secousses sismiques à répétition, frénétiques. Le temps s'arrêta brusquement une seconde, le regard attristé vermeil du jeune homme se posant une dernière fois sur sa belle, avant de sceller cette dernière rencontre. Une éruption de sable balaya ce spectacle à l'emplacement de Lénore, alors qu'elle disparaissait dans une nuée opalescente. Son galant propulsé à plusieurs mètres de là en criant son nom :
« LÉNORE ! »
Une nouvelle apparition incongrue fît son entrée dans la lourde tempête de sable. C'était quelque chose de long qui s'extirpait de terre à en juger par l'imposante masse qui s'échappait et filait. Des écailles mauves et le ventre rose pâle, la chose présenta sa gueule béante pleine de crocs au chat errant, une bouche suintant de bave et d'un épais liquide parme qui jaillissait presque des canines. Il n'eut pas le temps de réagir et ne fît que dégringoler sur le côté devant la force du monstre qui se trouvait face à lui, se cognant contre une parois de terre, alors que la créature vit sa tête rebondir. Des yeux injectés de sang lorgnant sa proie, du souffre sortant de ses narines, des cornes encadrant son visage féroce. Le voilà donc, Yamata No Orochi, celui qui avait prêté main forte à Black Tears, apparaissant pour l'attaquer. Reptile avili qu'il était. Sifflant de cette langue fourchue pareil à un diable, il se tourna vers l'endroit où avait atterrit sa victime. Prenant de l'élan, le basilique préparait son assaut, mais une main géante survint devant lui pour décocher un coup de poing ravageur sur le museau, l'envoyant honnir un peu plus loin. Émergeant des buissons asséchés, le Compagnon haletait fortement, il attrapa son écharpe et s'en débarrassa. Elle commençait à brûler et à se dissoudre d'elle même dégageant une épaisse vapeur toxique, en effet, les sécrétions projetées par le serpent géant étaient plus qu'acide.
« C'est bien toi, le Poison en personne. s'exclama-t-il au saurien. Tes petites souillures de pacotilles sont inefficaces contre moi ! Nous allons voir qui est le plus dangereux d'entre nous. »
À peine avait-il terminé son speech que le serpent se mit à se tortiller la tête de droite à gauche dans de grands craquements. Des espèces de crochets sortirent du long de sa carapace violacée. Par réflexe, le félin fit quelques bonds en arrières tandis que la cuirasse pourpre s'abattit sur le sol, tentant de l'embrocher par la même occasion. Une successions de lueurs bleuâtres brillaient sur le bras du triste résolu alors qu'il tentait d'esquiver les charges écrasantes de son colossal ennemi. Chaque plaquage lui envoyait une bourrasque de sable, malgré le bref instant aveugle il avait assez de réflexes pour s'en évader, heureusement elles étaient assez lentes. Néanmoins, l'animal hominidé avait pleinement conscience de son extrême faiblesse, de sa fragilité, une seule attaque de ce genre pouvait le tuer instantanément. En roulant en arrière, il utilisa plusieurs sorts aquatiques de moyenne puissance sur le serpent, mise à part l'assommer moins d'une seconde, cela n'avait pas grand effet, alors que celui-ci vociférait un hurlement bestiale, obligeant l'humanoïde à mettre ses pattes sur ses oreilles. La queue de la guivre géante glissa vélocement vers lui et il se vit propulser un peu plus loin sur la sinistre plage grise dans un râlement de douleur. Black Tears ne pouvait plus bouger, son buste parsemés de vilaines craquelures sur le point d'éclater en milles morceaux. Le reptile chargeait dans sa direction. Il voyait arriver sa fin dans la mélodie atroce des clameurs monstrueuses. Il tendait le bras vers l'avant dans une douleur immense, un ultime geste de tourment. L'amalgame d'une bataille acharnée entre deux abominations. Et alors que serpent était près à l'engloutir autant de par sa puissance écrasante que par sa gueule béante aux crocs acérés envenimés, les yeux d'Ikaru prirent une teinte onyx, son regard écarquillé par la tentative désespérée d'un chasseur voulant à tout prix exterminé sa proie autant par fierté que par survie. Une chapelet de piques glacées apparurent subitement pour venir empaler le haut du corps de cette copie de dragon, provoquant de sa part des railleries effroyables, ces-dernières se mirent aussitôt à briller là ou elles transperçaient la chair reptilienne, provoquant des étoiles de gel aux extrémités perçantes, semblable à des pissenlits emprisonnés par l'hiver, teintés du sang surnaturel de l'horreur. Il s'abattit lourdement non loin du félin, une carcasse sans vie. Celle-ci se mit soudainement à se consumer dans des flammes pourpres, brûlant la chair, ne laissant ni les os ni la chair. Un épais nuage noir malsain à l'odeur pestilentielle s'échappait du cadavre embrasé, s'envolant vers les tristes cieux embrumés, disparaissant dans l'horizon pour abandonner son enveloppe tandis que ce qu'il avait revêtu pour attaquer son propre soldat faisait flamboyer et étinceler la glace pareil à l'aurore rayonnant sur une neige pure et ignée.
