~Formateur au combat-Prêts ? Allez-y.
Cinq minutes, trente-sept secondes très exactement plus tard, je mordis la poussière, mon visage frappant violemment cette terre battue. ~Formateur au combat-Ok ok, c'est tout pour aujourd'hui.
J'entendis ces mots, à peine consciente. Comme à l'habitude, aucune attention pour les perdants, pas plus pour les gagnants d'ailleurs. A la vieille école. J'oubliai un instant que je venais de me faire écraser par la personne que j'aurais voulu vaincre plus que quiconque. Ma tête tournait encore, et j'étais face contre terre. Je savais qu'il était encore là alors que les autres avaient déjà vidé les lieux. Je savais que j'allais devoir affronter une insupportable pitié. Je me relevai, cela me demanda une force immense, je n'avais décidément aucune envie d'affronter la réalité. Tout en frottant ma tenue, j'entendais distinctement sa respiration comme si c'était la mienne. Aucun de nous n'avait souhaité ce moment, de toute évidence. ~H.-J'aurais du refuser.
~Vesper-Refuser quoi ? Si tu capitules dans le combat, tu es mort. Il le fallait.
~H.-Je suis désolé, si je t'ai fait mal.
~Vesper-Arrête, ce que tu dis là est bien pire que tous tes coups portés.
Je me demande sincèrement comment il pouvait tolérer mon ton, perpétuellement agressif. Je portais inlassablement mes rancœurs de vieilles filles. En un sens, il ne méritait pas ça, il n'avait pas mérité le traitement que je lui avais infligé depuis des années. Il avait juste aimé, sans savoir que cela pouvait me blesser. Grave erreur, mais ce fut la seule. Je cherchais justement à l'agacer, je souhaitais presque qu'il me déteste, et qu'il abandonne sa quête de rédemption. ~Vesper-Qu'est ce que tu cherches bon sang ? T'as pas envie de me laisser là, qu'on en finisse ?
~H.-Ce n'est pas si facile.
~Vesper-Pourquoi ? Pourquoi ça pourrait pas être si facile franchement ?
~H.-Chacun de nous deux a disparu de la vie de l'autre, et maintenant, on est forcés de devoir quasiment cohabiter. Aujourd’hui, j'ai du te frapper. Tu ignores que j'aurais préféré me frapper mille fois la tête contre un mur en béton.
~Vesper-Oh, je suis vraiment désolée pour toi, ça a du être très douloureux, vraiment. Grandis un peu, et apprends que ça ne me faisait aucun mal de t'infliger le même traitement. Ainsi, nous sommes quittes.
~H.-Vesper, ce n'est pas toi qui parles, c'est ta foutue fierté. Tu n'es pas comme ça. Même si tu le désirais ardemment, tu ne pourrais pas. Tu crois que ça te rend plus forte, tu penses que j'essaie de t'abaisser plus bas que moi. Ça n'a rien à voir.
~Vesper-Arrête.
~H.-Si je pouvais revenir en arrière, faire en sorte que tu ne sois pas la fille froide que tu veux montrer aux autres, je le ferais. Si je pouvais effacer notre ardoise, je le ferais. Si j'avais su que tu aurais été plus heureuse sans moi dans ta vie, je ne serais pas venu à toi.
~Vesper-Arrête...
~H.-Si je pouvais changer tout ça, te donner tout ce que tu mérites de recevoir, si je pouvais t'aimer comme ça, si tu me le permettais...
~Vesper-Arrête ! Je t'interdis de prononcer un mot de plus. Une fois encore, tu te le permets, tu parles de moi, comme si tu avais le droit. C'est vrai, tu me connais, sans doute mieux que n'importe qui. Probablement mieux que ma propre famille. C'est vrai, tu as sans doute raison sur moi, mais... Depuis que c'est arrivé, tu as perdu ce droit, je ne veux plus t'entendre parler de moi comme tu le faisais avec ton amie, je ne veux plus connaître ton avis sur ma vie. Je sais que ça me rongerait, tu ne te doutes pas de ce que ça me fait.
~H.-Pourquoi n'a-t-on pas su guérir de cette haine après tant d'années ?
~Vesper-On peut guérir de la haine. On ne guérit jamais de cet amour, jamais complètement.
Je crus le revoir, l'instant d'après, exactement identique au jour où je m'étais déclarée. Il était plus grand, plus fort, et encore plus beau certainement, mais il avait pâli de la même façon. En cet instant de faiblesse, il était redevenu l'adolescent. Je me sentis choir. Ma vision s'obscurcissait, tous mes membres n'étaient plus que du papier mâché. Je ne sais comment j'en eus la force, mais titubant, refusant la moindre aide de sa part, je quittai les lieux. Je dus mettre un certain temps avant de trouver le porche de ma maison. J'ignorais ce que les gens pourraient penser d'une allure pareille. Arrivée chez moi, sans mot dire, je rejoignis ma chambre pour m'affaler et sombrer dans les seuls bras qui voulaient bien de moi. Morpheus. Ma vie ne pouvait plus s'arrêter à présent, j'étais trop profondément liée à cette tâche qui m'attendait depuis quelques mois déjà, tous les matins. Même si certains prétendirent que je n'étais plus moi-même, je ne pouvais renoncer. C'était une forme de bonheur, légèrement insipide, dont on se fait une raison, mais un bonheur malgré tout. Et j'obéis à ma conviction. Les mois passèrent encore, sans nouvelles perturbations. Nous nous approchions doucement de la fin de notre formation. Ce serait surtout le début de tout autre chose. Mes connaissances s'étaient fortement élargies sur la nature de notre responsabilité d'unité. Cela m'effrayait et à la fois, je m'étais laissée endoctriner par la nécessité d'existence de la chose. Il m'arrive encore de douter au jour d'aujourd'hui. Je savais qu'un jour viendrait où je devrais céder une part supplémentaire d'humanité. Au fond, je le savais.
