C'était une des nuits que l'on n'aime pas vivre. Ces nuits où l'on ne fait que penser sans être capable de trouver des réponses, sans savoir qui l'on est. Qui était Ukiyo ? Un consul ou un songe ? Il n'était entré au Consulat que pour servir les intérêts des songes, ses véritables amis. Néanmoins, avec le temps, il s'est attaché aux artistes. Peut-être était-ce justement parce qu'ils partageaient ce même amour pour l'art. Le peintre n'avait peur que d'une chose à cette heure ; son jugement. Ce dernier était-il obscurcit ? Il agissait parfois plus pour eux que pour lui-même, sans même se poser de questions. Il n'était pas sûr de vouloir ceci, c'était même plutôt l'inverse. Détestant ce sentiment de ne plus être maître de ses actes, peu à peu, malgré certaines amitiés, il commença à détester le Consulat. Un pion, ce n'était qu'un pion dans cet immense échiquier, mais ce qu'il désirait était la place du roi. Après tout, ce n'est pas le Consulat, mais bel et bien les songes qui manipulent. Alors, pourquoi, en sachant que ce n'est qu'un déguisement, cela lui pesait tant sur les épaules ? Rien avait changé depuis son arrivée. Il en avait fait le tour sans rien gagner à faire ceci. Une perte de temps, voilà ce que cette infiltration a été. Tout ce qu'il a fait aurait été possible sans chercher à se cacher de la sorte. Qui au Consulat est son égal ? Personne, Ukiyo est le plus fort, le plus malin, personne ne lui arrive à la cheville ! Pourquoi diable devrait-il faire se faire passer pour plus faible qu'il ne l'est ? Ce peintre n'a pas peur, alors rester terré comme ceci était devenu une simple stupidité. Le moment était venu, celui de montrer à Genesis et ses sous-fifres quel était véritablement le Peintre des Rêves.

    Dans sa chambre obscure, il regarda par la fenêtre tout en cherchant quelque chose d'assez évocateur. Non seulement, il devait faire comprendre qu'il n'était plus un consul, mais aussi qu'il ne l'a jamais vraiment été. Pire que cela, son but allait de leur montrer une image que jamais ils ne pourraient oublier. Une scène si dure que la simple évocation du nom d'Ukiyo reviendrait à les faire entrer dans une colère monstrueuse. Ça y est, il a trouvé ce qu'il allait faire. Un sourire dérangeant se fit une place sur son visage. Pour la première fois, les événements porteront sa marque et non celle d'une autre personne ou d'un groupe. Revendiquer cela lui permettra de s'émanciper.

    Il quitta alors sa chambre plongée dans la pénombre. Le premier couloir était vide, il avança lentement, maintenant une parfaite droiture. Puis vinrent les escaliers où il croisa une personne qu'il salua chaleureusement. À cette heure-ci, les consuls étaient pour la majorité tous endormis ou en mission bien loin du Jardin Radieux. S'il ne désirait pas cacher ce qu'il allait orchestrer, son désir était de ne surtout pas être dérangé dans les préparatifs.

    Les rues étaient froides, quelques secondes à peine et Ukiyo sentait ses doigts s'engourdir. Il se dirigea alors vers les dernières maisons de la ville, bien loin du dôme. La marche fut longue, mais cela lui permit surtout de voir quel recoins de ce monde étaient animés si tard. Deux personnes seulement avaient croisées le peintre, il allait être tranquille. Finalement, il arriva là où il voulait, devant une maison inhabitée, mais encore en bon état et très facilement reconnaissable. Ce qui était au milieu de nulle part allait être le centre de tout. Il pénétra cette bâtisse et inspecta les lieux. Pas d'étage, une cheminée encrassée par la cendre. La cuisine et le salon n'étaient pas séparés, les chambres étaient un peu plus loin. Il avait assez de place, plus qu'il ne lui en fallait.

    Ukiyo ressortit alors, assez satisfait de ce lieu à l'abri des regards indiscrets. Il ne lui restait plus qu'à trouver divers ingrédients. La lune était imposante, ce satellite qui bien souvent fut témoin des agissements de ce songe. Un paradoxe, si l'on sait qu'Ukiyo ne jure que par Amaterasu, déesse du soleil. Il faut parfois rester dans l'ombre avant de briller, dire que l'on est faible avant de montrer sa toute puissance. La nuit allait être longue, mais elle vaudra le coup de son acharnement.