Ce mal avait été vaincu, pourtant il allait revenir, c'était certains. La vue du Compagnon était toujours sous l'influence de son propre poison. Essoufflé et affamé. Il savait que ce n'était qu'une mue, défaillant aux attentes de son maître, Yamata No Orochi allait revenir encore et encore, jusqu'à ce que son combattant jugé trop faible tombe une bonne fois pour toute. Néanmoins quelque chose le préoccupait plus qu'autre chose : quel était cette attaque qui avait achevé la créature ? Le jeune homme voulait utiliser le virus pour se défendre et un sortilège de glace ne se lance pas de cette façon et encore moins aussi efficacement. L'adolescent se releva très difficilement, des fins morceaux de verre provenant de son corps s'abandonnant sur le sol, n'y parvenant pas, il retomba, à genoux, ses mains protubérantes sur son abdomen. Le souffle très court, ses oreilles félines se mirent à bouger frénétiquement. Des bruits de pas qui se rapprochaient.
« Eh bien eh bien, tu es en bien mauvais état mon chaton. »
La voix d'une femme, sirupeuse avec une pointe de malfaisance. Les ondulations du mondes montraient cette personne comme une apparition très floue. En se rapprochant, elle se distinguait plus clairement. De longs cheveux bruns, noir -de-jais, arrivant jusqu'à son bassin, pris dans le vent mauvais de ce monde décédé, lui offrant une arrivée gracieuse autant dans sa démarche que dans son allure. Plus courts sur son visage, dégradés, offrant un cadre travaillé à un visage aux traits doux dont la peau pâle était comparable à la neige. Un regard captivant et cupide, la couleur améthyste de ses yeux trahissaient ce bel écrin qui paraissaient si bienveillante pour ne révéler que son cœur était plongé dans les abysses les plus sombres, même la Fin des Mondes n'était rien face à la noirceur de son âme. Un petit nez surplombant des fines lèvres féminines au teint légèrement rosé, n'étant là que pour cracher plus de venin que le monstre qui était là précédemment malgré son élégance. Cette intrigante était vêtue d'un ensemble assez particulier et très irrégulier. Un habillement qu'on pourrait comparé à ceux utilisés dans la Terre des Dragons. Un corset couvrant de la soie rose clair par des bandes de cuir ébènes, des plaques métalliques entourant son bassin et agrémentant les bordes par de la fourrure foncée, scellant le tout par un lacet allant du nombril au haut de sa poitrine. Un uniforme bien court, car il laissait apparaître les longues jambes de la demoiselle, or derrière elle plusieurs bandes d'étoffe assez solides dans les mêmes tons recourbées virevoltaient de concert au rythme de ses pas, très esthétique, comparable à un paon. Elle portait un juste-au-corps noir en dessous de cela, allant jusqu'à son cou. Son bras gauche était habillé d'une manche du même rosâtre, bardée de quelques rayures plus claires, très ample, ressemblant à une poire, mettant en avant son épaule pareil à un col et refermé par un cordage au niveau de son poignet, celle-ci était maintenu par une broche argentée, représentant trois hexagones dans lesquels sont gravés une fleur de cerisier. Son bras gauche lui, arborait un épaulière entourée de la même toison que son corset, le tissu et les bandes de cuir également, ornant un pompon duveteux maintenu par une mousseline magenta, l'avant-bras pourvu d'un gantelet noir, toujours fourré aux extrémités, également paré d'une houppe du même coloris. Des sandales dont les mi-bas arrivaient jusqu'à ses genoux et équipées de plaques de jambières laineuses et bardées d'aigrettes. Cette fille à la toilette étrange, ne présageait rien de bon. Elle dégageait une aura si nocive. Mais c'était, aussi étrange soit-il, une sensation familière.