Un jour, l'entièreté de l'unité en formation partit en territoire inconnu. C'était un « travail pratique », ou un test, selon les points de vues. Je me fichais pas mal de la raison de cette initiative des formateurs, je savais juste que cela me permettrait de m' auto-évaluer dans de meilleures conditions. Nous passâmes par des territoires hostiles où on nous laissa combattre seuls les créatures sombres. Ce fut rude mais nous nous débrouillâmes mieux que ce que j'avais espéré. Je me blessai une ou deux fois, mais sans gravité. A chaque fin de journée, je me sentais vidée de toute énergie et incapable d'installer notre campement. L'escapade était longue, de sorte que nous dûmes passer plusieurs nuits à la belle étoile. Cela s'organisait par tours de guet. Chacun devait prendre cette responsabilité pendant deux heures. Qui s'endormait perdait toutes ses chances de se voir évaluer positivement par les formateurs. En effet, s'assurer de la sécurité était également une des missions les plus importantes qui nous étaient confiées. Quand ce fut mon tour, j'avais dormi deux heures tout au plus, et je n'avais pas encore récupéré de cette très active journée. Il faisait froid, aussi décidai-je de m'installer autour du feu, en gardant un œil attentif à notre environnement. Je m'occupais à penser à ce qui pourrait nous tomber dessus. Un briefing avait été fait plus tôt dans la journée. Nous étions dans une zone relativement peu hostile, mais on ne pouvait écarter aucune possibilité. Je pensais à des bêtes féroces, des ennemis de la Shin-ra, des vagabonds, des agresseurs, des fous. C'est pourtant « lui » qui vint. Je n'y avais même pas pensé. Je sursautai légèrement quand il me salua d'un ton très bas afin de ne réveiller personne. Je pensai sur l'instant que si un intrus avait su se montrer si discret, je serais sans doute déjà morte. Pour ne pas risquer de perturber le repos des autres, je gardai mon calme. ~Vesper-Tu devrais dormir.
~H.-Oui, sans doute...
Il s'assit à un mètre de moi, regardant dans l'autre sens de façon à ce que chacun s'octroye une zone à surveiller. Même si j'étais quelque peu perturbée par cette arrivée, j'avais appris à le tolérer dans mon champ de vision et j'étais donc encore suffisamment lucide que pour savoir tenir mes responsabilités. Nous restâmes là, sans dire mot plusieurs minutes. J'entendais le monde de la nuit se réveiller. Ça et là, des battements d'ailes, les criquets se manifestant, une odeur d'humidité. ~H.-Tu sais...
J'avais anticipé le moment où il commencerait à murmurer. Il n'avait pas compris la leçon, de toute évidence, mais je m'en étais doutée. Je restai ainsi placide, sans même broncher. ~H.-Je voulais te dire depuis longtemps... je n'en ai jamais eu l'occasion et ça semble être l'occasion parfaite. Tu te souviens quand on se moquait de ton nom à l'école ? Le premier jour où tu étais arrivée, on t'avait beaucoup charrié avec cela. Je crois que c'était une des raisons de ta grande tristesse. C'est aussi pour cela que je suis venu à toi.
~Vesper-Comment l'oublier ?
Ce souvenir ne pouvait que m'avoir marqué, il avait dessiné toute mon enfance. ~H.-Dans un premier temps, j'ai vraiment pensé que tes parents devaient être cruels pour t'avoir appelé ainsi. Après tout... Vesper ? Je sais à quoi j'ai pensé la première fois que je l'ai entendu, ce prénom. Il perturbe votre oreille, comme s'il ne venait pas du même monde que vous.
Je commençais à m'impatienter. Était-ce un reproche ou une boutade de plus ? Désirait-il enfoncer le clou avec des enfantillages d'un très bas étage ? Il changea de ton, sa voix se fit plus rêveuse. Je ne pouvais deviner son expression, mais mon imaginaire m'imposait une vision. Mon nom ne m'avait jamais rien apporté de positif, si ce n'est lui à l'époque. ~H.-J'ai appris bien plus tard ce qu'il signifiait. J'ai alors regretté qu'il t'ait causé des larmes. On ne devrait pas pleurer pour un nom, même quand il est ridicule. Mais ce n'est pas le cas du tien. Vesper, ou le soir en latin. Il me semble qu'il a été fait pour toi. Tu resplendis toujours plus dans la nuit. Quand le soir arrive, tes sens sont plus vifs, tu te réveilles réellement. C'est aussi la nuit que tu as touché mon âme à vie. C'est la nuit que tu te transformes. Comme quand le cygne devient la femme et que l'homme devient le loup. Vespera Puella es.
~Vesper-Quand tu dis ça, j'ai l'impression que tu veux définitivement me rendre malheureuse...
~H.-Non... ! Non, pourquoi dis-tu cela ?
~Vesper-Comment pourrais-je accepter que tu me dises cela, et en être heureuse, dans un monde où tu ne peux pas être avec moi ?
Je ne saurais décrire toutes les émotions qui me submergèrent en cette heure tardive. Comme si j'étais incapable de toute comprendre, comme s'il avait parlé à une aliénée. ~H.-J'aimerais tellement que tu cesses de me rejeter... J'ai l'impression d'avoir vécu mille ans de châtiment dans les enfers depuis que c'est arrivé... depuis que le lien s'est brisé entre nous.
~Vesper-S'il s'était brisé, je n'aurais plus mal. Pourtant, quelque chose brûle en moi. Une fois de plus, tu n'as pas répondu à ce que je te disais. Tu ne fais que contourner la question, tu me témoignes une fois de plus ton désir de réconciliation sans t'attaquer à la source du problème.
~H.-C'est que je ne peux pas m'y attaquer... le risque est trop grand.
