- « Cela me semble évident, mon bon... »
J’ai acquiescé d’un signe de tête pour faire genre « J’ai compris, ça me paraît malin. » Mais bon, ça m’en disait pas plus et ma question restait là sans réponse : Qu’est-ce qu’on était censé faire du môme.
En soi, c’était déjà une victoire, elle avait accepté de laisser la rousse là. Quitte à ce qu’elle crève, au moins, elle ne serait pas un sans-cœur… Et comme je déteste ces trucs là, j’aurais vraiment été forcé de la buter.
« Nous l'amenons au Quartier Général pour le livrer au Modéré Noir... »
Mais ça n’avait aucun sens, que je me suis dit. On s’était fait passer pour la Coalition pour les emmerder, alors pourquoi leur donner le gamin. Mais elle paraissait sûre d’elle donc bon… Fallait que j’y réfléchisse. J’ai posé ma main sur ma nuque, la frottant. Je n’étais pas le manipulateur du groupe, le cerveau ou encore le stratège. Même à l’armée, j’avais jamais eu ce titre. Pour la baston, je peux faire des trucs intelligents, sinon ça… Bof quoi, je me casse pas les burnes à chercher une autre alternative histoire de perdre quatre minutes de ma vie.
Certes, ça se valait. En réalisant le plan de ma coéquipière, on aurait enfin ce qu’on voulait.
« Ok… Tu peux déjà y aller, je t’y rejoins… J’ai besoin de me dégourdir les muscles, moi. »
J’ai attrapé le môme et l’ai mis sur mon épaule, genre bon sac à patate. Il était pas lourd mais la douleur du shuriken n’était pas insignifiante.
« Allez, à plus tard, ma jolie. »
Au fil de mes pas, cette impression d’être épie me revint de plus belle… J’avais plus aucun doute là-dessus. Par je ne sais quel moyen, j’étais observé. Et je regrettais un peu l’absence d’Ultimécia et de son pouvoir de détection qui aurait pu trouvé ce connard qui nous suivait. Enfin… De toute manière, je n’avais plus envie de me battre aujourd’hui. C’était pas la douleur de cette plaie causée par la fille ou la brûlure du môme que je tenais, seulement que je m’étais bien défoulé avec le sans-cœur…
Ca faisait déjà pas mal de temps que je détestais ces bêtes là… Plus que tout… C’n’était même pas qu’elles m’énervaient, que je leur trouvais un sale style. Mais l’histoire a fait qu’elles m’ont enlevé ce qui m’était le plus cher et qu’à cause de ça, j’ai tout perdu… Bah, je sais que je ne suis pas le seul mais à la différence des autres, je suis super balèze. J’ai le pouvoir de tous leur faire la peau et dans mon genre, j’ai aucune pitié avec cette piétaille…
Dans mes réflexions super profondes, j’étais déjà dans le bois. Mon épée sur une épaule et le môme sur l’autre. Si je me souvenais bien, c’était pas beaucoup plus loin qu’il y avait un gros bon manoir où régnait Le Modéré Noir, comme me l’avait dit Konstantine. Lui, c’était certes pas un sans-cœur mais c’était pas beaucoup mieux. Une belle concentration de ténèbres dans un corps, c’était trop attirant pour les sans-cœurs, ils venaient donc dans son monde et engendraient de nouveaux sans-cœurs. Putain lui… Si je l’avais eu devant moi, je lui aurai passé l’envie de faire chier…
Dans mon genre, je dois avouer que j’essaie toujours de trouver un responsable aux merdes qui m’arrivent. Paraît que c’est signe de lâcheté… C’est juste que j’arrive pas à croire que ce soit le destin. A croire qu’elle était vraiment contre moi depuis le début de ma putain de vie.
J’étais devant les grilles du Manoir, y avait un mec pas loin, tout blanc… Il puait le sans-cœur, c’était limite évident… Ca m’a bien emmerdé mais bon…
« Oh, le sans-cœur ! J’ai un cadeau pour ta bande… »
J’ai attrapé le môme, encore sous l’effet de la magie du temps d’Ultimécia. Actuellement, on pouvait même l’égorger, il ne mourrait pas avant quelques heures, quoi qu’on lui fasse… Et sans perdre mon temps, je l’ai lancé par le col au-dessus de la grille, le faisant tomber bien violemment sur le sol, au pied du sans-cœur…
« Avec ça, Pierrot, t’as le pouvoir de tout arrêter… Ainsi, plus de guerre. Mais tu vois, Pierrot, je pense que toi comme moi, c’est pas ce qu’on souhaite. »
Il ne répondit rien… Il était plutôt classe dans le genre, distingué tandis que moi, torse nu, bonne barbe, vêtements déchirés… J’ai fait quelques mouvements de mon épaule pour me dérouiller et j’ai fait un sourire ironique.
« Tu préfères la baston ? Comme je te comprends… A plus, Pierrot. »
Et je me suis barré par le même chemin en serrant bien mon poing… Partagé entre mon désir de ne plus combattre de la journée et l’envie de me faire un sans-cœur.