    Le songe déambula dans les rues un long moment avant de trouver quelque chose d'intéressant. Cela lui remémora la fois où il avait pris huit personnes pour les tuer de huit façons différentes. Chaque mort était faite de façon à ce qu'elle rappelle chacun des huit éléments de Yamata-no-Orochi. En ce temps, il pensait que cela réveillerait le Consulat, que ça lui permettrait de faire une chasse à l'homme contre ce perfide serpent. C'était crédule de penser cela, il s'en rendait aujourd'hui compte. En cette nuit troublée, le chiffre qui sera mis à l'honneur n'est autre que le neuf. Un cran au-dessus, pour surenchérir. Dans le shintoïsme, c'est un chiffre qui évoque la malchance, mais plus particulièrement la souffrance de par sa prononciation. C'est également la forme du Magatama que porte Ukiyo en guise de pendentif. L'on peut pousser le raisonnement plus loin encore, c'est le nombre de muses que vénèrent les artistes, le nombre des vies d'un chat et bien plus encore. Neuf est un chiffre plein de symbole, un chiffre marquant. Il allait maintenant appartenir au peintre.

    Il y avait une maison où une femme vivait seule, en face d'Ukiyo. Il n'allait pas se déranger et commencer par là. Il se dirigea vers la porte d'entrée et la frappa, attendant que l'on vienne lui ouvrir. Il patienta quelques cinq secondes et la porte s'ouvrit. La femme, dans la fleur de l'âge et à peine réveillée passa la tête. « Qu'est-ce que c'est ? » demanda-t-elle sur un ton agressif. « Bonsoir, désolé de vous déranger à une heure si tardive, mais le Consulat m'envoie pour une affaire urgente. Je m'appelle Ukiyo. » La jeune femme marqua un temps de pause. « Consulat... Mouais entrez, j'ai pas envie d'avoir d'ennuis. » Sur ces mots, le songe fit ce qu'elle lui autorisa de faire. L'intérieur était cosy, bien entretenu. Ils se dirigèrent vers la cuisine. « Je vais me faire couler un café, vous en voulez ? » « Oui, merci, la nuit risque d'être longue. » Elle mit la cafetière en marche et proposa à Ukiyo de s'asseoir d'un geste de la main.

    Maintenant assis, avec chacun une tasse dans la main, ils allaient pouvoir discuter. « En quoi puis-je vous être utile ? » Ukiyo but une gorgée de ce café et fut étonné qu'il soit si fort. Il prit alors quelques instants avant de répondre. « Ne tournons pas autour du pot, vous êtes une élue. » La femme recracha son café d'un seul coup. « De quoi ? Moi élue ? Je savais pas que le Consulat était du genre à faire des blagues de mauvais goûts. Vous êtes le comique de service, c'est ça ? » Le songe fut agacé par ses paroles, il se demandait même pourquoi il se donnait tout ce mal. Dans un soucis de discrétion, certainement. « Je vous assure que ce n'est pas une plaisanterie, venez avec moi que je puisse vous le prouver. » Elle afficha un visage décontenancé. « Je ne sais pas si je dois vous croire... » « Je vous comprends parfaitement, je n'y croyais pas non plus lorsque l'on m'a dit que j'en étais un. » Pour appuyer ses propos, Ukiyo se concentra sur le café. Peu à peu, le liquide se mit en lévitation pour finalement retourner dans la tasse. « Vous voyez ? Avec de l'entraînement, je peux maintenant faire bien plus que cela et ce pouvoir est à portée de votre main. » « J'ACCEPTE ! » hurla-t-elle, voulant être capable de telles prouesses également. « Bien. » conclut-il.

    Ils marchèrent alors dans les rues en direction de la bâtisse qu'avait repéré Ukiyo précédemment. « Pourquoi allons-nous ici ? On doit pas aller au quartier résidentiel ? » Ne pouvait-elle simplement pas se taire ? Était-ce trop demander ? « Entrez et vous comprendrez » dit-il sèchement. Alors, c'est ce qu'elle fit, elle poussa la porte un peu inquiète. Elle se posa des questions lorsqu'elle remarqua que l'intérieur était vide, mais elle n'eut pas le temps de se retourner lorsqu'elle fut projetée en avant. Ukiyo attrapa son pinceau et peignit des cordes qui prirent vie. Suite à cela, il manipula le cordage pour attacher la femme, puis il s'approcha. « Vous allez participer à un grand projet. » finit-il par dire avant de lui mettre un morceau de tissu dans sa bouche. Elle allait enfin la fermer.