~Vesper-Le risque de quoi ? J'ai pris un gros risque, un jour, pour toi. Et j'ai mal joué. Le résultat est que nous en sommes là aujourd'hui.
~H.-Si je devais sincèrement répondre, je ne pourrais répondre que la vérité, et elle serait forcément néfaste.
~Vesper-Oui, parce que je connaîtrais la déception une fois de plus.
-Non, ce n'est pas ce que tu crois Vesper...
Qu'est-ce qui pouvait être pire que cela pour moi ? Rien. Moi aussi, j'avais connu l'enfer. J'en étais sortie transformée, difforme. Je n'étais plus parfaitement moi-même. ~H.-Quand je t'ai embrassée...
Un bruit se fit entendre soudain, un craquement de branche derrière un buisson. Pas celui qu'aurait fait une petit animal en marchant sur une brindille, non. Ça ne pouvait être que plus imposant. Désappointés, perdus, nous nous regardâmes incrédules. Je venais de commettre une erreur en l'ayant laissé me déconcentrer. Je savais que ce n'était pas de sa faute, mais je lui en voulais. Je réveillai instantanément deux autres personnes du campement, pour que d'autres soient mis au courant. ~H.-Vesper, viens !
Il venait de m'appeler dans un très léger chuchotement. Il se dirigeait vers le buisson en question. Je décidai de le suivre. Quand nous fûmes juste à côté, nous nous jetâmes de l’autre côté pour surprendre l'intrus. Il n'y avait rien. ~H.-C'est pas possible, il était là, j'en suis convaincu.
Un autre craquement, cette fois plus lointain se fit entendre. ~H.-Il s'est enfui, ne le laissons pas partir si facilement.
Une course effrénée débuta entre les arbres et les plantes. Je reproduisais ses pas à la perfection de façon à ne pas me perdre ou trébucher. Nous étions aussi silencieux que faire se peut. La fine équipe. Un instant, il s'arrêta pour se repérer, je voyais son buste se gonfler, nous étions déjà presque essoufflés. J'aperçus soudain une ombre approcher derrière lui. ~Vesper-Attention, derrière toi !
Il eut à peine le temps de se retourner que nous fûmes face à un homme tentant de nous trancher à l'aide d'une hache imposante. Il rata son premier coup mais ne raterait pas forcément les suivants. Nous avions commis l'erreur de laisser nos armes de prédilection au campement. Je m'en voulus infiniment. Je courus dans l'autre sens, attrapant une grosse branche au passage. Quand je sus qu'il n'était plus derrière moi, je me dissimulai derrière un arbre. Le silence était roi. Je n'entendais plus aucun pas, pas même un animal nocturne. Je tentais de contrôler ma respiration haletante. Où étaient-ils tous les deux passés ? Je pris peur, pensant avoir abandonné à jamais la personne qui comptait le plus pour moi. L'instant d'après, je sentis une main se poser sur mon épaule, je crus mourir de surprise. Il posa néanmoins son autre main sur ma bouche afin qu'aucun bruit n'en sorte. Nous étions l'un contre l'autre. Je l'interrogeai du regard. ~H.-Je ne sais pas où il est. Mais au moins, il est seul. S'il était venu avec quelqu'un, l'autre personne aurait déjà rappliqué. Nous n'aurions pas du partir seuls.
Je lisais de l'inquiétude dans son regard. Il en lisait dans le mien. Naïvement, je n'arrêtais pas de penser au fait qu'il y avait bien longtemps que nous n'avions pas été si « proches ». Il avait tout de même pris un couteau avec lui. Je soupirai de soulagement, sincèrement sceptique quant à ma possibilité d'agir avec une simple branche, aussi épaisse fut-elle. Il me saisit par le bras et m'emmena vers l'endroit d'où nous venions. Je n'en avais pas réellement envie mais la responsabilité me l'imposait. J'aurais été un piètre élément dans le cas contraire. Nous nous approchions calmement mais je sentais l'adrénaline grimper en moi à toute allure. Si j'avais pu frissonner, je l'aurais fait, mais montrer une faiblesse pareille m'était interdit. Soudain, nous l’aperçûmes à quelques mètres..Lui par contre, ne s'était pas encore rendu compte de notre présence. Il semblait toutefois nous chercher. Nous nous séparâmes. Chacun prenant un côté. Mon compagnon de chasse semblait quelque peu inquiet à l'idée de me laisser « seule » mais je ne lui laissai pas le choix, un peu vexée. Nous nous approchions progressivement, restant malgré tout à distance acceptable, sans quoi nous aurions été forcément découverts. Quand je fus réellement à sa hauteur et qu'il me tournait le dos, je fus prête à lui bondir dessus et à le frapper à la tête. Il n'en fut rien, comme une idiote, je commis l'irréparable en faisant fuir un animal que je n'avais pas remarqué près de moi. L'homme fit volte face alors que mon visage se décomposait, je m'apprêtais à me faire découper en morceaux. L'agresseur se lança pour une raison inconnue dans quelques poésie. ~L'inconnu des Marais-Ah te voilà ma toute belle... !
Je tombai à la renverse, enchaînant les erreurs lorsque je perdis également ma seule arme. Ma seule possibilité était la fuite, mais je n'arrivais qu'à me traîner en arrière à l'aide de mes mains, il était trop proche et son avancée trop grande. La terreur s'était emparée de moi, il faisait peur à voir. Lorsque je fus à portée et coincée par une racine découverte, il frappa le coup que je pensais être fatale. Je tentai malgré tout de l'éviter, me jetant sur le côté, mais néanmoins toujours coincée. Il parvint à m'atteindre au bras, entaillant profondément ma peau. Je criai et jurai de douleurs. En quelques secondes, je pensai avec exagération que je venais de me vider de mon sang tant la perte était impressionnante. L'agresseur quant à lui fut déséquilibré, ce qui me laissa quelques secondes pour me dégager de la racine. Je me relevai. ~L'inconnu des Marais-Hey attends, j'en ai pas fini avec toi !