« Tu as grandi depuis l'Élégie de la Lune, dit-elle attendant presque la réaction prévisible de son interlocuteur. Tu n'étais alors qu'un chaton et tu as veillé sur nous deux. Mais maintenant, il est temps pour moi et ma chère sœur de nous retrouver, comme elle l'a toujours voulue. - Mais qu'est-ce que... le félin expectorait avec force comme si tout son être allait sortir de sa bouche. Qui es-tu et que me veux-tu ? Comment sais-tu autant de choses ?! - En plus d'être un chat faible, tu es un chat stupide, elle s'approcha de lui, celui-ci reculait autant qu'il le pouvait mais les mains blafardes de la belle vinrent toucher le visage du garçon. Shhhhhhh, calme-toi. Je ne suis pas là pour te faire du mal. Je vais juste libérer quelqu'un qui souffre pour nous deux, qui éprouve une trop grande peine. - Qu'est-ce que tu veux dire... ? - Nous sommes enfin là, tous les trois. Ikaru, moi et Lénore. - Lénore ?! il fît un bon en arrière, or sa blessure grave le rattrapa très vite et il se retrouva de nouveau genoux contre terre. Non... Ça ne peut pas être toi ! C'est à cause de toi qu'elle n'était plus elle-même, elle... - Je suis devenu elle. Une première fois quand les ténèbres ont dévorés notre maison, je lui tenais compagnie alors qu'elle était condamnée à mort, dans les ombres et la souillure d'une prison, à cause de moi... Puis il y a eu, ce grand jardin. Où je devrais plutôt dire une autre geôle. Ils ont tentés de me ramener alors que j'étais réunie avec ma tendre sœur. Son cœur était bien trop instable pour elle à ce moment là et il s'est réfugié ailleurs. elle pointa Black Tears du doigt. - Lénore... Elle... Est en moi ? - En effet et j'aimerais la récupérer s'il te plaît... - Non ! Je ne te laisserais me prendre Lénore ! - Viens avec moi, je connais un moyen de nous la rendre à tous les deux, c'est d'ailleurs sans doutes pour ça que tu te trouves ici en si bonne compagnie. Tu n'aurais pas fait tant d'efforts si ce n'était pas pour la récupérer. - D'accord... dit-il les larmes commençant à le gagner. »
Elle attrapa le félin par la main et l'aida à marcher. Bien que cette femme affirmant être la sœur de sa bien aimée et l'ai aidée quelque peu, il n'arrivait toujours pas à lui faire confiance, alors que celle-ci souriait d'un ton extrêmement posé. Ils marchèrent plusieurs minutes, faisant le tour du lagon, mais rien ne semblait indiquer une quelconque sortie. Plusieurs questions bousculaient l'esprit d'Ikaru. Comment est-elle arrivée ici ? Comment l'a-t-elle retrouvé ? Comment savait-elle tout ça ? Et quel était ce fameux moyen de retrouver Lénore ? Elle déposa l'animal un instant pour reprendre son souffle, tout en admirant les divers horizons à la recherche d'une issue. Il ne pouvait s'empêcher de se méfier, comme un si un danger était imminent malgré le parfum de lavande agréable que cette dernière dégageait. Elle se retourna et l'horreur vint s'installer sur le visage de Black Tears. Les yeux de la jeune femme étaient teintés de noir, pareil à lui. Des éclaboussures insidieuses derrière elle laissèrent apparaître plusieurs mains imposantes. L'une d'elle se précipita sur le chat atterré pour le saisir. L'étreinte le resserrant rouvrant ses blessures, les aggravant.
