Mila poussa la porte qui s'ouvrit dans un tintement de clochette. Elle s'engouffra dans la boutique l'air renfrogné, suivie de près par un homme plus grand qu'elle, les cheveux cendrés. Le propriétaire la dévisagea, son regard s'attardant sur sa paire de jeans noire qui soulignait la courbe de ses fesses alors qu'elle refermait la porte, avant de se fixer sur le décolleté plongeant de son débardeur blanc. « Bonsoir, Harvey. » dit-elle en s'éclaircissant la gorge pour le rappeler à l'ordre. « Alicia ! Toujours un plaisir. » fit-il, à peine embarrassé. « Et qui est ton ami ? » Mila jeta un regard mauvais à l'homme qui l'accompagnait. « Ce n'est pas mon ami. » répondit-elle froidement, coupant court à toute discussion. Extirpant une bourse de sa veste en cuir noir, elle déposa celle-ci sur le comptoir d'un air sérieux avant de faire signe aux deux hommes de la suivre dans la remise. Une fois à l'intérieur, la jeune femme s'installa sur un tabouret qui traînait là et croisa une de ses jambes sur sa cuisse. Alors que ses doigts jouaient avec les lacets de ses bottes à talons, elle les observait. Ses grands yeux semblaient d'autant plus pénétrant avec le cercle noir de khôl qui faisait ressortir le bleu de ses iris. « On a besoin d'un endroit tranquille. » commença-t-elle tout en s'allumant une cigarette. « Il te reste de l'opium ? » dit-elle comme s'il s'agissait d'une banalité, sans même lever les yeux vers lui. Un peu troublé, Harvey Denrier s'efforça de rester stoïque tout en soupesant la bourse de munnies dont il s'était emparé avant de suivre la jeune femme. Celle-ci remarqua le regard anxieux que l'informateur avait lancé vers l'homme aux cheveux cendrés. « Tu ne crains rien avec Ukiyo, je m'en porte garante. » le rassura-t-elle de sa voix douce. Après un instant d'hésitation, il hocha la tête vigoureusement et se dirigea vers une étagère dans le fond de la pièce. Il tendit un petit sachet à Mila qui l'observa d'un air circonspect. « Personne ne doit nous interrompre. » articula-t-elle un peu sèchement avant d'écraser sa cigarette à même le sol, sans quitter l'homme du regard. Il acquiesça et retourna à l'intérieur de la boutique, laissant Mila seule avec Ukiyo. « Suis-moi. » commanda-t-elle, contournant les étagères pour dévoiler une porte dérobée dans le mur du fond. Ils se faufilèrent dans un couloir étroit pour enfin déboucher sur une petite pièce sombre, à peine éclairée par une ampoule défectueuse. Les murs étaient en pierre, suintaient un peu l'humidité et on entendait distinctement le ronronnement du chauffe-eau... Au centre de la pièce, deux paillasses et un narguilé. « Sans commentaires. » dit-elle à l'intention d'Ukiyo, réprimant elle-même un frisson. Ils s'installèrent autour du narguilé et, pendant qu'elle y déposait l'opium, Mila se demandait si ce qu'ils avaient prévu fonctionnerait. Jamais elle n'aurait cru se retrouver dans une telle situation, encore moins avec ce traître, cet homme pour qui elle n'avait jamais éprouvé que du dédain... Mais il ne lui avait pas laissé le choix. Assise en tailleur, un peu anxieuse, elle tira sur le narguilé alors que l'ancien consul en faisant autant. Mila fronça le nez et battit des paupières avant de tendre ses mains à Ukiyo. « Allons-y. » |