~Vesper-Ça tombe bien, moi non plus.
La douleur était forte et mon membre s'était engourdi, je saisis toutefois une nouvelle branche et le frappai violemment avec. Après un cri de rage, il saisit l'extrémité de mon arme de fortune et me projeta contre un arbre tandis que je serrais le bois fermement. Je m'écrasai brutalement. Une douleur de plus. Je commençais à en être anesthésiée. J'étais tordue et allongée au pied d'un arbre. J'entendis ses pas se diriger vers moi mais je n'avais plus assez de force que pour réagir assez rapidement. Et puis, un râlement retentit. Ensuite, plus rien. Je compris et tentai de me défaire de ma position inconfortable. Des bras vinrent me saisir et me retourner. Je vis le ciel étoilé, puis le ciel de ses yeux. ~Vesper-Tu aurais pu te dépêcher tout de même, j'ai attendu une éternité avant que tu n'interviennes.
Il sourit légèrement, mais je vis sa mine changer instantanément lorsqu'il observa ma blessure. Son visage était sombre dans la nuit mais je crus distinguer l'humidité dans ses yeux. ~H.-Il faut absolument retourner au campement et soigner ça.
En attendant, il limita les dégâts en serrant fort un morceau de tissus autour de ma blessure. Avec cette douleur, je fus moi aussi prise de larmes incontrôlables. Quand il me releva pour que nous nous mettions en marche, je n'étais pas encore tout à fait rassurée. ~Vesper-Et lui ?
~H.-Fini, définitivement mort.
Il avait un air sombre, l'acte bien qu'il soit nécessaire l'avait marqué. C 'était comme il l'avait dit : « définitif ». Je sus bien plus tard qu'il n'était pas aisé de donner la mort, même quand la victime s'avérait être un monstre. Je respirai profondément. Son corps gisait à quelques mètres. La moindre des choses était encore d'exprimer ma reconnaissance. ~Vesper-Merci, au fait...
Nous marchâmes doucement, étonnés de ne croiser personne. Comme si les autres campeurs ne s'étaient pas inquiétés le moins du monde de notre départ. Nous les avions pourtant prévenus. Le silence reprit ses droits jusqu'à ce qu'il décide de l'interrompre. L'émotion transparaissait dans sa voix. ~H.-Je... J'ai cru que je t'avais perdue, pour toujours... Quand il t'a blessé, puis quand j'ai entendu ton corps frapper contre cet arbre, je t'ai vue allongée, sans vie. Cela m'a mis dans une colère folle, je ne me contrôlais plus, je voulais le tuer, le tuer encore et encore, jusqu'à ce qu'on ne le reconnaisse plus.
Je ne répondis pas, j'imaginais que j'aurais probablement été autant transformée si je m'étais trouvée dans le cas similaire. Il nous stoppa, visiblement plus nécessiteux de se dévoiler que d'aller au campement pour me soigner. Ses mains qui me tenaient les bras, les serraient si forts que c'en était douloureux, surtout au niveau de la blessure. ~H.-Te perdre... ce serait comme perdre une partie de moi-même, ce serait perdre ma nuit. Sans nuit, je n'existerais pas...
Il m'entraîna contre un arbre comme pour nous cacher du reste du monde. Il reposa son front contre le mien, mêlant nos deux respirations. L'attraction fut immédiate, rien d'autre ne pouvait arriver, nos lèvres étaient destinées à se rejoindre. Je me rappelai la première fois et compris que rien n'avait changé, que mon amour n'avait pas perdu en force, que mon désir avait décuplé, et que le sien aussi. Nous n'étions plus des enfants. Quand nous nous écartâmes l'un de l'autre interrompant ce moment secret, nos yeux disaient encore ce que nos corps venaient de démontrer. Ce fut encore lui qui parla. ~H.-Je n'ai que ça à te répondre... Tu dois savoir que je te désire, que je ferais tout pour être avec toi, mais que je suis également incapable de prendre le risque de te perdre à tout jamais... Et si nous nous aimions comme tu sembles le vouloir, je sais que je pourrais te perdre, je sais qu'un de nous deux pourrait faillir, pourrait perdre en sentiments, je sais que cela pourrait gâcher la véritable nature de notre attachement. Je ne veux pas perdre ça, tu dois rester la seule, à tout jamais. Je suis né pour ça, je le sais, je ne veux pas terminer ma vie sans cela.
Il s'écarta encore un peu de moi, je n'avais pas su lui répondre. J'étais perdue dans ses paroles. Elles me semblaient insensées. Comment pouvait-on vouloir aimer toute sa vie, sans jamais vraiment vouloir être avec l'autre ? N'était-ce pas là tout l'intérêt de l'amour : vivre avec les difficultés, prendre des risques, s'engager... ? Je savais qu'en décidant cela, il gâchait toute possibilité de bonheur. Une torture improbable, une décision qu'il m'imposait, alors que je ne pouvais imposer la mienne. Je ne pouvais l'obliger à m'aimer. La conviction de l'existence de ses sentiments ne changerait pas ma vie, sans doute la détruirait-elle. Il m'emmena à nouveau sur le chemin du campement.
Quand nous arrivâmes à proximité du campement, nous pûmes apercevoir les silhouettes qui nous attendaient. Pour peu, j'aurais pu penser qu'on nous avait laissés aller seul uniquement pour nous tester, et garder les meilleurs. Nos vies n'avaient de toute évidence pas grande importance pour les formateurs, je ne m'en formalisai pas. Avant d'être trop proches, j'interrompis notre marche une dernière fois. Ma voix trahissait mes pleurs. ~Vesper-Ça ne change rien, je sais que tu te trompes, je t'aimerai, même si tu refuses, même si tu me rejettes. Quoi que tu aies décidé pour nous deux, quoi que tu nous imposes, tu ne m'empêcheras pas de ressentir ce que nous devrions vivre tous les deux. C'est injuste... C'est trop fort que pour que je le retienne.
