La nuit était tombée sur le Jardin Radieux, monde du Consulat et de l'Art. Le Sommet de l'Art, bâtiment magistral composé du Sénat en forme de dôme et des neuf tours, dominait avec bienveillance. Le ciel était désormais de ce bleu sombre précieux qui nourrit depuis des siècles les rêves des poêtes et des joailliers, cherchant en vain sa couleur dans les yeux des femmes ou dans les plus belles variétés de saphir. Parmi les neuf tours plongées dans une ombre immuable, l'une d'elle perçait la nuit d'une faible lueur orangée, provenant de sa plus haute fenêtre. Malgré l'heure avancée, l'homme qui résidait dans la tour de Calliope avait encore du travail devant lui. Dans cette lumière vive qui emplissait la plus haute pièce de la tour, un vieil homme écrivait sur son bureau.
La pièce était ameublée assez simplement. Hormis le bureau d'ébène, quelques chandeliers dispensaient la lumière nécessaire au magistrat qui travaillait. Une étagère du même ébène luisant était de l'autre côté de la salle, garnie de livres épais aux pages jaunies. Un calme religieux régnait en cet endroit. Les seuls bruits qui accompagnaient la nuit étaient le grésilllement discret des bougies, et le grattement régulier d'une plume de cygne. L'homme ne cessait d'écrire, et plusieurs feuilles noirçies de son écriture élégante formaient une pile sur le bureau.
Le Fils de Calliope, maigre et grand, ne semblait rien de plus qu'un simple vieillard, dans cette position assise aux airs studieux. Il portait son habituel vêtement sombre, et ses mains frêles et noeuses étaient toujours baguées. Son visage anguleux aux courts cheveux gris arborait un monocle. A cet instant précis, il complétait une des nombreuses feuilles d'inventaire de la trésorerie du Consulat, nécessaire à la gestion financière de la ville, et sans doute bientôt d'autres mondes. Le hérault de Calliope, la muse de l'Eloquence, mobilisait toute sa concentration et ses capacités de calcul. Il répartissait les taxes récoltées durant la semaine sur les différents projets actuels des consuls. Le magistrat devait à présent lister les différents budgets pour l'école de danse.
Un cri unique sortit de la mâchoire crispée du juge. Il se leva dans un mouvement hystérique. Ses mains ridées et rageuses balayèrent les feuilles, qui volèrent puis retombèrent au sol comme des oiseaux blancs abattus en plein vol. Les yeux noirs de Claude Frollo semblaient en proie à la démence.
Epuisé par ce si soudain transport, il s'affalla sur sa chaise comme s'il fut vidé de toute force, cachant son visage dans sa main gauche. Les vieux membres de l'Eloquent tremblaient, peut-être sous l'effet de la fatigue. Peut-être sous l'effet du mal être. La main droite de Frollo saisit en une seconde la noire Epée d'Iblis, apparue dans une gerbe d'étincelles mauves. Cette arme d'origine alchimique redonnait de la vigueur au vieux juge, et celui-ci se sentit mieux. Son regard, bien que vif et farouche, était redevenu lucide. Sa bouche fine s'était détendue, et il montrait à présent son habituelle grimaçe autoritaire assez méprisante.
*J'ai besoin de me défouler un peu, et vite.*
Il rangea l'Epée d'Iblis dans son fourrreau, afin de bénéficier de sa force tout en gardant les mains libres. Il se coiffa de son chapeau, à la longue étoffe rouge. Puis le sévère magistrat empruntant l'escalier circulaire qui menait aux salles inférieures de la tour de Calliope. Il s'empara d'une torche afin d'éclairer son chemin dans sa maison, plongée dans l'ombre. Le Pêcheur par Justice, drapé de noir et d'orgueil, arriva d'abord dans une bibliothèque. Les étagères d'ébène étaient garnies d'ouvrages sur les différentes techniques et théories de l'éloquence. Le savoir des plus grands maîtres se trouvait là. Il y avait ainsi les dialogues de Socrate, les procès de Cicéron, diverses épigrammes... Frollo y avait également rangé ds ouvrages d'ordre plus politique, comme Le Prince, de Machiavel. La salle suivante était un amphithéâtre de taille moyenne, où le juge donnait occasionnellement des conférences, aussi bien pour les élèves des conservatoires et des écoles du Consulat que pour de simples citoyens.
Mais c'était la salle juste en-dessous de celle-ci qui intéressait Frollo : Une large pièce vide, au sol aux murs de marbre blanc. Bien que les murs n'aient ni torches ni fenêtres, elle était éclairée par de fins cristaux brillants enchâssés entre ses pierres, bénéficiant ainsi d'un hâlo blanchâtre. Beaucoup s'interrogeaient sur l'usage réel de cet espace, et les intellectuels du Jardin Radieux avaient échangé les théories les plus invraisemblables sur cette pièce. En vérité, seuls les frères consuls de Claude Frollo connaissaient sa vraie nature. C'était ici que le Pêcheur par Justice pratiquait la magie. Placé au centre de la pièce, silhouette sombre et aigrie brisant l'harmonie monochrome du marbre, le juge ferma les yeux et tendit les bras sur les côtés. Il sentait le flux magique s'éveiller en lui et imposer sa volonté à la pièce. Quand il rouvrit les yeux, la pièce blanche avait disparu, laissant autour du juge une landèche grisâtre battue par les vents. En ce lieu hors du temps, le ciel était noir et sans étoiles. D'étranges rires et murmures traversaient la terre comme des fantômes sonores. Mais quelque chose troublait le spectacle.