« Pourquoi ?! Pourquoi tu fais-ça ?! Je croyais qu'on devait retrouver Lénore ! criait-il. Et comment peux-tu faire ça ?! Comment peux-tu être une infectée ?! C'est moi... Le seul maudit ! - Le seul moyen de le faire est de me débarrasser de toi... J'ai toujours voulu le faire... une rancœur encrée parlant d'elle-même, accompagnée des mains avides de la jalousie et de l'odeur de la mort. Tu as toujours été son centre d'attention et ce n'est pas quand quelqu'un est mort que l'on peut de nouveau s'intéresser à lui comme si de rien n'était ! C'est MA sœur ! Et elle n'appartient qu'à moi ! De plus, la bénédiction qui t'a offert un tel pouvoir ne t'était pas destiné. JE suis l'origine, JE suis le premier hôte d'une telle folie, du mal qui va se répandre sur les mondes ! Tu n'es qu'un dommage collatéral. - Ce n'est pas ma faute ! Tu as toujours été comme ça ! l'entrave l'étranglait de plus en plus. Lénore ne voulait pas de toi car tu étais cruelle ! À cause de toi j'ai souffert ! Nous avons tous éprouvés ta démence ! Tu es le mal incarné ! - Ce n'est pas vrai ! Tu n'as pas besoin de le savoir, insolent, tu ne comprends rien... Je vais te faire payer tes paroles avant de t'offrir une fin affreuse ! »
De grands bruits de verre brisé résonnaient sur les lieux, au même titre que les cris de tiraillements du félin. C'était la fin, il le sentait, son corps n'en pouvait plus, il allait se briser en milles morceaux. Affichant une mine désespéré, il songeait à tout ce qu'il avait fait. Rien de bien, rien qui aurait plût à Lénore, même si ça avait pour la sauver. Et alors qu'une fine lumière commençait à s'échapper des toutes les fissures, pareil à une aurore boréale, aveuglante et magnifique, digne d'une fin, il fixa sa détractrice, d'un regard satisfait et défiant avant de lui dire :
« J'ai toujours aimé Lénore... On dirait que ce n'est pas ton cas... - ASSEZ ! »
Elle fît un large mouvement de bras et la main écrasa ce qui avait été un animal de compagnie auparavant. Un dernier brisement éclata, Black Tears n'était plus. La lumière qu'il dégageait ne cessait pas. Son regard vide, son être brisé de part en part. Les mains sombres disparurent et la demoiselle laissa retomber le cadavre de l'animal sans aucune considération. Ses yeux redevinrent normaux et des pas sur le sable gris rejoignaient la dépouille. Elle se mit à genoux, tendant les bras vers les cieux, arrachant une vie pour en accueillir une nouvelle de façon grandiloquente.
« Viens ma sœur ! Viens ! Rejoins ce corps qui est le tient et vivons ensemble pour toujours ! »
La lueur du macchabée s'estompait pour ne devenir que plus intense au niveau du torse de ce qui n'était plus qu'une coquille vide malade, laissant échapper un cœur, pur et chatoyant. Celui-ci se dirigea lentement vers celle qui réclamait cette entité, celle qui voulait plus que tout retrouver cet être chère. Pénétrant doucement dans sa poitrine, les bras de la nymphe maléfique accompagnaient ce mouvement, ce rituel, ce miracle. C'était une sensation chaude et agréable, très réconfortante, comparable à quelqu'un qui nous enlacerait de tout son amour.