Il se battait avec lui même pour ne pas changer d'avis, je le voyais. Sans doute ai-je essayé à cet instant de permuter sa pensée, mais rien ne fut. Nous restâmes ensuite silencieux quand nous gagnâmes le camp et que tout le monde nous observa muet, tandis qu'il me soignait. J'aurais été curieuse de connaître leur avis sur la chose. Mais comme ma réserve me l'interdisait, je n'en fis rien. Le test prit fin deux jours après, nous sommes alors retournés au Jardin Radieux pour retrouver nos vies, comme si cet événement avait été un rêve. Nous reprîmes également nos distances. L'aversion ne fut plus présente lors de nos prochains échanges, une forme de non-dit et de désir véhiculait dans chacune de nos paroles, comme pour un jeu où aucun de nous deux n'aurait ri. Mon incompréhension n'en fut que plus grande, la souffrance gagna également du terrain sur moi.
La formation prit fin un mois plus tard. Nous étions prêts, aux yeux de la Shin-Ra. Quelques uns furent néanmoins refusés pour leur incapacité et cela même s'ils n'avaient jamais abandonné. J'ai supposé qu'on leur avait proposé autre chose, je n'en ai jamais eu aucune confirmation. On nous laissa un mois de repos avant de réellement commencer à travailler pour l'entreprise. Ce qui ne fut pas de trop. Cette année avait été la plus éprouvante physiquement de ma vie. J'appréhendais donc fortement la place qui nous attendait au sein de l'entreprise. Durant cette période, je me reposais mais dormais réellement peu. J'avais trop de temps pour réfléchir, penser. Souvent j'allais attendre devant chez lui, je sais qu'il me voyait, il ne venait pourtant pas. Je n'abandonnai pas de mon côté. Lui fit de même, attendant à d'autres moments devant ma porte. Chacun d'entre nous allait attendre chez l'autre que celui-ci renonce à son point de vue. J'allais attendre devant chez lui un amour qu'il ne voulait pas me donner. Lui, attendait devant chez moi un retour vers notre relation d'enfance, et je lui refusais. Nous étions devenus d'éternels insatisfaits. Chacun avait appris à comprendre le regard de l'autre, appréhender les besoins de celui-ci. En temps normal, si nous avions été deux autres personnes, cela aurait du nous rendre heureux, mais nous ne pouvions que rester nous-même.
Agent de la Shin-Ra. Je fus soulagée lorsque le premier jour arriva. J'allais avoir moins de temps pour penser, et je serais probablement affectée à une autre équipe que la sienne. Je pris le chemin de l'entreprise, le lieu de rendez-vous ne serait plus l'entrepôt. J'avais d'ailleurs entendu dire que de nouveaux candidats allaient être formés cette année sans en avoir jamais la moindre preuve. Cela allait cependant dans la logique des choses. Il faudrait sûrement à la corporation de plus en plus d'employés au fur et à mesure qu'elle se développerait. En m'y rendant, je croisai la route d'autres éléments qui avaient été sélectionnés, nous fîmes la route ensemble, restant silencieux quant à notre véritable ressenti. J'avais beau être réellement effrayée par la perspective d'une tâche qui me demanderait une dureté que je n'avais jamais eue, j'étais également excitée par cette ambiance de rentrée des classes. Pourquoi, d'aillleurs ? Je n'avais jamais aimé l'école. Arrivés au quartier général de l'entreprise, nous fûmes accueillis par des hôtesses qui nous indiquèrent les salles prévues pour notre unité. Je reconnus immédiatement les têtes de mes formateurs en entrant dans une salle moderne, architecturalement épurée et munie de technologies de pointe. Les revoir dans un environnement pareil avait quelque chose de perturbant. Nous étions encore tous réunis pour ce premier rassemblement mais nous avions été briefés quant à notre affectation en équipe spécialisée. ~Émissaire-L'entreprise Shin-Ra vous souhaite à nouveau la bienvenue dans ses locaux. Il y a déjà plus d'un an que vous vous êtes engagés auprès de nous pour obtenir un emploi. Le jour est venu. Ainsi qu'il vous a été appris, nous vous partagerons en équipe. Les équipes sont toutes censées pouvoir réaliser toutes les missions. C'est pourquoi toutes les équipes devront être équilibrées. Ainsi, vous serez à égalité. Vous recevrez une spécialisation mais le rôle respectif que vous aurez dans l'entreprise restera toujours égal à nos yeux et aux vôtres. J'espère que ce ne sont pas de nouvelles notions pour vous. Auquel cas, vos formateurs auraient échoué dans une partie de leur tâche.
Je n'étais effectivement pas surprise par le discours de l'homme qui avait pris la parole. C'était un visage que je n'avais jamais croisé, j'apprendrais sans doute son identité plus tard. ~Émissaire-Nous allons faire l'appel. Vos formateurs seront répartis par équipe également, chaque formateur sera le superviseur. Il vous suivra dans toutes les missions. Sachez qu'il garde sa hiérarchie envers vous mais que son rôle a changé. Il n'est plus là pour vous évaluer, il est principalement présent pour travailler à l'exécution de la mission, au même titre que vous. Votre superviseur est en effet un employé qui a déjà fait ses preuves sur le terrain, il a mené à bien toutes ses missions et s'est fait remarqué pour ces raisons. Sachez d'ailleurs que même les anciens formateurs théoriques sont bien plus capables que vous d'exécuter une mission physique. Alors ne les sous-estimez sous aucun prétexte. Toutes les instructions et priorités vous seront à chaque fois citées, afin que vous ne les oubliiez pas. Il arrive régulièrement en effet que certaines personnes à la mémoire courte n'obéissent pas aux ordres ou décident de prendre les rennes. C'est absolument impensable au sein de cette entreprise. Nous avons estimé que votre salaire et l'acquis que vous a apporté votre formation sont des raisons suffisantes que pour que vous suiviez les ordres au doigt et à l’œil. C'est un privilège que d'autres stagiaires comme vous auraient souhaité avoir mais dont ils n'ont pas eu la chance de se montrer dignes. Vous aurez compris que nous attendons donc de vous des qualités et une implication exemplaires.
