C’est ça… C’est tout à fait ça…

    Un jour, tous les grands sages et philosophes, les vieux anciens avec de longues barbes, tu vois… Ils diront tous de ce gars-là, tu sais… Jecht…

    Ils diront tous que j’étais le plus grand fléau des bateaux de tous les temps ! On m’appellera « Le croque-mort des Epaves !! » Ou encore… « Le Monstre marin ! ».

    Je les vois déjà… Des étoiles plein les yeux… Même les philosophes auront des étoiles plein les yeux ! Après tout… Socrate n’a pas parlé des exploits d’Hercule avec passion ? Et Confusius a fait pareil avec des tueurs de dragons, j’en suis sûr. Et quand Panoramix a conté des histoires !! C’était pas celles d’héros ?!



    C’est fou ce que je suis classe… Même comme ça…

    J’étais dans l’eau… Un élément que je contrôle, que je domine mieux que tout le monde ! Personne ne nage mieux que moi, personne ne règne sur l’océan comme moi je le fais ! Sous l’eau, je peux tenir super longtemps sans respirer… Quand je plonge, j’oublie presque que j’ai des limites, je les ignore…

    Là c’était pas pareil, c’en était presque dérangeant. J’avais plus de pantalon…



    Je me demandais comment ça ferait de le dire comme ça… « J’ai plus mon pantalon, je suis complètement à l’air et c’est super confort », ça doit vouloir dire ça… J’adore l’idée. J’ai plus de pantalon mais si ça peut rassurer les coincés, les pudiques et les complexés, j’avais plus vraiment quelque chose à cacher sous mon pantalon ! Plus de jambes, si tu veux… J’étais complètement nu mais bon… En gros, à la place de mes jambes, direct au niveau des hanches, le bas de mon corps était une puissante queue de requin. J’étais une sirène mais pour faire genre je suis pas une tapette, on va plutôt dire que j’étais un hybride, mi-homme mi-requin ou dauphin, en fait mais on s’en fout…

    Euh…

    Ah ouais, pas besoin de te démontrer tout l’exercice pour apprendre à nager dans ce monde… J’avais vite maîtrisé, comme d’habitude, quoi.
    Par contre, ce qui m’emmerdait, c’est que je respirais sous l’eau… Ca c’était carrément chiant, je perdais à peu près tout espoir de me dépasser, d’être encore meilleur. En gros, j’avais l’impression de faire une course contre un vieux qui me laisse un tour d’avance… C’est trop facile !

    … Bon.
    Voila, j’y suis allé… Le vaisseau m’avait déposé pas loin du tout des côtes… Près d’un port…

    Je suis directement monté à la surface, laissant tournoyer ma longue et blonde chevelure dans le vent froid… Oh putain ouais, il faisait froid… Bon en même temps, j’étais tout nu, mode requin… Oh bordel ça m’embrouille. Pour la faire courte, j’avais rien sur moi si ce n’est mon brassard de métal sur mon bras gauche et pas d’armes… Non… Non, bordel, j’avais toujours pas été la chercher, je savais pas où j’l’avais planqué, c’te con.

    On pouvait bien voir toutes mes cicatrices, tu me diras que je suis tout le temps torse nu mais j’avais l’impression que c’était encore plus flagrant… Même sur ma queue de requin, y avait de larges balafres. Et y avait ce tatouage encore et toujours là sur mon torse, lui j’étais quand même super content qu’il soit toujours là. Mon tatouage !! Celui de Jecht !

    Ah ! C’est à ce moment-là, je les ai vus… Trois gros bateaux, des trois-mâts… Ici, c’était pas Port Royal et leurs navires puants, ici c’était sérieux, c’était beau, c’était cool ! Les navires partaient vers une direction, je les ai suivis… Mon rôle : Les détruire… Faire croire à une attaque d’un terrible monstre marin. Juste génial !

    J’ai replongé mais ne suis pas allé à plus de deux mètres de profondeur et j’ai suivi les trois bâtiments… Moi je suis rapide comme nageur mais sous cette forme, sans même compter que j’avais plus besoin de perdre du temps à respirer parce que c’est des conneries… Bah sous cette forme, j’étais carrément une flèche. Sans me forcer, j’allais à la vitesse des bateaux.

    Et une deux heures plus tard… C’était bon, on était assez loin des côtes…



    Prêt pour le spectacle.

    J’ai nagé à fond vers les profondeurs et en direction des trois bateaux... A une de ces vitesses épatantes… J’adorais carrément ça, je te jure…

    En trente secondes, je pouvais les voir au-dessus de moi… Qui brisaient la mer sans peur, super certains. Ils avançaient en triangle, deux en tête et un juste à l’arrière… Oh le truc !