    Pour le moment, tout allait comme le songe le désirait. Il restait encore beaucoup à faire cependant. Il partit à la recherche d'une nouvelle personne, le pus proche serait le mieux. « Monsieur ! » C'était un jeune garçon de huit ans tout au plus qui l'appelait. Ukiyo le reconnu de suite, c'était un des enfants dont il s'était servi à ses fins. « Ca fait longtemps qu'on ne vous a pas vu ! » « En effet, mais je préfère que l'on discute à l'intérieur, si cela ne te dérange pas. » Le gamin ne réfléchit pas et entre dans la maison. Après quoi, le peintre lui fit la même chose qu'à la femme. Il était tombé de lui-même dans la gueule du loup. C'en était risible, à tel point qu'Ukiyo garda un sourire ancré sur son visage pendant plusieurs minutes.

    Retour à la recherche d'individus. Jusqu'ici, Ukiyo avait été extrêmement chanceux. Il espérait que cela allait continuer sur le même chemin. Le temps passait, mais le peintre devait finir avant que le jour en se lève, simple souci de confort. Marchant, plus déterminé que jamais, il scruta autour de lui si des lumières n'étaient pas allumées dans une maison. C'est ainsi qu'il préférait opérer, cela lui permettait de voir ce qu'il y avait dans le bâtiment avant d'y entrer. La pénombre a des qualités, mais aussi ses défauts assez fâcheux. Malheureusement, à cette heure tardive, tous dormaient. D'ordinaire, il y avait toujours une ou deux personnes à rester éveillées, ce qui n'était pas le cas aujourd'hui. À chaque problème, sa solution. Ukiyo, bien que peut enclin à aller dans ce sens, désirait, loin au fond de lui, devenir polyvalent. La peinture, il y a des dizaines de variantes, elle ne s'enferme pas dans un style unique. Le peintre, lui aussi, peut alors être bien plus que cela. Maître du psychisme et de l'endurance, c'est également un mage. Oh bien sûr, comparé à de nombreux autres, le songe n'est qu'un piètre magicien.

    Il s'approcha d'une maison, ferma les yeux et ce concentra longuement. Des faibles échos retentirent dans son esprit qui augmentèrent en intensité au fil des secondes. Deux personnes, grâce au sonar, Ukiyo savait qu'il y avait deux âmes à l'intérieur. Il prit le temps de la réflexion et décida que ce n'était pas une menace au plan. Maîtriser deux personnes à la fois, restait facilement à sa portée. Il força la serrure à l'aide de son mental, sans peine et entra. Les cibles dormaient dans le même lit, dans la première pièce après la cage d'escaliers. Silencieusement, lentement, il s'approcha du sommier. Soudain, la lumière s'alluma et en sursaut, le coupe s'éveilla. Rouge, des yeux d'un rouge profond est ce qu'ils purent voir. Bien vite, ils comprirent qu'ils étaient bloqués, victime de leur corps.

    Le peintre colla son visage à celui de la femme qui commençait à pleurer. Ses lèvres s'approchèrent doucement d'une oreille qu'il mimait croquer. « Une si belle plante que toi... Pourquoi n'ai-je pas profité de ces plaisirs avant ? » Il se retira subitement, un rictus malveillant sur le visage et se tourna vers l'homme. « Ne t'inquiète pas, je ne vais pas lui faire ce que tu penses. » Il disait cela, pensant à autre chose en même temps. Les plaisirs... Toute sa vie, il n'avait fait que se brider et se borner, mais lui aussi avait le droit de vivre, de vivre normalement. Ukiyo ne pouvait s'empêcher de fixer la femme... Si belle... Si fragile... Avec sa peau si douce et ses yeux hypnotisant. Il se reprit une nouvelle fois.

    « Mais vous, vous en fichez de mes projets. Il n'y a que votre vie qui compte, le Consulat, la Coalition, rien à faire ! Mais vous vous rendez compte si on était tous comme ça ? C'est la guerre ? Boh, pas grave, je me suis acheté une nouvelle cuisine toute équipée avec une machine à expresso... » Il guetta une réaction d'une des deux personnes, mais bien évidemment, rien d'autre qu'un regard apeuré. L'air s'alourdit. « D'ailleurs, elles sont plutôt bien ces machines, je suis allé chez quelqu'un tout à l'heure qui en avait une. J'aime assez je dois dire. Vous ne vous êtes jamais demandé qui faisait les cafetières ? C'est vrai ça, je pense pas que ce soit la Shin-Ra, ce n'est pas tellement dans leur domaine, quoique, ce ne serait qu'un meilleur profit. » L'atmosphère se fit encore plus pesante. « Tout ça pour dire, que ce gars là, il n'a pas fait que créer la cafetière, il a vu bien plus loin. Il a étendu son projet bien plus loin et vous, c'est pareil, vous êtes mes machines expresso. » Et finalement, l'air trop accablant fit tourner l'oeil du couple qui s'évanouit. « Manquait plus que ça... » Il allait devoir les amener lui-même à l'autre maison, le tout sans être vu.