Je ne pus m'empêcher d'observer que l'homme parlait sans détour de salaire, de politique d'emploi, de pression. Au moins, je ne pouvais ignorer dans quoi je m'engageais. ~Émissaire-Vesper Earl, équipe B.
Soulagée et déçue d'être affectée dans une autre équipe que lui, je rejoignis mon superviseur ainsi que les autres membres de mon équipe, en leur adressant un signe de tête. Je n'étais pas spécialement déçue ni ravie. Je ne m'étais pas engagée pour une visite du Paradis, comment aurait-il pu en être autrement ? La partie la plus sérieuse de ma vie allait pouvoir commencer. J'aimerais pouvoir intervenir dans ma vie à cet instant pour m'interdire de continuer, m'empêcher d'anéantir toute mon âme, tout mon bonheur, tout ce qu'il y avait de bon en moi. On ne m'a pas donné cette chance, personne ne m'a prévenu. A cet instant, nous nous condamnions tous.
Le véritable travail commença peu de temps après cela. Nous allions être envoyés chaque fois à des endroits diverses pour des tâches d'ordres spécifiques et très variés. La première allait avoir un effet direct sur moi. Elle allait m'ouvrir les yeux suffisamment que pour m'informer que je m'avançais dans un terrain glissant. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Notre équipe serait déchargée à hauteur du lieu de mission par un vaisseau. Pendant le voyage, les membres de l'équipe restèrent silencieux. Seul le superviseur parla, respectant les ordres qui lui avaient été listés. ~Superviseur.-Une fois de plus, je vous dirai que les ordres de l'entreprise et dans ce cas précis, mes ordres, doivent être suivis à la lettre. C'est non-négociable. La première personne à enfreindre une de mes instructions sera suspendue pour une durée non définie. J'espère donc qu'aucun de vous ne décidera de faire le premier pas vers cette suspension car peu importe le lien que vous pensez avoir tissé avec moi par le passé, je ne m'encombrerai d'aucune forme d'indulgence.
Notre superviseur était notre ancien formateur spécialisé dans le décisionnel. Elle était donc très penchée sur la question des priorités. Notre équipe, elle comprise, comptait six membres. J'avais donc quatre pairs avec qui j'avais une entente cordiale. Cela me semblait essentiel au vu des risques que nous allions prendre lors nos missions. J'en étais parfaitement consciente. J'avais également pris la liberté de ne pas mentionner ces risques à mes parents qui m'auraient certainement interdit de jouer avec ma vie s'ils avaient su. S'ils avaient su...J'aimais mes parents mais je ne pouvais et ne voulais y renoncer, à l'époque. ~Superviseur.-Notre mission sera de nous assurer qu'une personne liée à la société, mais néanmoins divergente à ses objectifs, respectera ses engagements. Cette personne habite une battisse un peu en retrait par rapport au centre du Jardin Radieux. Elle n'est pas sans ressources, ce qui explique notre présence. Une équipe doit être mobilisée pour s'assurer que cette personne n'aura pas le choix.
L'autorité de la Shin-Ra faisait une fois preuve de grande subtilité. Je devinais assez bien que nous n'irions pas à elle avec le dos de la cuillère. Nos uniformes étaient sobres, confortables et pratiques. Le tissus s'adaptait à la forme de nos corps et étaient pourvus d'une grande élasticité. En dépit de leur finesse, ils étaient par endroit également résistants à une arme à feu, et protégeait correctement d'une lame. On ne pouvait cependant pas compter sur eux pour nous sauver la vie en cas d'embrochement. Ils permettaient également d'accrocher n'importe quel type d'arme à la ceinture. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir de la fierté d'avoir réussi là où d'autres avaient échoué. Cet uniforme en était une des preuves physiques. Et bien que ce fut futile, j'étais heureuse de le porter. On nous déposa non loin de l'entrée du bâtiment. De toute évidence, nous n'avions que faire de dissimuler notre arrivée à la personne que vous venions visiter. Nous nous arrêtâmes devant la porte, braqués par les caméras de surveillance. ~Superviseur.-Le comité d'accueil est à l'intérieur, il vous faudra le neutraliser. Le moins de dégât possible est souhaitable mais si vous peinez à vous faire obéir, allez y franchement.
Je restai perplexe devant cet ordre. Que voulait-elle dire par « y aller franchement » ? L'air de rien, le superviseur appuya sur une sonnette et la haute porte s'ouvrit dans la seconde. Notre petit groupe se faufila à l'intérieur. La surprise du chef nous attendait. Une dizaine de gardes armés se jetèrent presque sur nous. J'évitai le premier en me reculant. Devant son agressivité, mon arme me sembla être une une bonne alternative. Je dégainai mon épée, remarquant qu'il ne contrôlait pas suffisamment son sang froid que pour viser juste. Par moment je tentais de le blesser à l'aide de ma lame, à d'autres moments je le frappais directement au corps à corps. Je ne mis pas trop de temps avant de l'exténuer puis à l’assommer à l'aide de ma garde. En me retournant j'entrepris un autre combat avec un homme qui allait s'attaquer à une de mes pairs. Je pus également remarquer que les coups de feu fusaient et que le sang coulait déjà sur les dalles du hall d'entrée. S'il m'était possible d'épargner une vie, je tenais à le faire, mais si c'était à mon péril, j'avais le devoir de mettre fin à cette vie, question de sécurité. Nous nous débarrassâmes assez vite de cette équipe qui, bien que nombreuse, ne s'était pas avérée très efficace. Même si nous n'avions appris à combattre que depuis l'année précédente, nous étions très vifs et n'éprouvions aucun mal à combattre. C'était un peu comme si nous avions été façonnés pour ce travail. Et dire que un an plus tôt, j'étais quasiment inoffensive. ~Superviseur.-Bon, dirigeons-nous vers le bureau de notre « client ».