« Enfin ma sœur, nous sommes ensembles... elle fermait les yeux et un silence solennel s'installa, apaisée d'un long voyage qui ne voulait pas se terminer. Mais qu'est-ce que tu... la chaleur s'intensifiait de plus en plus pour ne plus devenir que douleur. N-non ! Lénore qu'est-ce que tu fais ? Tu ne veux pas être avec moi ?! une autre partie d'elle-même perdait de sa consistance, elle le sentait, son propre cœur se faisait détruire par celui de Lénore. Non... Non ! Nooooooooon ! Lénoooooooooore ! Ne m'abandonne pas ! Ne me rejette pas ! »
Perturbée et harcelée, elle poussa un long cri d'affliction, qui en faisait trembler les environs. Elle avait sous-estimer la cœur de sa propre sœur et ne pensait pas qu'il pourrait prendre le dessus. Tiraillée par une douleur intense dans sa poitrine et cette impression affreuse que sa tête va exploser. Elle finit par s'évanouir, inconsciente et en proie avec sa propre identité.Lorsqu'elle rouvrit les yeux, c'était comme une façon différente de voir les choses. La jeune femme ne se sentait pas à l'aise, autant dans ses mouvements que dans son enveloppe charnelle. La brume de ses yeux s'estompaient et c'est comme si elle voyait cette plage pour la première fois, ébahie et curieuse. Apercevant quelqu'un non loin d'elle allongée, c'est le pas un peu lourd qu'elle allait dans sa direction. Le voyant ainsi inerte et surtout, ayant reconnu ce visage meurtri, assassiné, elle s'effondra près de lui, gémissant et pleurant toutes les larmes de son âme ressuscitée, frappant le cadavre comme un geste affligé futile et ne faisant qu'amplifier sa tristesse.
« Ikaru, dit-elle les joues rouges et plaintive. Ikaru ! Réveilles-toi ! Ikaru ! »
Sous le joug d'une peine immense, elle ne pouvait cesser de sangloter, encore et encore. Cela ne pouvait pas s'arrêter. Un abattement que nul autre que l'homme peut s'infliger pour ne plus en sortir. Un jour entier est passé. Peinée près du défunt. Elle n'avait plus de larmes pour pleurer son animal mort. Sa vision n'était plus que celle d'une personne qui avait tout perdu, que ce soit un amour ou même l'envie de vivre encore. Elle voulait le faire payer à tous, elle voulait que tous connaissent sa peine immense. Même les larmes de chaque être humain ne serait pas suffisant pour remplir le vase de sa culpabilité. Elle se releva, lentement et errait sur le bord de la mer d'une façon éteinte, une démarche irrégulière, le dos voûté, ce n'était plus qu'un fantôme. Un esprit qui n'avait que pour désir la vengeance et le mépris des autres êtres vivants doués de sentiments de réjouissances. Elle n'allait plus jamais connaître le bonheur, elle en était persuadée.
Elle vaguait, toujours. Elle errait sur des ombres et celles des larmes qui ne font qu'attiser de nouveau sa mélancolie. Cette femme était perdue, avec elle-même. Elle ne savait pas où aller. Elle ne savait pas par où commencer. Des chansons virent donner une connotation plus lugubre à son voyage vers les ténèbres. Ces mélopées qu'elle entonnait alors qu'elle n'était qu'une enfant, ces hymnes au tourment. Elles ne rimaient même pas, ce n'était qu'une voix plaintive se lamentant sur son sort et ce qu'elle réservait à ses victimes. Elle voulait tuer tous les monde, rester seule pour toujours avec son deuil qui ne pourra jamais s'oublier. Et c'est alors qu'il est apparût...