    Après tout, de quoi s'inquiétait-il ? D'être vu par un passant, mais ce serait même mieux ainsi. Il n'aurait pas à chercher une nouvelle personne qu'elle se présenterait d'elle-même. Ukiyo finit par s'amuser lui-même. Il avait tellement l'habitude de devoir se cacher que c'en était devenu maladif. En cette nuit, les rumeurs qui pourraient le concerner de près ou de loin seront bonnes à prendre. Le peintre commença à tirer le premier, mais il remarqua vite que c'était dur et plutôt fatiguant. Seulement, s'il usait de son psychisme, encore, il n'allait peut-être pas tenir la forme jusqu'au lever du jour. Encore et toujours des interrogations, le songe ne savait visiblement pas de laisser aller. Il allait y travailler, cela allait prendre du temps, mais ce sera mieux.

    Il usa donc de son psychisme, déterminé à en finir au plus vite et son endurance n'a nul égal. Alors qu'il avançait, suivi par deux corps en totale lévitation, son œil droit clignait frénétiquement. Il ignora ce symptôme et continua la marche sans être interrompu une seule seconde. Pour les troisième fois, il allait ligoter et séquestrer. Maintenant, il lui restait encore cinq personnes...




    « Tu croyais pouvoir venir chez moi et m'emmener comme bon te semble ? » Hurla l'homme aux cheveux blonds et yeux verrons. « Ce n'est qu'une question de temps avant que tu ne rejoignes les huit autres. Que tu portes le chiffre de la malchance ne change rien pour moi ! » Affirma Ukiyo, plus déterminé que plus tôt encore. « Dans ce cas, que le meilleur gagne ! » Le blond jeta un couteau droit vers l'oeil du peintre qui l'arrêta sans peine. Il se mit à sourire. « Si ce n'est là que ton meilleur coup, ce sera vite fini, j'ai encore assez de réserve pour t'écraser telle une mouche et m'amuser avec toi jusqu'à la prochaine pleine lune. » Il ne se mettait même pas en position de défense, laissant le poignard tomber lourdement au sol. « Des mots, ce ne sont que des mots... »

    Soudain, des lianes gigantesques sortirent du mur derrière le songe pour l'attraper aux poignets et aux chevilles pour finalement le plaquer au sol, sur le dos. D'autres plantes grimpantes se dirigèrent vers lui avec les extrémités aussi tranchante que le rasoir. La douleur se fit perçante, atroce, mais Ukiyo n'allait pas faire le plaisir d'échapper un cri de souffrance à son adversaire. À l'inverse, il garda les yeux ouverts dans un regard mélangeant haine et satisfaction. « Vas-y... Continue, tu t'épuiseras avant moi. » Le blond renforça la puissance des lianes, Ukiyo serra les dents, ses sourcils se froncèrent, les yeux se fermèrent. L'agonie était présente, il pouvait la ressortir là où la végétation tailladait sa chair telle une lame d'épée. Tout ceci n'était rien comparé à ce que les neuf allaient subir, rien.

    « Bon. » Dit-il lorsque le mur où étaient les lianes explosa. Le songe se leva époussetant ses vêtements du revers de la main. Le blond n'attendit pas qu'agisse son agresseur pour lui sauter dessus et le ruer de coups. Des gerbes de sang s'éclatèrent sur le sol, mais Ukiyo affichait ce rictus malsain qui ne faisait entrer le blond que dans une colère plus folle. « Ce... sera lent... et douloureux, crois-moi sur paroles. » Mais il ne s'arrêtait pas de le bastonner quand peu à peu, il remarqua que les coups qu'il donnait lui faisaient mal, de plus en plus. Il ne vit pas que durant un instant, la projection d'une épée est apparue au-dessus de sa tête. Le blond continua encore et encore jusqu'à avoir les mains en sang, les larmes aux yeux et s'effondrer pathétiquement. « La force pure sans stratégie ne mène jamais nulle part... » Ukiyo resta tout de même très épuisé par tout ce qu'il avait fait jusqu'ici. Il décida de fermer les yeux, rien qu'une minute.

    Lorsqu'il les rouvrit, il remarqua s'être endormi. Il se releva promptement, les corps endolori par les courbatures. Il jeta un œil au travers de la fenêtre, la nuit était toujours présente, mais peut-être plus pour longtemps. Le neuvième, quant à lui gisait toujours sur le sol sur lequel étaient jonchés de nombreux gravas. Ayant repris quelque peu son énergie, il aura suffisamment assez pour finir le travail.