Nous suivîmes le superviseur qui semblait avoir bien étudié le plan des lieux. Pour peu, on aurait pu penser qu'elle vivait ainsi, elle inspectait tous les recoins pour ne pas être surprise par une quelconque menace. La demeure était grande, et les couloirs étaient larges, ce qui laissait beaucoup d'endroits à vérifier, ce que nous fûmes sans trop de difficulté. C'était comme si on avait centralisé toutes les forces vers l'entrée. Quand nous entrâmes dans le bureau du client, il ne fut pas surpris. Il avait un air corrompu, c'est tout ce qui me vint à l'esprit en découvrant le visage dont je m'étais fait mille idées. Un garde du corps s'avança vers nous. Il n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Le superviseur, sauta sur lui et tordit son cou, comme si son corps était en coton. Je restai sans voix devant ce spectacle. J'avais cru comprendre que cette femme était forte et dotée d'une grande 'fermeté', mais je ne m'étais pas attendue à des hostilités si ardemment offertes. Le client et moi même devions à peu près avoir le même teint : livide. Je ressentais presque de la peine pour ce corps inanimé. Je savais que s'il avait pu, il en aurait fait autant avec elle, que c'était donc une forme de légitime défense, mais la brutalité et la rapidité avec lesquelles l'acte avait été commis me semblaient contre nature. Je ne devais néanmoins faire signe d'aucune contrariété, j'espérais qu'elle n'avait pas eu le temps de remarquer mon expression. ~Monsieur André-Eh bien Superviseur, que me vaut ce privilège ?
Ma première réaction fut d'être surprise par les termes qu'il venait d'employer. Il connaissait déjà la constitution de notre hiérarchie. ~Superviseur.-Monsieur André, la Shin-Ra vient faire valoir ses droits auprès de vous, vous n'avez pas respecté votre engagement. De plus, vous avez très clairement fait preuve d'animosité envers notre compagnie, ce qui est inadmissible.
Le superviseur parlait au client exactement de la même façon qu'elle l'aurait fait avec nous. Elle donnait des ordres, blâmait les actes de rébellion, menaçait de punition. ~Superviseur.-Votre déloyauté est presque inconcevable au vu de notre arrangement. Néanmoins, nous consentons à faire preuve de clémence si vous nous suivez afin de prendre vos responsabilités au quartier général de l'entreprise.
Elle disait cela avec tant de normalité que cela me semblait presque logique. On parlait pourtant bien d'un homme qui venait de lancer plus d'une dizaines d'hommes sur nous et d'un superviseur qui venait de tuer sans aucune retenue devant les yeux du 'client'. C'était un peu ça, l'endoctrinement de la Shin-Ra. ~Monsieur André-Je ne vous suivrai pas, Superviseur. J'ai rendu mes comptes à la Shin-Ra, tout cela va trop loin. Ma collaboration a ses limites, et ne comptez pas sur moi pour les franchir.
~Superviseur.-Un engagement est un engagement, Monsieur André. Si vous refusez de respecter cela, en connaissant nos méthodes ainsi que notre besoin de respecter un contrat, c'est que vous savez dans quoi vous vous engagez et que vous désirez que nous nous montrions plus persuasifs, n'est-ce pas ?
~Monsieur André-Quoi que je dise, Superviseur, le résultat sera le même.
Il disait cela avec conviction mais sa voix trahissait une profonde crainte. Je ne pouvais l'en blâmer après la démonstration du Superviseur. Les secondes d'après furent les plus déstabilisantes de la journée. ~Superviseur.-Eh bien, laissez moi vous présenter une de nos plus récentes recrues alors. Vesper, pourrais-tu venir près de nous ?
La partie automate de ma personnalité me fit avancer vers le bureau. Je ne m'étais pas le moins du monde attendue à ce qu'elle demande notre participation aussi rapidement. Et tout cela ne présageait rien de bon pour moi. Je tentai de ne rien laisser paraître sur mon visage mais mon corps n'avait qu'une envie : s'enfuir à toute vitesse. ~Vesper-Madame... ?
~Superviseur.-Monsieur André, voici Vesper, l'une de mes nouvelles recrues. Elle a été durement entraînée et formée pour réaliser ce que nous attendons d'elle. Je crois que vous me comprenez. Vesper peut aussi se montrer très persuasive car nous lui avons appris à respecter les ordres. Contrairement à vous, cette jeune fille connaît sa place, voyez-vous.
~Monsieur André-Je vois surtout que vous allez chercher de plus en plus jeune. Ainsi, vous détruisez une vie alors qu'elle vient à peine de commencer.
Il exprimait volontairement un peu de pitié à mon égard, même s'il se doutait de ce que je m'apprêtais à lui faire subir. Cette pitié n'eut certainement pas l'effet désiré puisque me sentant jugée par un inconnu qui ne me connaissait que de nom, une irritation m'envahit. ~Superviseur.-Oh mais Vesper est bien plus mature qu'il n'y paraît. De fait, elle prendra à cœur toutes ses responsabilités, n'est-ce pas ?
~Vesper-Je connais ma place, oui.