    J’ai nagé vers le dernier des trois… Sans remonter à la surface, j’ai attrapé fermement la coque du bateau et j’ai tiré… Ou plutôt, on va dire que j’ai empêché le bateau d’avancer… Les deux navires ont continué à naviguer peinards, sans se rendre compte… De là où j’étais, tout était trop flou pour que je sache quel effet ça faisait aux marins…

    Oh écoute… Je me sens de te le raconter différemment ! En gros ! Tout ce que j’ai fait et comment ça leur a foutu la pétoche et tout !

    Les deux premiers navires prenaient de la distance sur le dernier… Les marins des deux premiers se sont ramenés en masse sur le pont et ont regardé comme des bêtes curieuses le retardataire, complètement immobilisé. Alors bon, ceux du dernier navire… Immobilisés, effrayés. Leur bateau n’avançait plus pourtant y avait du vent, les voiles étaient tirées. Le capitaine est sorti de sa cabine, tout beau, tout fringuant…

    Alors là, bon, déjà cent mètres qui distance ce navire là des autres… L’un d’eux crierait genre :


    « Qu’est-ce que c’est que ça ?! »

    Alors brusquement, le navire a tremblé, s’est mis à être bousculé comme en pleine tempête. Des cris de peur, de colère, de surprise ! Les autres navires commencèrent à flipper et là… Le bateau a reculé… J’ai trouvé ça super cool de le faire reculer, histoire de creuser le fossé entre les équipages mais surtout pour qu’ils stressent encore plus…
    Il a reculé… De cinquante mètres et y avait pas une personne pour savoir que faire, la plupart s’était armée mais… Ouais voila, ils avaient rien à faire de leurs armes, une belle bande de gros nazes… En même temps, dur de se douter que j’étais là.

    Le bateau s’est immobilisé… Quinze secondes pour finalement bouger plus violemment… Comme si sa poupe devenait super lourde, l’avant du bateau a décollé de la mer… Et putain je peux te dire que ça faisait mal… Soulever un bateau, c’te bonne blague…

    L’avant est allé encore plus haut… Sous les hurlements de l’équipage et brusquement !! Tout a lâché, il est retombé sur la mer dans un fracas énorme.


    « Tous à vos postes !! On est attaqué !! »

    Non je l’ai pas inventé… J’ai réellement entendu ça tant c’était crié super super fort, avec une rage énorme. Et quand j’ai vu que les deux bateaux se retournaient enfin pour aider le navire que je sabotais… J’ai frappé le fond du navire avec une force de malade, perçant complètement le bois… J’ai frappé, encore et encore, une belle dizaine de fois j’ai fait un énorme trou dans la coque. Le bateau a coulé, à une vitesse hallucinante…

    L’un des deux autres navires a alors été secoué, lui aussi… Un gros coup qui l’a bien fait tanguer, arrachant un bon cri du beau petit monde… Un bon coup d’épaule d’acier de ma part… J’ai fragilisé la coque, y a eu des fuites d’eau, c’est sûr. Une autre secousse, différente. Le gouvernail du bateau a été complètement arraché, il flottait déjà à côté du navire.

    Direct, j’ai abordé le troisième navire… Je me suis mis en-dessous du navire, à genre vingt mètres de profondeurs… Et avec toute la vitesse que j’avais pas d’habitude mais qu’me donnait le mode hybride, je suis remonté comme une torpille sur le bateau, bras gauche en avant et j’ai éclaté le bateau sous mon poing, le brisant en deux.

    Et voila tout ce que j’espérais !! Le deuxième navire sans gouvernail a sorti les rames et a abandonné ses copains pour se casser comme pas permis…

    J’avais probablement eu l’air d’une sorte de monstre invisible… Chais pas… Mais j’avais ce que je voulais. Un bateau assez intacte pour arriver un jour sur la terre ferme… Mais assez saccagé pour que ça prenne plusieurs jours, que la peur grandisse, qu’ils deviennent complètement parano…
    Panoramix serait fier de moi…

    Bon, ici par contre, il a fallu que je m’assure de ma réussite, bon… J’ai coulé tous les marins, deux par deux, pas super de gaieté de cœur mais c’était le genre de truc auquel on m’avait entraîné des dizaines d’années pour que finalement, ça me dégoûte plus… Moralement, ça m’affectait pas. Je dis pas, tuer un mec dans la rue parce qu’il me regarde de travers, je peux pas. Mais dès que je suis en mission, dès que j’ai un truc sérieux à faire, y a plus tant de morale. Faut ce qui faut, je fais pas plus de morts que besoin mais c’est sûr que c’est dégueulasse de penser comme ça, je crois…

    Une fois que j’ai coulé tous ces gars, plus qu’une dernière chose à faire… Suivre et harceler sans me montrer le navire survivant… Genre les bousculer au possible, leur faire perdre la tête jusqu’à ce qu’ils soient devenus sûrs qu’y avait une bête qui les suivait.

    Je les ai fait chier les trois premiers jours… Le quatrième, je leur ai laissé, quand même.