« Ton appel n'est pas vain, mortelle, disait une voix grave et résonnante dans ce ce qui semblait être le néant. Agenouille-toi devant ton nouveau maître. Dis les mots et tu pourras alors réaliser ce que tu souhaites tant. - Allez vous-en... répondit-elle en murmurant. Je ne veux voir... Personne... - Mais tu as toi-même abattu mon guerrier, tu ne réalises donc pas que tu n'es que l'image d'une cause de ton propre chagrin en errant ainsi ? - C'est... Moi qui l'ai tué... ? presque un éclat brillait dans ses yeux dans l'écho des paroles du serpent sifflant dans l'ombre. - Tu n'es plus vraiment toi-même fillette. Or tes objectifs restent claires, ils transparaissent comme tous les autres humains. Tu pourras le retrouver, si en échange, tu verses le sang à ma gloire, si tu détruis, tues, annihiles. Quelle ironie... Mon nouveau combattant, a détruit son prédécesseur. - J'ai abattu... Mon amour... Et je ne m'en souviens... Pas ? - Ne veux-tu pas le revoir ? N'as-tu donc aucun dessein dans ce monde trop vaste pour encore subsister vainement ? - Je ne sais pas... ses genoux tombant sur la terre, la découragée dépressive mit ses mains d'albâtre contre son visage pour mimer une complainte, la tristesse voulait sortir, or aucune larme ne se manifestait, seulement des chuchotements d'un sanglot. - Alors laisses-moi t'apporter un but. Laisses-moi te donner ce qui hante tes pensées. Prononce la prière. Je sais que tu les connais, persistant, on sentait de plus en plus une obstination malsaine dans le timbre de cette voix clamant le néant par ses adjurations. - Je veux... n'hésitant pas, une impression d'emporter son âme dans le funeste torrent violâtre du malheur. Je veux un monde de Ténèbres... »
Sur cette oraison, conservant son expression asthénique, des filins pourpres l'encerclaient pareil à une possession. Une flamme pourpre ne dégageant aucune chaleur descendait sur ses paumes pour révéler une pierre taillée, une sugilite, scintillante comme les étoiles dans une nuit et délivrant la même angoisse durant ces soirs sans lune. Une personnification toxique, pour la femme qui n'était que peste et venin, pour la femme qui n'était qu'une ombre. Ne se posant que peu de questions, n'ayant plus la force de réfléchir où de se battre, la gemme était rangée derrière broche en argent. Malgré le peu de choses dont elle était encore capable de ressentir dans ce corps meurtri par le désespoir, cette belle fleur abîmée ressentait quelque chose grandir. La domination. La force. La haine. Alors, que l'épigone qu'elle était marchait dans le noir absolu, l'inspiration du cauchemar qui la suivait ne semblait pas en avoir tout à fait finis avec elle.
« Ne te sens-tu pas exaltée par de telles facultés et ce sentiment de toute puissance ? - Non... Pas vraiment... - Tes frères et sœurs t'attendent à présent. Va, quel que soit ton nom, tu représentes le chaos. Tu es mon nom et mon flambeau, mon épée et mes flammes. »
L'origine de ces murmures supprimé dans le son du vent odieux. Dans les ténèbres, elle ne faisait qu'avancer, comme si rien de tout ça n'était survenu. Marchant, lentement, errant. Les dernières paroles de son précédent interlocuteur lui trottaient dans la tête. Quel était son nom ? C'est vrai. Elle ne s'en souvenait plus. Il n'y avait plus personne aujourd'hui pour le lui rappeler. Personne pour lui dire venir dîner en famille, personne pour passer un bon moment en la croisant dans la rue, personne pour lui dire à quel point on l'aime. Personne... Méritait-elle encore tout cela ? Méritait-elle encore un patronyme ? Non. C'est sur l'ultime chemin des ombres qu'elle voulait vagabonder, sans se soucier de tout cela. Elle voulait rester dans seule dans sa détresse.
« Je m'appelle... Je m'appelle... Lénore ? Non, ce n'est pas mon nom... une bonne minute passa avant qu'elle rouvre ses lèvres roses avec sa voix aussi lascive. Je m'appelle... Délia... Délia Cantebury. Je serais tes larmes noires... Mon amour... Je pleurerais... Pour nous deux... »
Musique : Nemure Hi No Hana ( piano version ) - Sengoku Basara | |