Il pleut. Le ciel pleure, et moi avec lui. Je regarde les perles qui tombent, et c'est beau. Régulières, sobres, les larmes coulent sur ma peau comme une caresse. Mon cœur saigne et de ses fissures s'écoule mon amour, pour toi. Les horloges sonnent l'heure, entends-tu leur cri ? Elles pleurent.

    Les murs sont des parois où l'eau s'écoule, lancinante et paisible mélodie. Regarde-moi, assise dans l'ombre à la lueur de nos mensonges. Toi, mon vendeur de larmes, mon amour, ma blessure. Regarde-moi, enfant perdue qui se meurt, qui t'adore. Laissons s'accomplir notre crépuscule dans l'infini de ce qui nous sépare.

    Je suis partie suivre l'aurore, et j'ai fait demi-tour en courant. Neuf cordes me lient à toi comme autant de liens immuables. Elles dansent, elles chantent, elles crient ton nom : Amour. Leurs masques défilent, larmes et sourires. Et toujours, elles chantent ton nom, Amour. Les chemins de verre se brisent sous mes pas, et je suis seule.

    Je foule la terre friable du précipice du désespoir, je suis là, lasse, tout au bord, et j'entends leur cri. Derrière moi, des rubans d'or et d'argent tissent les constellations de ma mémoire. Les étoiles brillent dans le ciel de mes larmes, bouées salvatrices avec ton nom écrit dessus. Je cherche des yeux le phare de la mer de mes sanglots, où es-tu mon phare ?

    Les neufs lumières tracent un chemin vers les colonnes de l'esprit, il pleut des corps, il pleut des morts. Déluge rouge, pluie sanglante, l'odeur âcre est insoutenable, je vois rouge, mon amour ! Je vois rouge, et les saintes m'entourent, m'enchaînent, m'enlacent de leurs bras de brume. J'entends leurs voix, elles sonnent comme l'espoir, elles ont un goût d'éternité.

    Le niveau monte et je me noie sous les vagues de sang et de sanglots, l'écume me toise d'un air réprobateur et, en colère, châtie mon audace de ses fouets violents. Il y a dans l'air comme un chant d'amour, il me berce et je voudrais pouvoir mourir ici, bercée par les flots des jours passés... Mais déjà je m'échoue sur le sable doré de demain, où m'attends un destin que je ne connais pas.

    Elles tressent la vie de leurs longues mains, prêtresses des arts, beautés incomparables, je les envie. Jalouse de leur indifférence, de leur liberté. Comme elles sont belles, ces saintes. Et elles ne cessent de chanter, je suis comme envoûtée par leur danse. Et la brume me dévoile un chemin, où, je le sais, je dois marcher seule. Mais je ne suis jamais seule.

    Car, jusqu'à ce que l'éphémère devienne éternité, partout où je vais, tu viens avec moi.