    De retour sur la scène principale qui ne voit apparaître son moment de gloire que maintenant, peu avant les premières lueurs de l'aurore. Les neuf victimes étaient ligotées devant lui, certaines pleinement consciente, d'autres endormis ou dans un coma léger. Ukiyo s'avança près du premier qui n'était pas éveillé, attrapa son pinceau et commença à dessiner dans le vide. Une scie apparut et il l'attrapa fermement, lançant par la même occasion un clin d'oeil un l'un de ceux qui le regardaient.
    Il débuta par les chevilles, la chair se déchira, puis très vite, d'atroces cris de douleur, mais hurler ne servait à rien. La maison restait suffisamment en retrait pour que personne ne puisse les entendre. Il ne s'arrêta pas et vinrent les craquements des os, le sang coulait à flot. Une fois les deux pieds tombés, l'homme aux membres sectionnés s'évanouit de nouveau. Ce à quoi Ukiyo répondu par le tranchage des poignets. L'hémoglobine lui éclaboussa le visage, il y prenait un plaisir plus malsain que jamais. Il fut un temps où il aurait vomi en voyant l'horreur qu'il infligeait, plus maintenant. Amaterasu sauvera les hommes, mais les punira également. Pour finir, il lui trancha nettement la jugulaire pour abréger ses souffrances.

    « A qui le tour ? » dit-il en essuyant le liquide rougeâtre de ses mains à l'aide d'un morceau de tissu. Deux femmes tentaient de s'échapper en rampant maladroitement. Ukiyo jeta le chiffon et s'approcha d'elles. « Des volontaires, je suis fier de vous. » Il se baissa à leur niveau et posa une main sur leur tête. Il ferma alors les yeux et entra en concentration. Le peintre n'entendait plus rien, ne sentait plus rien, en pleine méditation. Ses victimes commencèrent à gesticuler, sous la peau de leur ventre, l'on pouvait voir des mouvements, comme un animal les rongeant de l'intérieur, mais il s'agissait des organes. De nouveau, des hurlements, de la terreur dans les yeux de ceux qui étaient présents. Très vite, le cerveau n'était plus irrigué et les deux personnes étaient prises de violentes convulsions jusqu'au décès. Ukiyo se redressa, mais fut victime de vertiges, il lui fallu quelques secondes avant que cela ne cesse.

    Le temps pressait, quelques lueurs apparaissaient. Il décida alors d'en finir une bonne fois pour toute, la torture n'était pas nécessaire, tant que le résultat final était là. Il se concentra alors et les corps en vie se soulevèrent, alors il les cogna encore et encore contre les murs, le sol et le plafond. Il y eut de nombreux bruits d'os brisés, des hurlements étouffés et du sang partout. Toute la pièce en était recouverte, il n'y avait plus que du rouge et rien d'autre. Les personnes étaient méconnaissables, réduites en bouillie, il y avait même de la chair qui était restée collée sur les parois, les yeux crevés, la mâchoire disloquée. Ukiyo tomba à la renverse, il avait trop puisé dans ses réserves. Il avait toujours assez de force pour se relever et agir normalement, mais il ne devait plus utiliser ses pouvoirs. Il se sentait comme les acteurs de théâtre après une représentation.

    Il se mit à marcher, assez lentement et attrapa des vêtements de rechanges qu'il avait pris soin d'emmener avant de commencer. Il se changea vite, il ne restait maintenant qu'une chose à faire. Il prit la toile vierge et le chevalet qui étaient avec ses changes. Il alla donc à l'extérieur et se mit à peindre la maison. Elle était unique dans son genre. Jolie ? Non, mais aisément repérable. Il en fit une réplique parfaite, nul consul ne pourrait ne pas la reconnaître. Il se mit aussi à écrire sur un morceau de papier qu'il accrocha à la toile peinte.

    Maintenant devant le dôme aux neuf tours, il resta figé quelques instants. Ukiyo observait le lieu où il avait dormi de très nombreuses fois, où il avait travaillé pour ceux qui y vivaient. Cet endroit où plus jamais il ne serait le bienvenu. Il salua chaleureusement les quelques consuls déjà réveillés et posa le tableau sur une commode. Elle ne tarderait pas à être vue, c'est pourquoi il s'en alla sur-le-champ. Il monta très vite à bord de son vaisseau, personne ne l'avait intercepté, il est maintenant déjà partit, bien trop loin pour être rattrapé.

    Sur le mot laissé sur la peinture, l'on pouvait lire :

    « Genesis, tu m'as montré la tienne, voici mon aile noire. »