- Genesis ?
Le Fils de Melpomène était le consul qui rendait le plus souvent visite à Frollo. Quelques fois, ils se retrouvaient ici pour pratiquer ensemble les arcanes. Mais le juge ne reconnut pas l'aura magique de Genesis. Quelqu'un était proche de lui, mais impossible de savoir qui...
Mar 19 Oct 2010 - 21:57La pièce était ameublée assez simplement. Hormis le bureau d'ébène, quelques chandeliers dispensaient la lumière nécessaire au magistrat qui travaillait. Une étagère du même ébène luisant était de l'autre côté de la salle, garnie de livres épais aux pages jaunies. Un calme religieux régnait en cet endroit. Les seuls bruits qui accompagnaient la nuit étaient le grésilllement discret des bougies, et le grattement régulier d'une plume de cygne. L'homme ne cessait d'écrire, et plusieurs feuilles noirçies de son écriture élégante formaient une pile sur le bureau.
Le Fils de Calliope, maigre et grand, ne semblait rien de plus qu'un simple vieillard, dans cette position assise aux airs studieux. Il portait son habituel vêtement sombre, et ses mains frêles et noeuses étaient toujours baguées. Son visage anguleux aux courts cheveux gris arborait un monocle. A cet instant précis, il complétait une des nombreuses feuilles d'inventaire de la trésorerie du Consulat, nécessaire à la gestion financière de la ville, et sans doute bientôt d'autres mondes. Le hérault de Calliope, la muse de l'Eloquence, mobilisait toute sa concentration et ses capacités de calcul. Il répartissait les taxes récoltées durant la semaine sur les différents projets actuels des consuls. Le magistrat devait à présent lister les différents budgets pour l'école de danse.
Un cri unique sortit de la mâchoire crispée du juge. Il se leva dans un mouvement hystérique. Ses mains ridées et rageuses balayèrent les feuilles, qui volèrent puis retombèrent au sol comme des oiseaux blancs abattus en plein vol. Les yeux noirs de Claude Frollo semblaient en proie à la démence.
Epuisé par ce si soudain transport, il s'affalla sur sa chaise comme s'il fut vidé de toute force, cachant son visage dans sa main gauche. Les vieux membres de l'Eloquent tremblaient, peut-être sous l'effet de la fatigue. Peut-être sous l'effet du mal être. La main droite de Frollo saisit en une seconde la noire Epée d'Iblis, apparue dans une gerbe d'étincelles mauves. Cette arme d'origine alchimique redonnait de la vigueur au vieux juge, et celui-ci se sentit mieux. Son regard, bien que vif et farouche, était redevenu lucide. Sa bouche fine s'était détendue, et il montrait à présent son habituelle grimaçe autoritaire assez méprisante.
*J'ai besoin de me défouler un peu, et vite.*
Il rangea l'Epée d'Iblis dans son fourrreau, afin de bénéficier de sa force tout en gardant les mains libres. Il se coiffa de son chapeau, à la longue étoffe rouge. Puis le sévère magistrat empruntant l'escalier circulaire qui menait aux salles inférieures de la tour de Calliope. Il s'empara d'une torche afin d'éclairer son chemin dans sa maison, plongée dans l'ombre. Le Pêcheur par Justice, drapé de noir et d'orgueil, arriva d'abord dans une bibliothèque. Les étagères d'ébène étaient garnies d'ouvrages sur les différentes techniques et théories de l'éloquence. Le savoir des plus grands maîtres se trouvait là. Il y avait ainsi les dialogues de Socrate, les procès de Cicéron, diverses épigrammes... Frollo y avait également rangé ds ouvrages d'ordre plus politique, comme Le Prince, de Machiavel. La salle suivante était un amphithéâtre de taille moyenne, où le juge donnait occasionnellement des conférences, aussi bien pour les élèves des conservatoires et des écoles du Consulat que pour de simples citoyens.
Mais c'était la salle juste en-dessous de celle-ci qui intéressait Frollo : Une large pièce vide, au sol aux murs de marbre blanc. Bien que les murs n'aient ni torches ni fenêtres, elle était éclairée par de fins cristaux brillants enchâssés entre ses pierres, bénéficiant ainsi d'un hâlo blanchâtre. Beaucoup s'interrogeaient sur l'usage réel de cet espace, et les intellectuels du Jardin Radieux avaient échangé les théories les plus invraisemblables sur cette pièce. En vérité, seuls les frères consuls de Claude Frollo connaissaient sa vraie nature. C'était ici que le Pêcheur par Justice pratiquait la magie. Placé au centre de la pièce, silhouette sombre et aigrie brisant l'harmonie monochrome du marbre, le juge ferma les yeux et tendit les bras sur les côtés. Il sentait le flux magique s'éveiller en lui et imposer sa volonté à la pièce. Quand il rouvrit les yeux, la pièce blanche avait disparu, laissant autour du juge une landèche grisâtre battue par les vents. En ce lieu hors du temps, le ciel était noir et sans étoiles. D'étranges rires et murmures traversaient la terre comme des fantômes sonores. Mais quelque chose troublait le spectacle.
- Genesis ?
Le Fils de Melpomène était le consul qui rendait le plus souvent visite à Frollo. Quelques fois, ils se retrouvaient ici pour pratiquer ensemble les arcanes. Mais le juge ne reconnut pas l'aura magique de Genesis. Quelqu'un était proche de lui, mais impossible de savoir qui...