~Superviseur.-Et cela même si c'est sa première mission.
~Vesper-On m'a entraînée pour cela...
Je me sentais marcher sur un fil, proche de la chute. Il fallait que j'y arrive, que je ne faille pas. Dans le cas contraire, je redoutais le pire de la part du Superviseur. A l'époque déjà, j'avais pressenti que rien ne ressortirait de bon si je décidais de me dégonfler. Je craignais le jour où je devrais affronter moi aussi, les rancunes d'un superviseur. Aurais-je moi aussi, la nuque fracturée ? ~Monsieur André-Elle est plus dingue que je le croyais alors ! Que lui avez-vous fait ? Exposer à des séances de lavage de cerveau sans doute.
~Superviseur.-Non, seuls la responsabilité et le devoir ont compté dans la motivation de Vesper. Mais vous ne pouvez pas comprendre cela. Le devoir vous est parfaitement étranger, n'est-ce pas ?
~Monsieur André-Vous êtes bien pire que votre élève, Superviseur, vous êtes atteinte gravement.
Mais le Superviseur n'en était pas le moins du monde affectée. En revanche, je devais bien admettre que les critiques de l'homme à mon égard n'était pas infondées. Ce que je disais, ce que j'allais faire, ce que j'étais prête à exécuter pour garder ma place, tout cela n'avait rien à voir avec la nuit dont « il » m'avait parlé. ~Superviseur.-Eh bien, trêves de politesse, Vesper. Saisis son bras, s'il te plait.
Le Superviseur venait de s'asseoir sur le bureau, tout à fait à l'aise par rapport à ce qu'elle venait de m'imposer. Je m'exécutai redoutant le pire. ~Superviseur.-Sors donc un de tes couteaux, sans lui tu ne me seras pas d'une grande utilité.
Ma bouche s'était asséchée, je voyais de plus en plus clair dans la tête sournoise du Superviseur. J'entendis presque mes pairs déglutir dans mon dos. ~Superviseur.-Jouons un peu. Pour un non, un doigt. Viendrez-vous avec nous ?
-En sachant que cela me coûterait la vie...
Le silence s'installa, je crus que mon estomac allait se vider en un instant mais une force sombre en moi m'imposa le contrôle total. Je ne faisais qu'observer la scène, comme si je n'y étais pas, comme si elle se déroulait derrière un écran et sur laquelle je n'aurais aucun impact. La réponse du client se fit attendre mais quand elle sortit, tout le monde dans la salle sentit qu'il lui en coûtait. Tout le monde sauf le Superviseur qui restait la même. ~Monsieur André-Non.
~Superviseur.-Non... ?
Elle semblait presque ravie par cette réponse. Comment la respecter ? Comment pouvait-elle même avoir pensé que l'un de nous pourrait tisser un lien avec elle ? C'était la personne la plus détestable qu'il m'avait été donné de rencontrer. Je serais bientôt la deuxième personne dans le classement, à cause d'elle. ~Superviseur.-Dans ce cas, Vesper, à ton tour.
Je mis quelques secondes, il ne fallait pas faire traîner la chose, car si j'y réfléchissais, je serais bientôt incapable d'écouter quoi que ce soit qui sortirait de la bouche du Superviseur. En commettant cet acte délibérément, je m'apprêtais à tuer ma conviction sur le libre choix. Je m'apprêtais à terrasser beaucoup de choses en lesquelles j'avais longtemps crues, je m'apprêtais à faire souffrir sans qu'il n'y ait eu vraiment nécessité de le faire, quoi que le Superviseur ait pu dire. Mais c'était trop tard, j'étais idiote, j'avais perdu volontairement mes idéaux. Je m'étais engagée alors que je m'étais longtemps doutée des pratiques d'une telle entreprise. Je pouvais m'en vouloir, oui, j'étais responsable moi aussi. La lame finit par s'abattre sur le pouce de l'homme sans qu'il ait pu réagir. Souillée, j'étais souillée. Je fus la plus proche pour entendre le cri de l'homme, sa souffrance était à hauteur de mon crime. Son sang, je l'avais sur mes mains. Il tomba à la renverse et perdit connaissance. Je dus m'appuyer sur un dossier de chaise pour ne pas en faire autant. Le Superviseur imposa aux autres de porter le client jusqu'à la sortie. Elle me tapota le dos, satisfaite. J'avais réussi mon premier test. Ô douce joie, doux cadeau. Si j'avais eu une once de courage en cet instant, je lui aurais crevé les yeux. Mais j'étais tombée plus bas que terre, je ne méritais même pas de la blâmer, je devais être sur le banc des accusés, et cet homme quoi qu'il ait pu faire devait se trouver sur celui des victimes. Je ne méritais pas la compassion. Je le crois toujours. Je restai dans la pièce vide, un peu. Je vomis. Je vidais ma conscience.
Quand nous partîmes, j'évitai de regarder le corps encore inconscient de l'homme que je venais de mutiler. Je cachais mes émotions mais ma pâleur était bien là. Je savais que le Superviseur avait les yeux sur moi, elle attendait de voir si j'allais réagir. Considérant que je pensais à l'époque que cela lui ferait trop plaisir, je n'en fis rien. Arrivés à la base, la journée était finie pour moi. Je n'arrivais pas à croire que je devrais en vivre plusieurs comme ça. Je ne pouvais imaginer qu'il me faudrait en vivre des milliers pour avoir la paix. On ne me posa aucune question. Ils me laissèrent tous tranquille, c'est ce que mon expression traduisait. Je rentrai chez moi, tout espoir de vie normale anéanti. Je n'osai même pas affronter le regard tellement humain de mes parents, je ne pouvais le supporter. Je ne méritais pas leur compassion, je ne pourrais jamais leur dire. J'entendais encore son cri résonner dans ma tête. Qu'avais-je fait ?