• Il était là, assis sur un banc un jour de beau temps et il songeait. Il faisait le bilan de ces derniers temps, de ce qu'il avait fait. Tout n'était qu'agissement dans le but de sauver Amaterasu, les actes n'étaient pas toujours de bonté mais il y avait une raison. Il faut combattre le mal par le mal et comme le mal personnifié pour Ukiyo est à l'origine de la disparition de sa déesse, il ne faisait que se rapprocher d'elle. Yamata no Orochi, chaque nuit de sommeil profond, le peintre sentait que sa présence grandissait, qu'il prenait de l'ampleur au fil des jours. Toujours sur son banc, il observait des enfants qui jouaient aux billes, il savait ce qu'il devait faire pour que son infiltration ne soit pas vaine. Mais il restait là, sans bouger à les regarder, tout ce qu'ils pouvaient faire montrait que c'était de la mauvaise graine. Des enfants de la rue certainement, un peu comme l'a été le Songe il fut un temps. Ils détournaient l'attention avec leur jeu de bille pendant que les autres volaient les passant. En tant que Consul et sur son territoire, Ukiyo aurait pu les arrêter, se dire que ça le rendrait plus proche du groupe d'artistes, mais il n'en fit rien. Il savait quoi faire, il attendait seulement que le temps passe encore un peu et qu'il y ait moins de monde.

    Au bout d'un temps, il se leva, décidé à agir. Il avait sur lui un sac avec des bijoux qu'il venait de créer. Il s'éloignait pourtant d'eux alors qu'ils ne l'avaient pas encore vu. Sa direction était une simple ruelle, déserte et donc tranquille. Il devait se masquer, une fois de plus pour qu'aucun incident ne puisse lui être mis sur le dos. Mais au lieu de faire comme à son habitude et de prendre le masque d'Osiris, il mit juste un foulard ne laissant voir que ses yeux. Le masque étant utilisé pour des actes plus ou moins douteux, il ne fallait pas créer le moindre rapprochement. Ceci fait, il ne restait plus qu'à agir. Autant ce qu'il devait faire lui fendait le coeur et en même temps, ça l'arrangeait. C'était du sabotage en bonne et due forme. De là où il était, il envoya d'abord un collier près des enfants, agir à distance était son point fort. Les garnements ont vite remarqué ce qui se trouvait au sol, plus loin, des boucles d'oreilles. De formidables butins pour eux, c'était beaucoup d'argent à gagner.

    Une chose en amenant une autre, le groupe d'enfants de retrouvait dans une maison inhabitée. Elle avait été abandonnée il y a un mois, tout au plus. Ils commençaient à sentir qu'ils tombaient dans un piège seulement tout cet argent, ils en avaient besoin. Il aurait été plus qu'idiot que de laisser passer cette chance, cette opportunité de vivre plus confortablement. Mais ce qu'ils tenaient dans leurs mains commençait à se liquéfier, à se transformer en de l'encre pour ensuite disparaître. Le retour au rêve comme l'appelait le peintre. Les portes se fermaient alors brusquement pour ne pas les laisser sortir. Dans la rue, ils se prenaient pour des durs mais une porte qui claque subitement les avait effrayé.

    -Bien le bonjour jeune gens.

    Le Songe arrivait avec une phrase de courtoisie sachant pertinemment que le retour risquait d'être plus violent. Il n'était pas du genre à s'attarder sur ce genre de détails. Seul l'objectif importait et il n'allait pas le quitter des yeux. Avant même que les enfants ne puissent répondre, il repris la parole pour garder le contrôle des évènements. Oui, perdre son emprise sur les choses était souvent bien mal vécu pour le peintre.

    -Aimez-vous le Consulat ?

    Se voir poser cette question pas un homme masqué, on pouvait s'attendre à tout sauf à ça. Mais c'était bien ce qu'il venait de prononcer se doutant là encore, de la réponse.

    -Non ! Ma maman elle dit que si on est pauvre c'est de leur faute !

    -Oui c'est vrai, ils font payer très cher et protègent mal !

    Ils répondaient avec une telle aisance comme s'ils avaient attendu cette question depuis des années. Il est vrai que la taxe pouvait se révéler dure à gérer pour certains foyers. En plus de ça, une maladie frappait les habitants du Jardin Radieux, sans compter qu'il y a quelques temps déjà, une maison entière avait été brûlée. Comment avoir une bonne place dans le coeur des ces personnes si la seule chose visible est la misère ?

    -Je peux vous rendre riche mais il faudra me rendre un petit service.

    -T'es louche monsieur !

    Franc et surtout incalculable, les enfants parlaient des fois pour ne rien arranger. Ils sont si choux quand ils savent se taire mais ce n'était pas grave.

    -Possible, mais je vous propose de vous en prendre à ce cher Consulat, la récompense étant ce que vous aviez dans les mains tout à l'heure.

    -C'est vrai ?

    -Bien sûr, mais il faudra être patient et faire ce que je dis.

    -D'accord !

    Crédules, oui, ils étaient crédules, ça faisait de la peine à voir, presque assez pour que leur peintre donne une réelle récompense. Mais s'il le faisait de suite ils n'obéiraient pas et ce serait trop simple.

    -Pour commencer, je dois m'assurer que vous sachiez ce qu'est le Consulat.

    -Ce sont des gens qui... Qui font de l'art ! Ouais c'est ça, de l'art !

    -Ouais mais dès qu'on sait pas faire bien comme eux, bah ils sont moins gentils !

    -Mes enfants, ils ne savent pas réellement ce qu'est l'art. Pour eux, ils cherchent seulement à faire des choses que peu de gens savent faire. Ils se sentent ainsi supérieur mais c'est faux, absolument faux. L'art vient du coeur et si c'est le cas, alors c'est beau, ni plus, ni moins.

    Il pourrait dire ce qu'il voulait que les enfants seraient prêts à le croire. À cet âge ils sont facilement manipulables et quelque part, ça arrangeait tout le monde. Les enfants pourront croire faire de l'art et Ukiyo écarterait ceux qui veulent s'aventurer dans son domaine. D'une pierre, deux coups.

    -Alors je veux que vous fassiez quelque chose pour moi. C'est un secret, il ne faut pas dire que quelqu'un vous l'a demandé, c'est d'accord ?

    -Oui !

    En réalité, plus étonnant que leur crédulité c'est qu'ils puissent parler s'en problème à un inconnu dont le visage est couvert. L'insouciance de la jeunesse sans doute, enfin là n'était pas la question. Le peintre ouvrait alors un grand placard dans lequel se trouvaient des pinceaux mais également des pots de peinture.

    -Je veux que vous preniez chacun un pinceau et la peinture qu'il vous plaira. Sur n'importe quel support, vous répandrez l'art, le vôtre et non celui du Consulat. Si des peintures ne vous plaisent pas, repassez par dessus ci ça vous chante. Vous avez carte blanche mes enfants. Une chose encore, n'entrez pas dans les bâtiments du Consulat, par simple mesure de sécurité.

    -Okay monsieur et la récompense alors ?

    -Pas de suite, quand je jugerai le moment opportun.

    Ainsi, toutes les personnes se sont séparées pour faire ce que chacun avait à faire. Ce n'était que les prémices d'un changement, le meilleur restait à venir.