- Il ne put être plus satisfait de ne pas avoir de cœur à ce moment là… Si sa vie tombait en morceaux, il pouvait le supporter et cela grâce à ce fardeau lourd de sens… Pas de regrets de ce qu’il laisserait derrière lui quand le dernier clairon sonnerait. Ni cela ni rien d’ailleurs. La peur était un sentiment oublié, la nostalgie l’avait assez consolé… Et les doutes étaient partis avec Henri… Certes il ne le combattrait probablement pas avant qu’ils ne se rencontrent à nouveau dans l’au-delà. Mais ils étaient des hommes de paroles, nul doute qu’ils pourraient un jour croiser un fer plus hargneux que jadis.
…
Xaldin était debout, face aux barreaux de sa cellule, donnant sur l’extérieur, sur une vue agréable et tranquille de la ville de Disney, abandonnée depuis longtemps. D’ici, elle n’avait rien perdu. Cette ouverture sur le monde extérieure était petite et haute, mise de façon à ce que durant une bonne partie de la journée, le soleil puisse envahir la cellule. En somme, les barreaux étaient à 1 mètre quatre-vingt… Fort heureusement, il était grand et l’intervalle entre chaque barreau était assez large pour qu’il puisse y glisser une main. Il rapprocha son visage des barreaux.
Il ne regardait rien… Ses yeux étaient fermés, sans le besoin de se souvenir de l’allure d’un soleil arrogant qui trône sur une galaxie… Ses yeux étaient fermés.
Mais il sentait… Cette légère brise qui arrivait à se faufiler entre les barreaux, effleurant son visage avec timidité et retournant dans la liberté qui lui convenait. Une brise rare. Comme un enfant à son étoile filante, il attendait l’exceptionnel… Qui à son insu avait lieu si souvent, ailleurs, pour d’autres gens.
C’était le treizième jour qu’il était en train d’entamer, dans cette cage qu’il usait de par sa présence. Lui n’avait pas grand-chose à faire dans un lieu aussi peu intéressant mais ce fut tel un réfugié qu’il avait été traité… Sans trop d’égards, certes mais pas de quoi se plaindre.
Cela faisait quelques dizaines d’heures qu’il avait arrêté d’attendre le moment… S’étant fait une raison, il accepterait le gage quand le temps serait venu… Il le saurait car jusque là, il avait toujours su. Et il était sûr de ne pas se tromper… Il n’avait plus besoin d’attendre… Les choses seraient faciles pour lui.
Curieusement… Le seul souvenir dont il voulait encore s’embarrasser, c’était celui du vent caressant le visage d’un homme libre, compliqué certes mais heureux. Il pouvait presque s’en rappeler… Avec cela, le nombre de nuages qu’il y avait lors de ces instants ne semblait pas si futile… Manipuler le vent, il avait passé des années à faire ça depuis qu’il devint un simili mais profiter de sa caresse… Ca non, même s’il s’en était donné les moyens, il n’aurait pas vraiment pu… Encore maintenant, ce n’est pas la même chose.
Encore une ironie à ajouter à la somme des malédictions des similis. De son vivant, il n’avait pas assez profité de vent et lorsqu’il eut le pouvoir de le manipuler à tout usage… Il ne pouvait plus profiter.
…
Être prêt à mourir. Vue de l’extérieur, pour toute personne ayant un cœur et des émotions dignes d’un être humain… Sans même parler de similis, en prenant un quidam qui est prêt à mourir… C’est tout de même et certainement l’une des choses les plus tristes qui puissent lui arriver. Se préparer à passer de l’autre côté… Lugubre et en fait, terriblement désespérant. On dit que survivant à la perte de tout… Des proches, de la richesse, de l’honneur, l’espoir doit toujours rester dernier rempart au cœur d’un homme.
Ne plus avoir de cœur, c’était ne plus avoir d’espoir.
Il ne pensait plus à tout cela, il ne se posait plus la moindre question sur ce qu’il était…A l’aube d’un jour aussi triste, pourquoi remettre son existence en cause alors qu’elle ne tenait plus qu’à quelques jours. Ne plus penser à rien, ne faire qu’observer, que sentir… A la rigueur parler, oui mais avec qui ? Les autres prisonniers étaient des marginaux… Des imbéciles ou des fous…
En voyant Henri lui tournant le dos, il avait accepté, le quatrième jour, d’être seul désormais… Il n’y avait personne pour l’aider car il n’avait plus besoin d’aide. Maintenant que tout doute est perdu… On dit bien que celui qui n’a rien à perdre est dangereux, sauf que dans son cas, il n’avait rien à gagner non plus, si ce n’est de mourir comme il l’avait souhaité mais même cela, dans une cellule, cela semblait si dérisoire…
Il détacha enfin sa main des barreaux de la fenêtre, il recula d’un pas… Pivota légèrement vers la droite et balaya rapidement les autres cellules. Son visage était tout ce qu’il y a de plus neutre mais il était encore assez pâle, bien que les grosses cernes présentes il y a une dizaine de jours avaient disparues avec le temps. Il arrivait de nouveau à dormir, les cauchemars se taisaient et pour cela, il serait reconnaissant envers Henri jusqu’à son dernier soupir… Et il n’avait plus mal nulle part. Ses cicatrices s’étaient refermées, ses os ne le faisaient plus souffrir. Quand l’heure sonnerait, il serait décidément prêt.